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537. (1856) Cours familier de littérature. I « IIe entretien » pp. 81-97

C’est la littérature qui opère ce phénomène de la transmission de l’âme, non plus d’un homme à un homme, mais d’un siècle à cent autres siècles. […] La parole contenue dans la première langue a dû être révélée divinement à l’homme le jour où l’âme a pensé, c’est-à-dire le jour où elle a été créée avec la faculté d’avoir des sensations, de produire et de combiner des idées, d’avoir conscience de son existence et des choses existantes en elle et hors d’elle. […] « Examinons, disions-nous encore, ce que c’est que l’homme ; oublions que nous sommes nous-même une de ces misérables et sublimes créatures appelées de ce triste et beau nom dans la création universelle ; échappons, par un élan prodigieusement élastique de notre âme immatérielle et infinie, à ce petit réseau de matière organisée de chair, d’os, de muscles, de nerfs, dans lequel cette âme est mystérieusement emprisonnée ; supposons que nous sommes une pure et toute-puissante intelligence capable d’embrasser et de comprendre l’univers, et demandons-nous : Qu’est-ce que l’homme ?  […] Considérez sa structure, vous reconnaîtrez que chacun de ses organes corporels, autrement dit ses sens, n’a pas d’autre objet que de mettre son intelligence ou son âme en communication avec le monde extérieur qui l’enveloppe, de lui donner une sensation, de produire en lui une idée, de lui faire comparer en lui-même ces sensations et ces idées, et enfin de les exprimer pour lui-même ou pour les autres, ou, ce qui est plus beau, pour Dieu par la parole ; la parole qui dit Je vis, la parole qui dit Je pense, la parole qui dit J’adore, mot sublime et final où se résume toute la création. […] Un cours libre de littérature doit relever et non ravaler à ses propres yeux l’âme humaine.

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