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51. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

Nous recevons en nous l’âme de la princesse de Clèves et, tout en sentant fort bien que c’est d’une autre âme que nous vivons pour une heure, nous sentons aussi que notre âme à nous enveloppe l’âme étrangère qu’elle reçoit, et s’en pénètre et s’en enrichit merveilleusement, ou du moins d’une façon qui nous paraît merveilleuse. […] C’est une âme qui s’était unie à la nôtre, à laquelle nous nous étions unis et qui nous quitte. […] Il se fait une âme très spéciale qui est composée de celle d’abord qu’il a apportée avec lui et qui tendait naturellement à l’idéal, de celle ensuite qu’il a tirée de ses livres favoris et qui raffine encore et renchérit sur les instincts primitifs ; il se fait ce qu’on appelle une âme romanesque. […] Il ne doute point qu’il n’ait une âme de qualité supérieure, une âme nourrie du miel d’Hymette. […] Ce n’est pas que le lecteur des anciens se soit fait, précisément, une âme grecque ou une âme romaine ; Il s’est fait une âme de tous les temps, excepté du temps où il est.

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