/ 3036
1431. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

L’idée de dépayser ma fille de la cabane où elle ne faisait qu’une avec nous trois ; l’idée de la séparer d’Hyeronimo, dont elle n’avait jamais été désunie depuis la mamelle qui les avait nourris l’un et l’autre ; l’idée de jeter cette âme, qui rayonnait semblable au soleil de tous nos matins sur notre fenêtre, comme un misérable tas de baïoques de cuivre à un étranger, en échange de la place qu’il nous laisserait ainsi pour végéter sur la montagne, lui souleva le cœur. […] — Bénie soit l’idée de ta mère, m’écriai-je en embrassant Hyeronimo, qui pleurait en regardant sa cousine endormie.… Allons, courage, mon pauvre garçon, lui dis-je ; le seul moyen de les revoir et de nous revoir tous dans de meilleurs jours, c’est de suivre le conseil de ta mère ; c’est l’âme de ton père qui l’inspire. […] L’image dont cette naïve jeune mère ne soupçonnait pas même la candeur ne fit sourire ni l’aveugle, ni la vieille tante, ni moi ; tout était pureté dans cette bouche pure, vierge d’âme, quoique avec son fruit d’innocence sur son sein. […] En vivant ainsi et en parlant avec l’un ou avec l’autre, quelque âme charitable finira bien par me dire ce qui est advenu de Hyeronimo. […] Quand il saura que sa sœur souffre avec lui, il souffrira la moitié moins, car une âme prend, dit-on, plus de la moitié des maux d’une autre âme sur la terre, comme dans le purgatoire.

/ 3036