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692. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

Je puis paraître porter bien loin la susceptibilité littéraire, mais j’aimerais mieux, si j’étais jeune, et par respect même pour la littérature, un tout autre emploi que celui-là de mon temps et d’un si bel âge ; la jeunesse offre tant d’autres distractions ! […] Un père me disait un jour, en voyant son fils pâlir dès l’âge de douze ans sur les vieux livres, non pour les lire et en tirer des pensées, mais pour en admirer les vignettes, les fermoirs, les reliures (et le fils est devenu depuis un bibliophile féroce) : « Au moins il a un noble goût. » Un galant marquis, âme ardente, qui avait connu toutes les passions, chasse, amour, cavalcades effrénées, et qui finissait par les livres, répondait à quelqu’un qui s’en étonnait : « Après tout, c’est encore moins ruineux que les femmes, les chevaux et les chiens. » Ainsi il peut être utile en même temps qu’il est honorable à un jeune homme de s’adonner aux curiosités des livres, et c’est rassurant pour les siens de le voir commencer par là ; mais alors pourquoi ne pas s’en tenir au simple goût d’amateur ? […] Cousin a cela véritablement de très-curieux qu’il nous montre à quel point, à cette date de 1649, à l’âge de trente-six ans, La Rochefoucauld avait déjà souffert dans son orgueil et était déçu et ulcéré dans son ambition.

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