Après la soupe mangée sur la table luisante de noyer, entourée de bancs du même bois, on voit les vieilles femmes sortir toutes courbées par l’âge et par le travail. […] Et je n’ouvris jamais dans un autre âge le tiroir du secrétaire de ma mère sans la relire tout entière avec une certaine satisfaction de ma précocité. […] Mon père y apportait cette franchise brève et sobre de pensées et d’impressions qui caractérisaient son âme et son esprit ; M. de Vaudran, des connaissances nettes et intarissables ; le jeune vicaire, la modestie et cependant l’ardeur de son âge. […] C’était le plus souvent M. de Vaudran qui lisait quand le livre était dogmatique ; l’abbé lisait les journaux, les pamphlets acerbes, les anecdotes analogues à son âge ; mon père lisait admirablement les poètes. […] … Il faut supposer une grande dose de puérilité, je l’avoue, à un homme qui a vécu âge d’homme et qui a vu ce que j’ai vu, pour croire qu’il tienne à cet écho du néant qu’on appelle la mémoire des hommes !