J’étais ivre de marbre ; j’avais dix-huit ans, âge où les impressions sont des vertiges ; je n’osais pas me faire présenter à Canova ; j’adorais en silence et de loin son génie. […] Ces deux hommes se ressemblaient étonnamment de figure et de caractère ; tous les deux portaient sur une taille haute et mince une tête noble, pâle, gracieuse, pensive, loyale et fine, beaucoup plus grecque de contours et de traits que romaine ou vénitienne ; ils étaient du même âge à l’œil, de cet âge heureux pour les hommes d’État et pour les artistes, où le soleil de la vie n’éclaire plus que le sommet (le front) comme à cette heure de la soirée où le soleil du jour n’éclaire plus que les cimes. […] Canova, né dans cette carrière, avait eu pour premier jouet de son enfance, à l’âge de cinq ans, le maillet et le ciseau : le métier avait commencé pour lui avant l’art. […] « Ce sont les âges d’or de l’histoire. […] Cela se fait, se voit, s’entend ; puis cela ne se fait plus, ne se voit plus, ne s’entend plus, jusqu’à la consommation des âges.