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343. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

S’enfermant au collège de Sainte-Barbe vers l’âge de vingt-sept à vingt-huit ans, il se mit à lire les anciens historiens et à méditer de composer une Histoire de France dans un goût tout nouveau. […] En parcourant les papiers du fonds Mézeray à la Bibliothèque impériale, j’ai rencontré27 cette première dédicace non employée et mise au rebut, et j’en donnerai quelque chose ici, parce que c’est justice et que l’inspiration de cette grande œuvre historique, qui ne parut que sous la régence, doit se rapporter à l’âge et au règne précédent. […] Aussitôt le mariage célébré en Normandie entre Blanche et le fils de Philippe Auguste, Louis emmène sa chère moitié à Paris : Les deux époux étaient à peu près pareils en âge, de treize à quatorze ans, tous deux d’un esprit enclin à la piété, éloigné du vice, pur, ouvert et sans fiel, et en tout tellement semblables l’un à l’autre, que de ce parfait rapport et de cette mutuelle correspondance naquit entre eux deux un amour saint, qui fut désormais l’âme de l’un et de l’autre. […] Je me trompe pourtant d’appeler cela un règne, ce fut une anarchie continuelle : d’autant qu’il vint à la couronne à treize ans ; il fut sous des régents plusieurs années, et puis, étant venu en âge, tomba sous la captivité de ses favoris, et à vingt-six ans en cette longue maladie qui mit presque cette monarchie au tombeau… Si bien que toute sa vie n’a été qu’une folie ou de cerveau ou de jeunesse, et, ni sain ni malade, il n’a jamais eu une once de bon conseil et de forte résolution, mais a toujours été hors de lui-même, ayant été en tout temps possédé par ceux qui l’obsédaient, et ferme seulement en un point, qui était de se changer à l’appétit de tous ceux qui se saisissaient de lui.

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