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269. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Vauvenargues et le marquis de Mirabeau avaient le même âge ; ils étaient Provençaux ; ils étaient parents, capitaines tous deux, Mirabeau dans le régiment de Duras, et Vauvenargues dans le régiment du roi. […] Quoique à l’âge où l’on se livre aisément, Vauvenargues ne disait pas tout sur lui-même ; il se réservait. « Je n’ai jamais osé ouvrir mon cœur à personne tant que j’ai vécu ; vous êtes le premier à qui j’aie avoué mon ambition, et qui m’ayez pardonné ma mauvaise fortune. » C’est dans un dialogue des morts qu’il fait dire cela à Brutus par un jeune homme qui lui-même s’est tué, et ce jeune homme, à bien des égards, c’est lui. […] Adieu, aimez-moi ; vous êtes quelques-uns dont l’amitié fera toute la douceur de ma vie, car les femmes, qui font maintenant toute l’occupation de ma folle jeunesse, n’y tiendront pas, j’espère, du moins en tant que sexe, le moindre petit coin à un certain âge. […] est-ce à votre âge que l’on doit se borner à commander un bataillon d’infanterie ? […] Il nous reste à les voir avec le détail qu’elles méritent, paraissant aujourd’hui pour la première fois. — Heureux âge de vingt-cinq ans qui permet et sollicite de tels épanchements entre égaux, qui ouvre un infini de perspective dans toutes les carrières, les montre plus simples et plus droites qu’elles ne sauraient jamais l’être à les parcourir en réalité ; qui, des oppositions même et des contrariétés du sort, sait tirer des combinaisons nouvelles, et se fraye en idée, par-delà l’obstacle, de plus belles routes inconnues !

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