Ajoutez que, s’il est rencontré dans son âge de faiblesse par un autre homme isolé plus fort que lui, il devient à l’instant sa victime ou son esclave ; en sorte que le premier phénomène que présente la première société, c’est un maître et un esclave, un bourreau et une victime, jusqu’à ce que par les années la force du plus âgé devienne faiblesse, et la faiblesse du plus jeune devienne force et oppression, que les rôles changent, et que l’esclavage alternatif passe de l’un à l’autre avec la force brutale. […] Sa première loi est de veiller à sa propre conservation ; ses premiers soins sont ceux qu’il se doit à lui-même ; et sitôt qu’il est en âge de raison, lui seul, étant juge des moyens propres à se conserver, devient par cela seul son propre maître ! […] Y en a-t-il plusieurs également bonnes, selon les lieux et les temps, les âges et les caractères des peuples ? […] Ces formes diverses et successives de gouvernement ne sont ni absolument bonnes, ni absolument mauvaises en elles-mêmes : elles sont relativement bonnes ou mauvaises, selon qu’elles servent plus ou moins bien la souveraineté qu’elles sont chargées d’exprimer et de servir ; tout dépend de l’âge, du caractère, des mœurs, des habitudes, du nombre, du site, du climat, des limites, de la géographie même des peuples qui adoptent telle ou telle de ces formes de gouvernement. […] L’âge patriarcal, souveraineté paternelle absolue, mais providentielle, du père, première image de la souveraineté paternelle de Dieu, père universel de toute race, admet partout le droit d’aînesse dans l’hérédité, ou le droit absolu de tester en faveur du favori, du benjamin du père ; le père se continue dans celui que Dieu lui a envoyé le premier, ou dans celui qu’il a choisi pour son bien-aimé parmi ses frères.