L’âge de l’établissement du christianisme fut pour le genre humain l’âge de l’émancipation morale, qui avait succédé à celui de l’empire absolu de l’imagination. L’âge actuel serait, dans le système que je me propose de développer, l’âge d’une seconde émancipation, celle de la pensée par l’affranchissement des liens de la parole. Comme le genre humain ne doit rien perdre de ce qu’il a successivement acquis, il faut tâcher de retenir ce que nous pourrons des deux âges qui ont précédé ; et surtout il faut admettre que l’âge actuel ne pourrait pas exister, tel qu’il est, ou tel qu’il sera par la suite, s’il n’eût pas été préparé par tous les développements des deux autres âges. […] La classe des hommes qui ne pensent qu’avec la parole a longtemps été la plus nombreuse ; elle existait seule dans les premiers âges du monde. […] En un mot, les liens de la parole ont été jusqu’à présent une des limites de la liberté de l’homme ; et l’émancipation de la pensée par l’affranchissement des liens de la parole est une des prérogatives de l’âge présent de l’esprit humain.