Nous avons tenté autrefois l’application de cette méthode au problème de la conscience, et il nous a paru que le travail utilitaire de l’esprit, en ce qui concerne la perception de notre vie intérieure, consistait dans une espèce de réfraction de la durée pure à travers l’espace, réfraction qui nous permet de séparer nos états psychologiques, de les amener à une forme de plus en plus impersonnelle, de leur imposer des noms, enfin de les faire entrer dans le courant de la vie sociale. […] L’influence de la gravitation s’étend à travers les espaces interplanétaires. […] Il entend par là que l’individualité de l’atome consiste dans le point mathématique où se croisent les lignes de force, indéfinies, rayonnant à travers l’espace, qui le constituent réellement : chaque atome occupe ainsi, pour employer ses expressions, « l’espace tout entier auquel la gravitation s’étend », et « tous les atomes se pénètrent les uns les autres 103 ». […] Or, la direction qu’ils indiquent n’est pas douteuse ; ils nous montrent, cheminant à travers l’étendue concrète, des modifications, des perturbations, des changements de tension ou d’énergie, et rien autre chose. […] S’il y a des actions libres ou tout au moins partiellement indéterminées, elles ne peuvent appartenir qu’à des êtres capables de fixer, de loin en loin, le devenir sur lequel leur propre devenir s’applique, de le solidifier en moments distincts, d’en condenser ainsi la matière et, en se l’assimilant, de la digérer en mouvements de réaction qui passeront à travers les mailles de la nécessité naturelle.