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1895. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Vrais cicérones brevetés, les critiques dirigent les pas et les regards hésitants du lecteur à travers ces milliers d’œuvres nouvelles ; ils ont l’office de faire pour lui un premier triage ; ils sont chargés de le mener droit à ce qui vaut la peine d’être tiré du tas. […] Suivant un mot de Sainte-Beuve, pour ces poètes déclassés la critique est comme une lucarne à travers laquelle ils se montrent. […] Il expliqua comment le vagabondage à travers le temps et l’espace, devenu une habitude et un besoin de notre civilisation, a multiplié parmi nous la race des dilettantes ; il s’attacha à prouver que l’esprit d’analyse et le raffinement du goût ont perverti l’amour, quand ils ne l’ont pas rendu impossible ; il montra l’usure que l’abus de la pensée et le surmenage du cerveau produisent sur le corps, le sentiment et la volonté ; il constata des conflits entre la spéculation et l’action, entre la science et la poésie, entre la démocratie et la haute culture ; il conclut qu’il se dégageait de tout cela comme une vapeur de tristesse qui enveloppait le monde d’un nuage chaque jour plus épais, et il donna pour le dernier mot de la philosophie du jour un pessimisme très sombre teinté d’un vague mysticisme. […] À force d’étudier uniquement à travers soi-même les œuvres littéraires, on s’expose à leur prêter de fausses couleurs.

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