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284. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

L’heure d’Aladin a sonné ; il est appelé par le Sultan, il sauve l’État, il repousse l’ennemi par son habileté et même sans livrer de bataille, puis il se retire à temps loin de la ville et de la Cour, au sein de l’amitié et des lettres : « Les grands hommes sont comme les remèdes actifs, qu’il ne faut employer que dans les grandes occasions. » M. de Meilhan tarda peu à émigrer. […] L’objet de M. de Meilhan est de présenter un tableau général exact du gouvernement de la France et de la société avant la Révolution, et de montrer qu’il n’y avait pas lieu ni motif à la révolte, qu’il y aurait eu moyen de la conjurer si on l’avait su craindre, et que lorsque la crainte est venue après l’extrême confiance, elle a, par son excès même, paralysé les moyens : « La légèreté d’esprit dans les classes supérieures a commencé la Révolution, la faiblesse du gouvernement l’a laissée faire des progrès, et la terreur a consommé l’ouvrage. » La description que donne l’auteur de l’ancien gouvernement de la France, de cette Constitution non écrite, éparse et flottante, mais réelle toutefois, est des plus fidèles ; il fait parfaitement sentir en quoi la France d’avant 89 ne pouvait nullement être considérée comme, un État despotique proprement dit ; il parle du roi et de la reine, du clergé, de la noblesse, du tiers état et du rapprochement des diverses conditions, des parlements, du mécanisme de l’administration, des lettres de cachet, de la dette, de l’influence des gens de lettres sous Louis XVI, avec une justesse et une précision qui me font considérer cet ouvrage comme la meilleure production de M. de Meilhan, après ses Considérations sur l’esprit et les mœurs, et comme pouvant se joindre à titre de supplément utile à l’Abrégé chronologique du président Hénault. […] M. de Malesherbes ayant été nommé ministre s’empressa, selon l’usage, de faire aussitôt la visite des maisons qui contenaient des prisonniers d’État. […] Quand on l’a connu, il est évident qu’il n’aurait jamais consenti à assembler les notables, et encore moins les États généraux ; et que, si l’on suppose des circonstances critiques, il n’aurait pas balancé, pour le rétablissement de l’ordre, à prendre les plus violents partis et à y persévérer.

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