Parmi les hommes d’État de sa création et ceux qui tenaient sous lui le second rang, c’était à qui espérerait la plus grosse partie de cet héritage. […] Le lendemain, de bon matin, au Conseil auquel assistait Fouquet avec les autres ministres et secrétaires d’État, Louis XIV dit : « Messieurs, je vous ai fait assembler pour vous dire que jusqu’à présent j’ai bien voulu laisser gouverner mes affaires par feu M. le cardinal, mais que dorénavant j’entends les gouverner moi-même ; vous m’aiderez de vos conseils quand je vous les demanderai. » Fouquet entendit ces paroles sans y croire. […] Les raisons d’État qu’eut Louis XIV sont mieux comprises : il les a consignées en peu de mots dans les belles Instructions qu’il dicta pour son fils, et que ce même Pellisson, ancien premier commis de Fouquet et devenu secrétaire du monarque, écrivit de sa main49. […] Mais on peut répondre à Pellisson, premièrement, que Fouquet n’avait pas fait ces actes mémorables dont Mazarin pouvait revendiquer hautement l’honneur ; qu’il n’avait encore rien réalisé de grand en son nom pour l’État ; que s’il avait rendu des services en ces temps de difficultés et de gêne, ce n’était pas de ces services éclatants qui couvrent et qui rachètent tout. En second lieu, l’argumentation de Pellisson ne s’applique qu’à des irrégularités, à des transactions utiles et indispensables, et non à des déprédations personnelles, profitables seulement à ceux qui les commettaient, ruineuses à l’État, dont elles augmentaient la gêne et dont elles aggravaient les charges.