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167. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

Déjà dans une de ses précédentes prisons il avait fait un Essai sur le despotisme : à Vincennes, il écrivit d’éloquentes réflexions sur les prisons d’État et les lettres de cachet ; il écrivit surtout ses fameuses lettres à Sophie, incroyable mélange de déclamations sincères et de renseignements exacts, où l’amour déborde parmi la philosophie, la politique, la morale, où tout Mirabeau se découvre, avec la grandeur et les bassesses de sa nature, avec sa violence de tempérament et son immoralité foncière, mais aussi avec ses généreuses aspirations, son information encyclopédique, et l’éclat de sa forme oratoire : c’est du Rousseau, si l’on veut, du Rousseau plus trouble, plus débraillé, plus tumultueux, et toutefois aussi plus raisonnable, plus avisé, plus pratique. […] Mais dans cet orateur il y avait un homme d’État. […] Il a un tempérament d’homme d’État parlementaire, un souci de la légalité, des formalités même et des règlements, qui le fait patienter, temporiser, négocier avec une prudence incroyable, lorsqu’il s’agit d’amener les deux premiers ordres à se réunir au Tiers. […] Il espérait y trouver le frein capable de retenir l’Etat sur la pente où il glissait, sur la pente du despotisme parlementaire. […] Il s’acharna à fonder une religion d’État, à formuler en un credo légal le déisme de Jean-Jacques.

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