(1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « au lendemain du saint-simonisme  » p. 505
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(1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « au lendemain du saint-simonisme  » p. 505

au lendemain du saint-simonisme

Un des traits les plus caractéristiques de l’état social en France, depuis la chute de la Restauration, c’est assurément la quantité de systèmes généraux et de plans de réforme universelle qui apparaissent de toutes parts et qui promettent chacun leur remède aux souffrances évidentes de l’humanité. Il semble que la chute définitive de l’ancien édifice, qu’on s’obstinait à restaurer, ait, à l’instant, mis à nu les fondements encore mal dessinés de la société future que les novateurs construisaient dans l’ombre. Pris ainsi au dépourvu par l’événement, les novateurs se sont crus obligés de finir en toute hâte ce qu’ils avaient jusque-là essayé avec plus de lenteur ; et sur quelques fondements réels, sur quelques faits ingénieusement observés, ils ont vite échafaudé leur monde ; ils ont bâti en un clin d’œil temple, atelier, cité de l’avenir. Si l’humanité n’a pas encore fait choix d’un abri, ce n’est certes pas faute d’être convoquée chaque matin en quelque nouvelle enceinte. Mais, toute souffrante qu’elle est incontestablement, tout exposée qu’on la voit aux fléaux de la nature et à l’incurie de ses guides, cette pauvre humanité ne paraît pas empressée de courir à l’un plutôt qu’à l’autre de ces paradis terrestres qu’on lui propose. Elle attend ; elle se sent mal, et accepterait avec reconnaissance tout soulagement positif qu’on lui voudrait apporter ; mais, pour la convaincre, il ne faut pas trop lui promettre ; elle n’en est plus aux illusions de l’enfance ; et, sans prendre la peine d’examiner longuement, il lui suffit d’opposer aux magnifiques avances de ses bienfaiteurs cette réponse de simple bon sens, que qui prouve trop ne prouve rien.