(1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Sur un exemplaire de Vauquelin de la Fresnaie »
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(1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Sur un exemplaire de Vauquelin de la Fresnaie »

Sur un exemplaire de Vauquelin de la Fresnaie

On a lu plus haut, en tête de l’Étude sur Joachim Du Bellay (page 268), ce qu’a écrit M. Sainte-Beuve sur la valeur vénale de ces poëtes du xvie  siècle, qui est allée croissant d’âge en âge et jusqu’à lui, — on peut le dire. Son Tableau de la Poésie française, que nous réimprimerons un jour avec toutes les notes et additions marginales, interfoliées, interlinéaires, dont sa main a laissé couvert un exemplaire qu’il destinait à une prochaine édition, n’a pas nui, sur le cours et marché de la Bourse littéraire, à la hausse actuelle des poëtes de l’illustre Pléiade, tant recherchée aujourd’hui des bibliophiles. Nous ne saurions que nous féliciter, pour notre part, de cet amour intelligent que le public a témoigné à la vente même des livres de M. Sainte-Beuve : qu’on me permette d’en rappeler l’un des principaux épisodes, se rapportant aussi au xvie siècle.

Parmi les joyaux destinés à faire briller ces enchères, et qui en formaient (pour ainsi dire) le bouquet, figurait, — les amateurs ne l’ont pas oublié, — un Vauquelin de la Fresnaie, ce livre, ce rare avis de la bibliophilie, sans lequel il n’y aurait pas de vraie vente à sensation, et dont on dit toujours, à chaque nouvel exemplaire qui en reparaît, qu’on n’en connaît que trois ou quatre au monde. Ce sont donc toujours les mêmes qu’on vend ?

Celui de 31. Sainte-Beuve contenait, outre une marque essentielle de provenance, une note témoignant de tous les scrupules de son propriétaire, — scrupules de probité et d’érudition, — par lesquels il cherchait à expliquer cette marque. Je copie, sur le catalogue même de la vente où elle a été reproduite tout au long, la note écrite et signée de la main de M. Sainte-Beuve sur la feuille de garde en tête de l’exemplaire. Elle est d’un grand intérêt pour les amateurs, et ne contribuait pas peu à en donner au livre171.

« Cet exemplaire, écrivait M. Sainte-Beuve, est celui qui a appartenu à M. de Pixérécourt et à M. Nodier : il s’est vendu 80 fr. à la vente du premier, et 153 fr. à la vente du second. Le timbre (de la Bibliothèque Mazarine) qu’il porte m’a fait consulter les catalogues de la Bibliothèque Mazarine pour voir s’il n’en provenait pas ; mais l’indication de ces Poésies de Vauquelin de la Fresnnie manque dans le catalogue alphabétique de la Bibliothèque Mazarine rédigé en 1751, et je n’en ai pas retrouvé trace dans les catalogues antérieurs.

« Il est probable qu’il est sorti de la bibliothèque du cardinal lors de la grande vente qui se fit par arrêt du Parlement et dont parle Gui Patin dans sa lettre du 30 janvier 1652. »

Ce bijou de bibliothèque s’est vendu, à la dispersion des livres de M. Sainte-Beuve, 3,105 fr., dans la soirée du samedi 26 mars 1870.

M. Sainte-Beuve était loin, sans doute, de se croire aussi bon prophète, quand, quelques pages plus loin, dans l’étude ci-dessus (page 272), à propos de l’édition moderne de l’Art poétique de ce même Vauquelin, par M. Achille Genty, il déclare le volume original des Poésies complètes de La Fresnaie « tout à fait rare, hors de prix et inabordable. » Il l’eût du moins été pour lui de nos jours, dans ces conditions-là. Mais encore une fois son nom et sas travaux ont poussé à la hausse.