(1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »
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(1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Madame Desbordes-Valmore.

Sa vie et sa correspondance

On n’écrit pas la vie d’une femme, sa biographie à proprement parler : je noterai seulement les points essentiels de l’existence de Mme Valmore, sans lesquels on ne pourrait bien apprécier les extraits de sa correspondance.

Sa destinée errante, qui l’avait jetée et ramenée plus d’une fois de Rotten à Bruxelles, de Bruxelles à Rouen, puis à Lyon, à Bordeaux, sauf quelques stations d’assez courte durée à Paris, eut un dernier et notable épisode en 1838. Mme Valmore vit l’Italie, la haute Italie du moins. En 1838, au mois d’août, un entrepreneur de théâtre eut l’idée d’engager quelques acteurs français pour jouer à l’époque du sacre de l’empereur Ferdinand (à titre de roi de Lombardie), qui devait se faire à Milan et y attirer une foule d’étrangers. Mme Valmore, avec ses deux filles, y accompagna son mari, ne laissant en France que son fils. Ce fut pour les artistes qui avaient cru au sérieux de cet engagement une déception cruelle ; mais le poète y gagna de voir la grande terre, les grands horizons et les paysages aimés de Virgile. Son goût dut s’y élargir. Un petit album où elle notait ses impressions ne nous représente pourtant que des notes brisées ; mais c’est là qu’elle conçut et chanta sa belle invocation au Soleil :

Ami de la pâle indigence,
Sourire éternel au malheur,
D’une intarissable indulgence
Aimante et visible chaleur ;
Ta flamme, d’orage trempée,
Ne s’éteint jamais sans espoir :
Toi, tu ne m’as jamais trompée
Lorsque tu m’as dit : Au revoir !

Tu nourris le jeune platane
Sous ma fenêtre sans rideau,
Et de sa tête diaphane
À mes pleurs tu fais un bandeau.
Par toute la grande Italie
Où je marche le front baissé,
De toi seul, lorsque tout m’oublie,
Notre abandon est embrassé…

L’image de ce platane à la fenêtre sans rideau, du moins dans les deux premiers vers de la strophe, est saisissante ; on sent que c’est pris sur nature, et que ce n’était pas une fiction du poète. Dans une lettre à Mme Pauline Duchambge, datée de Milan, 20 septembre (1838), à la veille du retour, je lis ces mots : « Mars (Mlle Mars) te porte une feuille du platane qui me servait de rideau… »

Mlle Mars, en effet, était allée à Milan donner quelques représentations à l’occasion de cette même solennité, et ce fut une rencontre heureuse pour ses imprudents compatriotes, que la faillite de l’impresario laissait à la lettre sur le pavé : elle joua à leur bénéfice pour les aider à se rapatrier. Un quartier de la petite pension qu’avait Mme Valmore vint aussi fort à propos pour être partagé entre tous ceux qui en avaient tant besoin ; et comme c’était peu, elle vendit encore quelques effets pour le même usage.

Depuis cette excursion la plus lointaine qu’elle ait tentée (après le voyage aux Antilles), Mme Valmore, revenue avec sa famille à Paris, y vécut habituellement, et si elle y fut errante, ce ne fut plus que de quartier en quartier, et dans les logements divers d’où les gênes domestiques la chassaient trop souvent. J’ai parlé d’une pension qu’elle touchait ; ceci est à expliquer, d’autant plus que la correspondance sera remplie de détails pénibles, et qu’il serait injuste d’en tirer aucune conséquence extrême contre la société ni contre les hommes. Mme Valmore dans ses plaintes n’accusa jamais personne : elle était le plus éloignée par nature de toute récrimination comme de toute déclamation. Elle avait rencontré, en effet, sur sa triste route bien des amis qui n’avaient été ni insensibles ni inactifs ; mais elle-même avec sa pudeur délicate ne se prêtait guère aux bienfaits ; elle n’allait volontiers au-devant des services que quand c’étaient des services à rendre, non à recevoir. Une personne dont on ne saurait assez reconnaître le bienfaisant génie revêtu de charme, Mme Récamier, de bonne heure avertie par M. de Latouche du talent et de la situation de Mme Valmore, s’était mise en peine pour l’obliger. Lorsque M. de Montmorency fut nommé membre de l’Académie française (1825), il eut la noble idée de céder son traitement à un homme de lettres dans le besoin, ce qu’avait fait précédemment Lucien Bonaparte, qui, l’on s’en souvient, avait cédé sa pension de l’Institut à Béranger commençant. Mme Récamier songea aussitôt à présenter Mme Valmore au choix de M. de Montmorency ; mais de sa part à elle, on se heurta à une délicatesse. M. de Latouche, qui la connaissait bien, avait tout d’abord prévenu Mme Récamier70. Mme Valmore, au premier mot qu’on lui en toucha, eut d’instinct un mouvement de refus. Sans bien se rendre compte, elle ne se sentait pas de force à être l’obligée d’un grand seigneur, fût-il le plus homme de bien ; l’humble et digne plébéienne n’aurait pas supporté qu’on pût dire d’elle ce que le monde malin disait d’un autre littérateur assez distingué et le plus long de taille que j’aie connu, qu’on avait surnommé en ce temps-là « le pauvre de M. de Montmorency ». De Bordeaux où elle était alors, elle s’empressa de répondre à Mme Récamier :

« Pardonnez si mes mains ne s’ouvrent pas pour accepter un don si bien offert. Mon cœur seul peut recevoir et garder d’un tel bienfait tout ce qu’il y a de précieux et de consolant, le souvenir du bienfaiteur et la reconnaissance sans le poids de l’or. Il me reste à vous supplier de prendre sur vous mes vifs remerciements et mon respectueux refus ; c’est à votre adorable bonté que j’ai dû la distinction d’un homme illustre qui m’ignorait, et c’est à vous, madame, que mon âme demeure éternellement acquise. »

Dans cette même lettre toutefois, sachant les démarches de Mme Récamier pour lui faire obtenir une pension régulière par l’entremise du vicomte de La Rochefoucauld, Mme Valmore ajoutait :

« Je vous la devrai, madame, et avec joie, si quelque jour on accorde à votre demande ce dont vous ne me jugez pas indigne ; je voudrais avoir bien du talent pour justifier votre protection qui m’honore, et pour mériter l’encouragement vraiment littéraire que vous entrevoyez dans l’avenir ; je serai contente alors de l’obtenir de vous, et je n’aurai ni assez d’orgueil ni assez d’humilité pour m’y soustraire… »

Mais lorsque cette petite pension fut obtenue, — une pension au nom du roi, — ce fut de la part de l’humble et généreux poète un sentiment de peine et de résistance morale à l’aller toucher. Elle semble même d’abord avoir cru dans sa simplicité que l’argent de l’État devait aller de lui-même vous chercher à domicile. Elle écrivait en mai 1826 à un excellent ami, M. Duthillœul, juge de paix à Douai : « … On disait que j’avais une pension. J’ai reçu d’un ministre une lettre qui me l’annonçait ; on l’a même annoncée dans les journaux, mais il n’en est rien jusqu’ici. La méritant si peu, je ne la regrette pas plus que je ne l’avais souhaitée et demandée. » Son oncle Constant Desbordes, le peintre, lui écrivait en septembre, pour l’avertir qu’on était fort surpris au ministère de la maison du roi qu’elle ne se fût point présentée ou quelqu’un de sa part, car il y avait neuf mois que cette pension datant de janvier avait commencé de courir ; il avait dû déjà la gronder auparavant de paraître se soucier trop peu d’une faveur, « qui, disait-il, n’a rien que d’honorable ». Son amie, Mme de Launay, informée de la nouvelle par les journaux, avait beau l’en féliciter gaiement, elle était aussi obligée de la gronder et de la semoncer à sa manière71. La vérité est qu’entièrement étrangère à la politique et à tout ce qui en approchait, Mme Valmore avait le cœur libéral, populaire, voué à tous les opprimés, à tous les vaincus ; qu’elle était vraiment patriote, comme on disait en ce temps-là ; qu’elle avait été malade six semaines du désastre de Waterloo ; qu’elle devait tressaillir en 1830 et depuis, à toute grande explosion nationale ou populaire : journées de Juillet, Pologne et Varsovie, insurrection de Lyon de 1834, à laquelle elle assista, Février 1848 (je m’arrête). Dans ces grandes crises, elle n’était plus maîtresse de ses sentiments : soudains et prompts, ils s’envolaient au plus haut de l’air, comme des nuées de colombes. Elle était irrésistiblement du côté du peuple et des peuples. On conçoit qu’il lui coûtait de rien recevoir des grands et des puissants, de ceux qu’elle ne pouvait appeler ses frères. Elle était d’avis que, dans certains cas, « l’argent démoralise, même celui qui le donne ». Elle avait un principe trop justifié par l’expérience, qu’il n’y a que les pauvres et les souffrants pour se confier leurs peines les uns aux autres, pour s’entraider et se secourir entre eux. Son christianisme, on le verra, était tout en ce sens ; elle était fille du sermon sur la montagne. Quoi qu’il en soit, la pension fut donnée, maintenue ; elle fut même augmentée sous Louis-Philippe, grâce à la bienveillance de M. Thiers, et si elle subit plus tard des variations ou des réductions, elle ne descendit pas en dernier lieu au-dessous du chiffre de deux mille francs. Voilà ce qu’il était juste de dire à la décharge de la société et du pouvoir : ce qui n’empêche pas tout le reste d’être vrai et tous les détails douloureux qu’on va lire de subsister dans leur amère réalité. Car ce qu’on ne sait pas assez, ce que les aisés et les heureux oublient trop vite, c’est que lorsqu’une fois une maison, un humble ménage est tombé au-dessous de son courant, lorsqu’il y a eu chômage dans le travail, lorsqu’un arriéré s’est une fois formé et grossi jusqu’à la dette, on ne se rattrape jamais : on en a de ce poids sur la tête pour toute la vie. Ce qui suffisait strictement dans les conditions ordinaires les plus simples, une fois dépassé, ne se regagne pas, et dans cette vie de prolétaire au jour le jour, une fois grevé et obéré, on ne s’en tire plus. Il n’y a pas d’économie politique qui prévaille contre ce fait inexorable.

Une autre explication préliminaire est encore indispensable à donner : il s’agit de la religion de Mme Valmore, qui va revenir à chaque page. Elle était pieuse, mais d’une piété qu’elle mettait toute dans la charité et qui n’était qu’à elle. Élevée pendant les années de la Révolution, dans un intérieur modeste et pauvre, près d’une église en ruine, en face d’un cimetière agreste où l’on allait jouer et prier, toute flamande dans ses croyances du berceau et ses crédulités charmantes, elle confondait dans un même amour domestique Dieu et son père, la Vierge et sa mère et ses sœurs. Elle avait été un ange de piété filiale pour son père qu’elle perdit en 1817. Elle continuait de vivre en présence de ces chères âmes absentes et disparues ; elle les invoquait sans cesse. Un critique éminent et bienveillant, M. Vinet, en parlant du Recueil des Pleurs de Mme Valmore, n’a pu s’empêcher de voir, lui chrétien positif, une sorte de sacrilège dans cette confusion d’adorations par laquelle elle mêlait Dieu et les anges à ses divers amours, et même au plus orageux de tous : c’est qu’aucun amour, digne de ce nom et sincère, n’était profane à ses yeux72. Mais le seul point qu’il importe bien de marquer, c’est que dans ses croyances les plus tendres elle resta indépendante, et qu’elle n’introduisit jamais un tiers, un homme, comme truchement entre Dieu et elle. Si elle entrait dans les églises pour prier (ce qu’elle faisait souvent), c’était entre les offices et quand les nefs étaient désertes. Elle avait son Christ, le Christ des pauvres et des délaissés, des prisonniers, des esclaves, celui de la Madeleine et du bon Samaritain, un Christ de l’avenir, de qui elle a dit dans un de ses plus beaux accents :

Lui dont les bras cloués ont brisé tant de fers.

Et tout cela, avec les années, avec les douleurs et les coups acharnés du sort, n’était pas sans être traversé souvent dans son esprit de bien des doutes et de funestes ténèbres. Quand elle n’eut plus à exhorter les autres, à les réchauffer et les réconforter de ses espérances, quand elle ne fut plus qu’en face d’elle-même, toutes illusions dépouillées, toutes réalités éprouvées et épuisées jusqu’à la lie, dans les longs mois qui précédèrent sa mort, elle entra dans un grand silence. — Enfin n’oublions pas, en la lisant, qu’un poète n’est pas nécessairement un physicien ni un philosophe ( fortunatus et ille deos qui novit agrestes ), et qu’aussi, derrière toutes les charmantes visions auxquelles s’attachaient son imagination et son cœur, — ce cœur resté enfant à tant d’égards, — il y avait chez la femme bien de la fermeté et un grand courage.

Sa famille immédiate se composait de cinq êtres les plus chers : un mari, la probité et la droiture même, qui souffrait en homme de son inaction forcée, et qui ne demandait qu’emploi honnête et labeur73 ; trois enfants de rare nature, un fils né en 1820, et deux filles, Ondine née vers 1822, et Inès née vers 1826. De ces deux filles qu’elle eut la douleur de voir mourir avant elle, la plus jeune, Inès, délicate, poétique, une sensitive douloureuse ; méfiante d’elle-même, tendrement jalouse, « l’enfant de ce monde, disait sa mère, qui a le plus besoin de caresses », atteinte d’une maladie de langueur étrange, s’éteignit la première, à l’âge de vingt ans, le 4 décembre 1846. Ondine, dont le vrai nom était Hyacinthe, mais qu’on avait toujours appelée Ondine de son nom d’enfant, était poétique aussi et même poète ; elle tenait de sa mère le don du chant ; elle mourut à trente ans, le 12 février 1853. Elle était mariée depuis peu à M. Langlais, représentant de la Sarthe, qui fut ensuite conseiller d’État, homme de mérite, qui est mort chargé d’une mission près de l’empereur Maximilien au Mexique. Cette charmante Ondine avait des points de ressemblance et de contraste avec sa mère. Petite de taille, d’un visage régulier avec de beaux yeux bleus, elle avait quelque chose d’angélique et de puritain, un caractère sérieux et ferme, une sensibilité pure et élevée. À la différence de sa mère qui se prodiguait à tous, et dont toutes les heures étaient envahies, elle sentait le besoin de se recueillir et de se réserver : ces réserves d’une si jeune sagesse donnaient même parfois un souci et une alarme de tendresse à sa mère qui n’était pas accoutumée à séparer l’affection de l’épanchement. Elle se disait quelquefois, à propos d’Ondine et pendant l’ennui qu’elle éprouvait de ses absences, ennui qui devenait par moments un cauchemar dans les insomnies : « Quoi ! cet amour-là aussi fait le même mal que l’autre ! » — Ondine étudiait beaucoup. Elle passa plusieurs années comme sous-maîtresse et plutôt encore comme amie dans le pensionnat de Mme Bascans, à Chaillot. J’allais quelquefois l’y visiter. Elle s’était mise au latin et était arrivée à entendre les odes d’Horace ; elle lisait l’anglais et avait traduit en vers quelques pièces de William Cowper, notamment celle des Olney Hymns, qui commence ainsi : God moves in… ; une poésie qui rappelait les Cantiques de Racine et toute selon saint Paul. Elle lisait aussi Pascal, dont les Pensées occupaient fort en ces années la critique littéraire. Elle écrivait à ce sujet à un ami :

« En rentrant le soir, j’ai trouvé votre lettre et Pascal que je n’ai point quitté depuis. Me voilà occupée et heureuse pour bien des jours. C’est une douceur profonde que de trouver de pareils amis dans le passé, et de pouvoir vivre encore avec eux malgré la mort. »

Elle avait fait une pièce de vers sur le Jour des Morts, qui était le jour anniversaire de sa propre naissance ; elle y disait, en s’adressant à ces chers défunts qu’on a connus, et qu’elle se peignait comme transfigurés dans leur existence supérieure :

Ah ! qu’importent les noms ! ah ! qu’importent les sphères !
Âmes de nos amis, nous demeurons vos frères.
…………………………………………………
Dites, recueillez-vous l’hommage de nos larmes ?
Ces pleurs versés pour vous ont-ils pour vous des charmes ?
Dans le céleste asile où sont tous les amours,
Vous qui ne pleurez plus, nous aimez-vous toujours ?

Ondine avait été nommée en 1848, et grâce à l’appui d’Armand Marrast, dame inspectrice des institutions de jeunes filles, fonction dont elle remplit exactement les devoirs jusqu’à sa maladie dernière.

Mme Valmore, comme famille prochaine et presque aussi chère que celle du foyer, avait encore un frère qui vivait à Douai, deux sœurs et une nièce établies à Rouen, et assez peu heureuses, ce semble. Le frère, auquel elle écrivait régulièrement, était un ancien soldat qui avait servi sous l’Empire dans la guerre d’Espagne, qui n’avait pas dépassé le grade de sergent, et qui avait été ensuite prisonnier des Anglais sur les pontons d’Écosse. Vieux, infirme et sans ressources, il n’avait pu atteindre jusqu’à la dignité d’invalide, et tout ce qui avait été possible, ç’avait été d’obtenir pour lui, par la protection spéciale de M. Martin (du Nord), d’être logé et nourri à l’hôpital de Douai, presque en face de la maison natale. C’est cet humble frère qu’il s’agissait à tout instant de relever, de réconforter, de secourir aussi par de rares envois d’argent (20 francs par mois, quand on le pouvait) ; mais, en lui servant sa minime obole, cette âme de sœur trouvait moyen de diversifier à l’infini le baume moral qu’elle répandait sur ses blessures.

Et maintenant laissons-la parler elle-même ; parcourons avec elle quelques-unes des branches les plus particulières et les plus intimes de sa correspondance, à commencer par celle qui s’adresse à ce frère si peu favorisé, Félix Desbordes, administré de l’hôpital général à Douai :

« (14 janvier 1843)… L’aînée de mes filles est toujours en Angleterre, à ma grande affliction74, car cette absence commence à me devenir insupportable. Enfin les beaux jours me la rendront tout à fait rétablie, j’espère, et je ne demande rien plus ardemment à Dieu. Hélas ! mon bon Félix, quand nous n’en pouvons plus du fardeau de nos peines, n’oublions pas que sa bonté ne nous a pas tout à fait abandonnés et qu’enfin nous sommes ses enfants. Quelque chose de grand est caché sous nos souffrances. — Allons ! plus nous aurons payé d’avance, plus il nous dédommagera de l’avoir aimé et cherché au milieu de toutes nos épreuves. J’ai des moments où je croule, mais je me sens toujours soutenue par cette main divine qui nous a faits frère et sœur pour nous aider et nous chérir, mon bon Félix. Tu sais quel bonheur je trouve à remplir ma mission, et je te remercie d’avoir également rempli la tienne. En m’aimant fidèlement, tu m’as bien souvent consolée des amitiés légères et oublieuses de ce monde : la nôtre sera de tous les mondes. Je t’envoie vingt-cinq francs, ne pouvant pas t’en envoyer davantage. Il y a toujours quelque raison grave pour arrêter l’élan de mon âme. Tu le crois, n’est-ce pas ? Va ! cela est ; car si je n’étais pas pauvre, tu ne le serais pas… »

« (14 avril 1843)… Tu vois, mon bon frère, que c’est toujours avec un petit retard que mon devoir s’exécute. Des obstacles de bien des sortes donnent un démenti à ce mot toujours… Mais tu vois aussi que la persévérance dans le bien touche toujours la bonté de Dieu qui semble dire à la fin : “Laissez-la faire.” Donc, si j’avais toujours voulu le bien, avec un si bon père, j’y serais peut-être parvenue ! Tu me rends bien heureuse de m’avouer la tendance de ton âme à prier, mon bon frère. Je ne sais s’il y a sur la terre rien de plus utile et de plus doux que de retourner de bonne volonté à la source de notre être et de tout ce que nous avons aimé au monde. Tous les biens se perdent et s’évanouissent : ce but seul est immuable. Rien n’humilie, avec la foi dans ce juge équitable et tendre. Il nous rend tout ce que nous avons cru volé ou perdu. J’aime beaucoup Dieu, ce qui fait que j’aime encore davantage tous les liens qu’il a lui-même attachés à mon cœur de femme. Tu sentiras aussi par degrés toutes les fougues de ton cœur d’homme s’apaiser devant cet immense amour qui purifie tous les autres, et tu seras comme un enfant qu’une fleur contente et rend riche. Juge de quelle considération tu peux t’entourer jusque dans cette retraite, qui sera devenue le lazaret de ton âme…

« … Mme Saudeur, arrivée il y a quatre jours, m’a remis ta lettre et tes manuscrits que je n’ai pas eu le loisir d’ouvrir encore, car je suis comme au pillage de mon temps : partout le travail, les correspondances, ménage, couture et visites, qui remplissent mes journées ; elles sont de huit heures jusqu’à minuit. Plus tard je t’en parlerai. Rappelle-toi ce que je t’ai dit sur les notions qui peuvent t’être restées précises sur notre famille et nos chers père et mère. Je vous ai tous quittés si jeune que je sais peut-être moins que vous de notre origine. Tout ce qui est resté gravé dans ma mémoire, c’est que nous avons été bien heureux et bien malheureux, et qu’il y avait pour nous bien du soleil à Sin75, bien des fleurs dans les fortifications ; un bien bon père dans notre pauvre maison, une mère bien belle, bien tendre et bien pleurée au milieu de nous ! »

« (24 janvier 1847)… Je t’envoie avec celle-ci quinze francs que tu n’attends pas avec l’impatience que j’ai eue à te les envoyer ; mais nos misères sont loin d’être améliorées. Quand Dieu voudra, Félix ! Il est plus grand que nos cris ! Tu peux continuer à relever l’âme de ta pauvre sœur par la considération dont je sais que tu l’entoures. Ta bonne conduite, la patiente dignité est comme une croix d’honneur qui ne brille que mieux sur un habit pauvre. Laisse faire le temps et Dieu, et ne cesse pas d’aimer ta triste sœur. »

« (8 mars 1847)… Tu vois, mon ami, que je t’écris seulement aujourd’hui pour te dire d’attendre, et que je n’ai pas voulu retarder ma lettre jusqu’au moment où je pourrai y joindre un envoi d’argent. Je veux avant tout t’épargner l’inquiétude qu’un silence plus long te causerait, sachant bien que ton cœur s’en rapporte au mien de l’empressement que je mettrai à partager avec toi le premier rayon bienfaisant que la Vierge m’enverra. Ce dernier déménagement m’a tout pris. C’est fièrement douloureux d’interrompre ainsi les seules douceurs consolantes de ma vie. À quel point faut-il que je sois pauvre pour te laisser si pauvre !… »

Nous voilà tout d’abord entrés aussi avant que possible au cœur de cette poignante destinée.

On a diversement parlé du ministre de la justice en ce temps-là, Martin (du Nord) ; je crains que sa fin n’ait nui à ce qu’il pouvait y avoir de bien dans sa vie. Ce qu’il faut dire à la décharge de sa mémoire, c’est qu’il avait de l’humanité ; que Mme Valmore n’avait jamais invoqué vainement en lui le compatriote et le pays ; qu’elle lui demandait chaque année des grâces pour étrennes, — des délivrances de prisonniers ; qu’elle avait une manière de les lui demander en glissant un mot de patois flamand (acoute’m un peo, écoutez-moi un peu !), et qu’elle les obtenait toujours76.

« (8 mars 1847)… Un chagrin très grave vient de se mêler à mes malheurs, c’est la maladie dangereuse de M. Martin (du Nord). Il a été parfaitement bon pour moi et d’une humanité profonde pour plusieurs prisonniers dont il m’a accordé la grâce. De plus il a fait donner trois fois le privilège de l’Odéon à des hommes que Valmore croyait ses amis et pour lesquels il avait sollicité le ministre. Jamais je n’oublierai M. Martin (du Nord), ni ne cesserai de prier pour lui. C’est par son crédit que tu as obtenu ton humble place, après l’avoir demandée pour toi aux Invalides. Enfin je n’ai trouvé qu’en lui la grâce et la charité constante du cœur. Le malheur qui le frappe m’atteint très sensiblement. »

On n’est pas habitué, je l’ai dit, à considérer Mlle Mars par le côté du sentiment : cette femme, d’un talent admirable, passait, dans ses relations de théâtre, pour une personne assez rude, peu indulgente aux camarades et au prochain ; mais, pour ceux qu’elle aimait, elle était amie sûre, loyale, essentielle et positive. Ses lettres à Mme Valmore, d’un ton vif et résolu, presque viril, la font voir sous ce jour, — un fidèle et brave cœur, d’une affection active, et sur qui l’on pouvait compter ; et Mme Valmore le lui rendait par un véritable culte de reconnaissance :

« (7 avril 1847)… Cette bonne lettre me trouve au milieu de nouvelles et vives afflictions. À peine avais-je été frappée de la perte foudroyante de M. Martin (du Nord), que je suis saisie de douleur par celle de Mlle Mars, cette bien-aimée de toute ma vie. Je l’adorais dans son génie et dans sa grâce inimitable : je l’aimais profondément comme amie fidèle que nos infortunes n’ont jamais refroidie. Au milieu de sa fatale maladie, elle était encore agitée du désir de placer mon cher Valmore à Paris. — Mon bon Félix, je t’en prie, dis une prière pour cette femme presque divine. Si tu savais quelle part profonde elle a prise à mon malheur de mère, tu l’aimerais comme on aime un ange ; — et c’est comme telle que je la pleure. Je suis donc une femme bien désolée, mon pauvre ami !…

« Ondine est toujours à Chaillot, au milieu d’un troupeau d’enfants qu’elle instruit, ce qui nous prive de sa présence ; mais elle supporte avec courage et gaieté la gravité de ses devoirs dont sa santé ne s’altère pas. C’est toujours là ma plus tendre inquiétude sur elle. Hippolyte va bien à son devoir et se fait aimer partout. C’est un brave enfant, et une intelligence très distinguée. Il a de plus le charme d’un caractère candide, et les goûts les plus sobres. J’espère que Dieu le bénira toujours77

« Je joins douze pauvres francs à cette lettre, en te serrant bien fraternellement la main. Si la Vierge et Notre-Seigneur me regardent en pitié, ne le sauras-tu pas un des premiers ?

« Ils sont tous affreusement malheureux à Rouen78 ; mais tu souffres bien assez sans que je te raconte toutes ces détresses. — Attendons et croyons. »

« (15 juin 1847)… Quant à moi, cher Félix, je suis tellement dénuée encore que je n’ai pu t’écrire plus tôt, ne pouvant même affranchir ma lettre. Tu vois, mon ami, que l’attente d’une place à présent est comme une maladie étouffante. Cependant nous avons quelque espérance ; mais si notre bon père et maman peuvent voir d’où ils sont ce que souffrent leurs enfants, je les plains, nous aimant toujours comme ils nous ont aimés ! Ce sont là des idées bien tristes, — bien consolantes aussi pourtant ; car la plus douloureuse de toutes serait de penser que nous ne sommes plus rien pour ceux que nous pleurons toujours…

« Je cherche quelque soulagement dans le travail ; mais écrire quoi que ce soit m’est impossible, car toutes mes idées retournent vers ma bien-aimée Inès, mon adorable fille absente79.

« J’étudie, je tâche d’étudier, de joindre l’espagnol à la langue anglaise que je sais tolérablement. L’espagnol me plaît par l’idée que notre famille en sort du côté de la mère de papa. Qu’en crois-tu, mon ami ? Mon oncle n’avait-il pas, en effet, une figure toute espagnole ? Notre bonne grand-mère aussi, que je me rappelle avec tant d’amour quand nous allions la voir ensemble ?

« J’ai aussi tous les souvenirs de ton séjour en Espagne, et de sa terrible conséquence, pauvre frère ! Et tout cela me rend l’étude de l’espagnol plus intéressante qu’une autre, parce que je pense que tu as parlé cette langue dans ta jeunesse guerrière. »

Elle ennoblit tant qu’elle peut le passé de ce cher frère pour le relever lui-même à ses propres yeux ; elle y verse de la poésie comme sur toute chose, en croyant n’y mettre que du souvenir.

Cette idée d’une descendance espagnole sourit à son imagination ; elle n’en est pas bien certaine, mais elle tâche de se le persuader, et elle convie son frère à l’aider à y croire :

« Je me suis toujours sentie attirée vers l’étude de la langue espagnole, parce que Douai est tout rempli des vestiges de cette nation. — Nous-mêmes, je crois, mon bon frère, nous en sortons du côté de la mère de mon père. Félix, souviens-toi bien : il est impossible que cette bonne grand-mère, et papa, et mon oncle Constant (le peintre), ne descendent pas de cette ligne dont les traits sont si différents de la race vraie Flandre. »

C’est miracle qu’elle puisse étudier à travers une vie si tiraillée, si morcelée. La poésie, elle du moins, venait toute seule, comme un chant, comme un soupir ou comme un cri. Pendant une nuit d’insomnie, de jour en courant, sur un quai, pendant une pluie sous une porte cochère, dans les circonstances les plus vulgaires ou les plus tristes de la vie, quelque chose se mettait à chanter en elle, et elle se le rappelait ensuite comme elle pouvait. Mais la réalité, nous la voyons, et la beauté morale de sa nature s’y montre à nu en toute sincérité :

« (8 août 1847)… Mon bon frère, ton ami Devrez80, qui, va partir pour nos chères Flandres, se charge avec plaisir de nos t’adresses et d’un petit paquet pour toi. Les temps ne sont pas venus où je pourrai t’en envoyer plus souvent et de plus gros. Il y a au fond de moi-même une prière incessante qui demande à Dieu du bonheur qui puisse s’envoyer à ceux que j’aime. Pour le moment, Dieu, qui nous a éprouvés jusqu’au sang et aux larmes, soutient miraculeusement notre vie avec ses blessures inguérissables. — Le doux soleil, la croyance, l’amour des miens !… Aussi je vous bénis tous de l’amitié que vous me portez, et qui m’aide à subir ces blessures de l’âme…

« Je comble de vœux et de bénédictions tous ceux qui dans le passé et dans le présent ont mis au moins tes chers jours et nuits à l’abri des mauvais hasards du sort. Certes, le tien n’est pas brillant, mais les anxiétés poignantes de nos misères actuelles, celles d’Eugénie et de Cécile81, me font quelquefois acquiescer, en soupirant, à te savoir si humblement abrité devant notre maison paternelle. Elle a été aussi, souvent, bien orageuse et bien battue à tous les vents d’épreuves. N’oublie jamais de la saluer de ma part et de me rappeler au souvenir de ma grand-mère, de notre bon père et de ma chère et gracieuse maman, poussée au loin dans un si grand naufrage82.

« Cher Félix, c’est triste et beau de se ressouvenir. C’est véritablement aimer et espérer aussi. »

À côté de ces lettres si intérieures, il faudrait relire la pièce intitulée Tristesse, qui est toute son enfance, et qui nous représente ses Feuillantines à elle :

N’irai-je plus courir dans l’enclos de ma mère ?

N’irai-je plus m’asseoir sur les tombes en fleurs ?

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Douce église ! sans pompe, et sans culte et sans prêtre,

Où je faisais dans l’air jouer ma faible voix,

Où la ronce montait fière à chaque fenêtre ;

Près du Christ mutilé, qui m’écoutait peut-être,

N’irai-je plus rêver du Ciel comme autrefois ?

Prose et poésie, fiction et réalité ne font qu’un en elle et se confondent. Après soixante ans d’existence comme au premier jour, elle vit en présence des êtres chers qui entouraient et protégeaient son enfance, et dont elle n’a cessé de faire les témoins invisibles, les juges et les surveillants de sa vie :

« (23 septembre 1847)… Tu réalises le pressentiment que j’ai toujours eu qu’un jour, du fond de ton humble malheur, tu entoureras ton nom de considération et d’estime. Je ne sais, après tant de douleurs, ce qui pouvait me toucher davantage. Je t’aime bien, mon bon frère, et je l’ai beaucoup éprouvé depuis que je suis au monde. — Juge si je suis contente et fière aujourd’hui de penser que tu consoles notre bien-aimé père de tout ce qu’il a enduré par un grand concours d’événements désastreux. Je ne doute pas un moment, dans ma croyance profonde, que ce bon père ne soit le témoin le plus intime de tes actions et qu’il n’ait réveillé en toi le germe de la foi religieuse à laquelle il a sacrifié l’immense héritage de nos oncles protestants. — Je l’ai toujours béni de ce courage, comme de la misère qu’il nous a léguée pour avoir donné tout son bien aux pauvres. Il est impossible que la Vierge, qui a présidé à notre naissance dans la rue Notre-Dame, l’ait oublié : oui, Félix, c’est impossible, Elle aime en toi le fils du père des pauvres, et te donne aujourd’hui pour protecteur ceux qui les jugent et se consacrent à eux…

« … Mais la politique empoisonne les esprits. — Moi qui pleurais de joie et de respect en traversant enfin Genève, patrie de notre grand-père paternel, on m’y a poursuivie avec ma petite famille en criant contre nous : “À bas les Français !” C’était un mouvement passager de haine83, et j’ai passé à travers avec un grand serrement de cœur. Cette vie terrestre est vraiment un exil, cher frère. Encourageons-nous à la soumission. Pour moi, je t’avoue que j’en passe la moitié à genoux. Juge donc si nous avons le bonheur de revoir ceux que nous avons tant aimés ! C’est grand de penser que nous sommes les maîtres, même dans notre pauvreté, de diriger toutes nos actions du moins pour le mériter. Te relever, te grandir jour par jour ; — faire rougir ou du moins attendrir ceux qui nous ont dédaignés, les rendre même fiers d’être nos alliés ou nos anciens amis, il y a encore là de quoi bénir la vie. »

Aucune des piétés, des fraîcheurs morales les plus délicates ne s’est ni fanée ni ternie un seul instant durant cette vie errante. — Et ceci encore :

« Je t’aime bien et te remercie de planter ton nom, comme tu fais, dans l’estime de ce qui t’entoure. — Grain à grain, c’est une moisson qui ne trompe pas. Que peux-tu m’offrir de plus consolant ? Aussi je te bénis au nom de mon père et de ma mère ! »

Ce grain à grain me rappelle qu’elle disait encore, pour exprimer cette vertu de patience laborieuse, et en y mettant son humble geste de femme : « Il faut faire de la vie comme on coud, point à point. »

J’ai encore beaucoup à dire, je ne suis presque qu’au commencement. On consacre tous les jours de longues pages aux hommes soi-disant de puissance et d’action qui, bien souvent gouvernés eux-mêmes, passent pour avoir gouverné le monde, à ceux qui ont traité et souvent trafiqué des nations : pourquoi regarderait-on à quelques pages de plus ou de moins, quand il s’agit de ces êtres d’élite qui ont habité et véritablement régné dans la sphère spirituelle, dans le monde du cœur, et qui n’ont cessé toute leur vie de cultiver et de cueillir la fleur des meilleurs sentiments ; êtres innocents et brisés, mais qui parlent par leurs blessures et qui apprennent ou rappellent de douces choses, — ou des choses amères, exprimées avec douceur, — aux hommes leurs semblables ? — Et pour rompre un moment cette note continue, que nous aurons pourtant à reprendre, je veux citer, en finissant cette fois, une lettre d’un tout autre genre, toujours triste (car Mme Valmore était vouée aux tristesses), mais en même temps d’une grâce légère, d’une engageante et toute ravissante charité84. Il faut voir comme cela est dit et touché. Il s’agit tout bonnement d’un jeune musicien, fils d’une pauvre concierge, atteint de transport au cerveau, et qu’elle recommande au plus humain, au plus ami des médecins, à celui qui aurait sauvé, si elle avait pu l’être, sa chère Inès :

AU DOCTEUR VEYNE.

« Il y a, rue de Richelieu, nº 10, une bonne vieille concierge. Une fois je l’ai vue, et depuis ce temps je me trouve mêlée à sa triste étoile. La vôtre, mon cher Samaritain, suivra l’ordre divin qu’elle a reçu d’aller verser l’huile sur toutes les blessures…

« Le fils de cette femme est très malade, pauvre comme sa mère, très joli, très musical, très fier et très intelligent, — un Chatterton.

« Il a rencontré dans l’escalier une jeune ombre qu’il a prise pour Kitty-Bell, — voilà tout.

« La honte, le silence, la violence des remèdes peut-être, ont fait que la fièvre le dévore.

« La mère a tout avoué à Mme Duchambge, qui est venue comme une flèche pour me faite courir après vous, — car le jeune musicien veut se tuer. La fièvre est au milieu du front.

« Il dit qu’une araignée lui est entrée dans l’oreille.

« Vous voyez à quel drame obscur je vous invite. — J’ai chancelé durant bien des minutes, pensant aux tristes offrandes que vous fait ma reconnaissance ; mais votre cœur attire le mien, j’y vais comme l’oiseau au soleil, — et je vous porte l’adresse du blessé, nº  10, rue Richelieu. Je crois que vos yeux seuls feront déjà beaucoup sur cette pauvre âme qui veut partir. Il faut l’en empêcher pour sa mère : — c’est affreux, affreux de voir mourir jeune, et de rester… »

Ses deux filles étaient mortes quand elle écrivait cette lettre85, et Ondine depuis quelques mois seulement. C’est ainsi que Mme Valmore se consolait ou se vengeait de ses maux inconsolables, en compatissant à toutes les douleurs pareilles, en se faisant la sœur de charité des plus petits.