II. (Suite.)
La vie politique et administrative de M. Daru sous l’Empire n’est pas de ces sujets qui s’effleurent. Dans la difficulté d’y pénétrer sans entamer à fond le grand règne dont il fut l’un des exacts et puissants instruments, je me bornerai à bien définir la nature et l’étendue des charges dont il eut à s’acquitter, et ensuite nous retrouverons avec une agréable surprise l’homme de lettres au-dessous.
Ce fut d’abord au camp de Boulogne, où il servait sous M. Petiet, son ancien
ami, qui était, à cette date, intendant général97, et dont la santé s’altérait déjà,
que M. Daru approcha souvent du Premier consul, eut l’occasion d’écrire
sous sa dictée, et commença à être particulièrement apprécié de lui. Il
assista, après le projet de descente manqué, à la soudaine évolution du plan
militaire et à l’enfantement de l’immortelle campagne de 1805. Il aimait à
raconter comment, un matin, il la vit jaillir, en quelque sorte, tout
entière du front lumineux, jusque-là chargé d’un triple nuage. Pendant
l’occupation de Vienne qui précéda et suivit Austerlitz, il fut nommé
intendant général de la province d’Autriche en même temps que le général
Clarke en était nommé gouverneur général ; et bientôt après il fut l’un des
commissaires pour l’exécution du traité de Presbourg (janvier 1806). Il
devint intendant général de la Grande Armée en octobre de cette même année.
Il était depuis 1805 intendant général de la maison de l’Empereur, ce qui,
de la part du souverain, indiquait le désir de le tenir habituellement
rapproché de sa personne et de l’admettre à toute heure à son entretien.
Pour donner une idée de l’immensité du travail administratif qui pesait sur
M. Daru lorsque sa charge fut complète et après que l’Empereur eut pris en
lui toute confiance, il suffit de remarquer qu’il cumulait une triple
administration : 1º l’intendance générale de la maison de l’Empereur et des
domaines privés de la Couronne ; 2º l’intendance générale de ses armées qui
prirent à dater de 1805 un développement de plus en plus considérable,
croissant comme les projets mêmes et les plans du maître, tellement que
partant de l’effectif d’Austerlitz, qui était de cent à cent vingt mille
hommes, les armées en vinrent à s’élever en 1812 au chiffre de six cent
mille ; 3º à cette
double administration M. Daru
unissait, quand il y avait lieu (et alors il y avait lieu toujours),
l’administration des pays conquis, laquelle s’accroissait aussi d’année en
année. Ainsi, en 1806, par un décret daté du quartier général de Berlin
(30 octobre), il était nommé, non plus comme l’année précédente, à Vienne,
administrateur à côté d’un gouverneur, mais administrateur en chef unique
des provinces prussiennes et autres, ayant sous sa garde et responsabilité
les finances et les domaines, les contributions, la police, tout le pays. Il
était délégué commissaire pour l’exécution de la convention de Königsberg,
commissaire encore pour l’exécution du traité de Tilsitt (1807), chargé de
pleins pouvoirs pour régler, de concert avec M. Simeon, la Constitution du
royaume de Westphalie (1808). Les décrets de l’Empereur par lesquels il lui
conférait ces hautes missions sont conçus en des termes qui sont de beaux
titres de noblesse : « Prenant entière confiance dans le zèle et la
fidélité à notre service du sieur Daru, membre de notre Conseil d’État…,
lui donnons plein et absolu pouvoir… ; promettant d’approuver tous les
actes qu’il aura passés…, de regarder comme valides et irrévocables
toutes les opérations qu’il aura terminées, etc. »
(Décret
d’Erfurt du 11 octobre 1808, et aussi celui de Dresde du 22 juillet 1807.)
Ainsi des trois administrations dont M. Daru était investi en ces années,
une seule, celle de l’intendance de la maison de l’Empereur, était fixe et
déterminée dans sa circonscription ; les deux autres s’étendaient
incessamment et élargissaient vers la fin leur cercle dans une mesure qui
dépassait les forces d’un seul homme, si athlétique qu’il fût. En
avril 1811, M. Daru fut nommé ministre secrétaire d’État, ce qui fit trêve
quelque temps dans son intendance générale des armées ; mais il en reprit de
fait les fonctions pendant la dernière partie de la campagne de 1812 ; et au
mois
de novembre 1813, devant l’imminence du
danger, il quitta la secrétairerie d’État et devint ministre directeur de
l’administration de la Guerre, position moindre ; mais était-ce descendre,
et l’idée en venait-elle seulement à M. Daru quand il s’agissait de pourvoir
de plus près aux nécessités de la France envahie ?
Pour apprécier le caractère de l’homme d’administration en M. Daru, j’ai cherché à me bien rendre compte et de la nature et du détail même de certaines de ses fonctions, soit dans leur partie obéissante et passive, de pure exactitude, soit dans leur portion mobile et indéterminée où l’exécution même demandait un degré d’initiative et des combinaisons qui se renouvelaient sans cesse : je voulais ensuite rendre à mes lecteurs, dans une page générale et pourtant précise, l’impression que j’aurais reçue de cette analyse première. Mais cette page que j’avais l’ambition d’écrire, elle est tracée déjà, et par un homme qui était maître lui-même dans cet ordre de vues, et qui avait l’esprit d’organisation en plus d’une sphère, par Cuvier. Ayant à parler de M. Daru à l’Académie française, en présence de M. de Lamartine qui succédait à ce dernier, et qui, en le louant noblement, ne l’avait peut-être apprécié qu’à demi, M. Cuvier disait :
Après le général, c’est sur l’administrateur de l’armée que pèse la responsabilité la plus grave, la plus instantanée. Ces multitudes d’hommes dévoués, qui ont fait d’avance à leur pays le sacrifice de leur sang et de leur vie, ne lui demandent que leurs besoins physiques, mais ils les demandent impérieusement. Suivre par la pensée leurs masses diverses dans tous ces mouvements compliqués que leur imprime le génie du chef ; calculer à chaque moment leur nombre sur chaque point ; distribuer avec précision le matériel dont on dispose, apprécier celui que peut fournir le pays ; tenir compte des distances, de l’état des routes, y proportionner ses moyens de transport, pour qu’à jour nommé chaque corps, la plus petite troupe, reçoive exactement ce qui lui est nécessaire : voilà une faible idée des devoirs de l’administrateur militaire. Qu’il se glisse dans ses calculs la moindre erreur, et les plus heureuses combinaisons de stratégie sont manquées, des foules de braves périssent en pure perte, la patrie même peut devenir victime d’une seule de ses fautes…
Et il continue cette définition et ce tableau en l’élevant à toute sa hauteur. On se rappelle une page de Fontenelle récemment citée98, où, faisant l’éloge de M. d’Argenson, l’habile académicien a si parfaitement défini la multitude et la variété des soins que devait prendre à cette époque un bon lieutenant de police dans une ville telle que Paris : Cuvier, en esquissant aussi à grands traits en quoi consiste l’administration d’une armée en campagne, la multitude des soins, leur précision impérieuse, les difficultés qui se rencontrent dans les choses et dans les hommes, et en nommant à la fin M. Daru comme personnifiant en lui l’idéal de l’administrateur, a égalé et peut-être surpassé la page de Fontenelle, dans un cadre, en effet, plus vaste et tout autrement imposant.
Assistant à la conception des plans les plus étendus et les mieux enchaînés, les écrivant le premier de sa main au moment où ils se produisaient au jour, les recueillant dans l’impétuosité du premier jet, devant à l’instant les embrasser avec développement et les saisir, s’associer en tout à la pensée qui les avait conçus et pourvoir sur les moindres points à l’exécution, M. Daru avait toutes les qualités et les forces d’un tel emploi. Je n’essaierai pas d’entrer ici dans des confidences prématurées : M. Daru, dans les dernières années, parlait sans doute volontiers des heures glorieuses qu’il avait passées dans le cabinet et sous la tente de l’Empereur ; on a recueilli de sa bouche quelques anecdotes plus d’une fois répétées : mais l’ensemble de ses souvenirs reste tout entier intact, et il n’appartenait qu’à lui de les écrire. C’est ce qu’il a fait, au moins en partie, m’assure-t-on, mais sans autoriser, je crois, d’ici à un long temps, la publication de ces récits. Nul mieux que lui, en effet, n’a compris, en mettant la main aux grandes choses, la réserve imposée aux témoins contemporains et la dignité de l’histoire. Ce qu’on peut affirmer à l’avance, c’est que de ces récits de M. Daru, s’ils paraissent un jour, l’époque et celui qui en était l’âme, nonobstant les justes restrictions, n’en sortiront pas diminués. Et cela seul ne fait-il pas honneur au souverain qui l’avait choisi, et qui apprécia de bonne heure l’utilité dont il pouvait être, d’avoir pris goût à cette nature parfaitement droite, sincère, qui, dès qu’on la questionnait, disait vrai et répondait juste, et n’eût pu s’empêcher de le faire ?
Dans ce rôle considérable où, avec l’initiative de moins sans doute, il
entrait une part des fortes qualités solides des Sully et des Louvois, et
quelque chose de leur rigidité aussi, de cette fermeté inflexible dans
l’exécution, M. Daru était resté au fond l’homme de ses débuts, de ses
études premières et de ses goûts littéraires variés. On me fait remarquer
qu’à cet égard il est un peu de la famille de Pline l’Ancien, lequel,
surchargé pareillement d’affaires, d’offices administratifs et de
commandements, trouvait du temps encore pour toutes les branches de
littérature et de connaissances. Dans la campagne de Prusse, le jour même ou
le lendemain de la première entrée de nos troupes à Berlin
(26 octobre 1806), M. Daru s’empresse de recommander à la protection
spéciale de l’autorité militaire les établissements des arts et des
sciences, l’Académie, la Bibliothèque, le Musée, le Jardin des plantes ;
mais cela est tout simple : voici un petit fait singulier et plus
remarquable, qui rentre tout à fait dans la curiosité d’un Pline
l’Ancien. Trois semaines après l’entrée à Berlin
(20 novembre), on apprend à M. Daru qu’il y a dans le palais de Dresde un
piano qui conserve son accord dans toutes les saisons : « Je désire,
écrit-il à l’administrateur de la Saxe, que, sans donner aucun ombrage,
vous puissiez vérifier si ce piano existe, et me faire connaître en quoi
consiste le secret de son mécanisme. »
Accoutumé depuis la
journée d’Iéna à une correspondance d’un genre plus sévère, cet
administrateur put sourire de se voir chargé d’une telle commission. M. Daru
prescrivait aux intendants sous ses ordres d’envoyer au Jardin des plantes
de Paris les catalogues du Jardin de Berlin et des plantes de la Poméranie,
avec des échantillons de graines ; il en adressait aussi qui lui avaient été
demandés pour le parc de la Malmaison, et, dans une lettre à l’impératrice
Joséphine, il terminait cet envoi par des vers gracieux :
L’humble ruisseau de MalmaisonRoulait paisiblement ses ondes fortunées,Lorsque de belles mains, au sceptre destinées,Prirent soin d’embellir son modeste vallon, etc.
Ces vers ont du prix comme datés de Berlin ou de Posen. — Un jour, un grand seigneur de Prusse, frappé dans ses biens, et qui, réclamant contre l’inflexible application de la loi de guerre, n’avait trouvé en M. Daru qu’un visage immuable, averti par un ami de ce dernier, se mit tout d’un coup à lui parler d’Horace, d’une traduction dont il était curieux et qu’il n’avait pu se procurer encore : ici l’administrateur général ne put s’empêcher de sourire ; il ne s’attendait pas à ce mot sur Horace, qui était la clef du cœur, et il redevint un moment ce qu’il était toujours et si aisément quand l’absolu devoir ne l’enchaînait pas.
Me voilà tout naturellement ramené à l’homme de lettres en M. Daru, et j’ai dessein de m’y arrêter même au milieu de cette époque active de l’Empire où il semblait absorbé par de tout autres soins. Son originalité, c’est précisément de n’avoir point été absorbé par ces soins de nature si accablante, et d’avoir conservé toute une part considérable de lui-même, de son temps, de ses veilles, pour l’amitié, pour les consultations détaillées de ses amis les poètes d’alors, pour leurs confidences et leurs anxiétés d’auteur auxquelles il restait le plus ouvert et le plus attentif des hommes. On ne s’imaginerait point jusqu’où cela allait si je n’en donnais la preuve. M. Daru a été sous l’Empire le centre de tout un groupe estimable, spirituel, assez fécond, très goûté à son heure, dont nous avons pu médire dans notre jeunesse et quand les générations en présence se faisaient la guerre, mais auquel il convient de rendre justice quand toutes les rivalités ont cessé.
Être homme de lettres, — entendons-nous bien, l’être dans le vrai sens du mot, avec amour, dignité, avec bonheur de produire, avec respect des maîtres, accueil pour la jeunesse et liaison avec les égaux ; arriver aux honneurs de sa profession, c’est-à-dire à l’Institut ; avoir un nom, une réputation ainsi fixée et établie, c’était alors une grande chose : il y avait, et parmi les auteurs et dans le public, comme un sentiment de religion littéraire. Depuis, là comme ailleurs, le respect s’est perdu ; on a plus loué, et moins estimé ou considéré ; on a eu des veines et des accès d’idolâtrie, moins de religion. L’industrie s’en est mêlée, l’homme de lettres, même le plus glorieux, est devenu un vendeur comme un autre. Laissons les comparaisons : il ne s’agit pour le moment que de bien définir, par un caractère général qui l’honore, ce groupe littéraire de Collin d’Harleville, d’Andrieux, de Picard, d’Alexandre Duval (avant la brouille), de Roger (avant l’esprit de parti), de Campenon, Lémontey et autres. M. Daru était pour eux tous, je l’ai dit, un centre et un lien.
Andrieux lui écrivait en novembre 1803, pendant que M. Daru était au camp de Boulogne, et cette lettre peint assez bien le mouvement de la petite société littéraire dans son temps de parfaite union :
Nos déjeuners ont recommencé le dimanche 14 (brumaire). La scène se passait chez Picard. Nous avons bu à la santé des absents. Il nous a été lu deux pièces en un acte : l’une d’Alexandre Duval, intitulée Les Amours de Shakespeare. Il y a, en effet, beaucoup d’amour, de jalousie, d’exaltation, de chaleur ; Shakespeare est amoureux d’une comédienne… Quoique ce ne soit pas une bonne comédie, ni même une comédie, c’est un ouvrage agréable et qui n’est pas sans intérêt : il y a de l’originalité.
Picard nous a lu Monsieur Musard, ou Comme le temps passe !… C’est une pièce sur un défaut assez commun, mais qui n’est pas le vôtre, celui de ne rien faire, de remettre toujours au lendemain, de perdre son temps en niaiseries. Cela lui a fourni des scènes et des idées fort gaies.
Je dois lire dimanche prochain Le Mariage clandestin, que j’ai recommencé et mis en trois actes… Je n’en suis pas trop content et voudrais que vous fussiez ici pour m’en dire votre avis. Je me remets au Trésor avec des idées beaucoup meilleures que celles dont j’avais fait usage dans mon premier plan…
Vous ne me parlez pas de votre santé ; j’aime à conclure qu’elle est meilleure, et que les courses, le travail, la fatigue même, vous auront fait du bien. Avez-vous tué ce ténia ? Tuez-le, mordieu ! tuez-le ; point de quartier à ce misérable !
Il paraît qu’il règne beaucoup d’ardeur dans votre armée, et qu’on se dispose à la descente comme à une victoire assurée.
« Possunt quia posse videntur »:Comptez sur ta victoire afin d’être vainqueur.Ne manquez pas de m’écrire de Londres. Votre lettre sera bien reçue au déjeuner du dimanche et en fera la lecture la plus intéressante.
Voilà le point de départ et ce qui nous ouvre un jour sur ces fameux déjeuners dominicaux dont on a tant parlé et médit. Ce n’était d’abord, comme on le voit, qu’une réunion d’amis à peu près intimes, déjeunant tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre, et se lisant leurs ouvrages entre eux, non pour être loués, mais pour recevoir des critiques et des conseils. La société se gâta bientôt en s’étendant. Alexandre Duval s’en est plaint assez amèrement dans la notice qu’il a mise en tête de La Jeunesse de Henri IV. Les premiers membres de l’Académie française, Conrart, Chapelain, se rappelaient toujours avec un sentiment de regret le temps des réunions encore peu nombreuses, et non publiquement reconnues, où l’on s’assemblait par goût et avant tout règlement. On appelait cela l’âge d’or de l’Académie ; il y eut de même l’âge d’or des déjeuners dominicaux, et qui passa vite. Cet âge pourtant semble se prolonger, à n’en voir que le reflet dans la correspondance littéraire de M. Daru.
L’année 1806 fut le moment de l’élévation rapide de M. Daru, et où il passa
de la simple condition d’un administrateur cultivant les lettres à celle
d’un personnage considérable dans l’État. Il était candidat pour l’Académie
quand ce prompt avancement eut lieu dans sa fortune, et cela ne l’empêcha
point d’y être nommé. Ses amis, lui dit spirituellement Arnault qui le
recevait, eurent, malgré tout, le courage d’être justes. M. Daru succédait à
Collin d’Harleville, à ce talent bienveillant et aimable qu’on citera
toujours pour avoir fait L’Optimiste, Les Châteaux en
Espagne et Le Vieux Célibataire ; auteur comique
d’un genre tout particulier, qui avait ses comédies dans le cœur encore plus
que dans la tête. M. Daru fit à son sujet un excellent discours, plein de
sens et de nuances : il y appréciait « les plans sages, la gaieté
douce, le dialogue naturel, la versification pleine de grâce »
de celui qu’on aurait pu indulgemment appeler un demi-Térence, de même qu’on
avait dit de Térence que c’était un demi-Ménandre. Il y notait cette espèce
de réaction (je me trompe, le mot est trop fort), cet éloignement complet
pour le genre de Beaumarchais
qui avait été, au
début, l’instinct naturel et l’originalité de Collin d’Harleville, le moins
fait de tous les hommes pour goûter l’intrigue de Figaro. M. Daru y parlait
de lui-même avec modestie, de ses amis hommes de lettres avec un juste
sentiment de réciprocité, et des grandeurs du règne présent sans
exagération, avec vérité et force. Son discours eut beaucoup de succès. Il
l’avait composé comme il fit plus tard pour plusieurs de ses discours
académiques en ces années : sa voiture et le chemin de Saint-Cloud lui
avaient tenu lieu de cabinet.
À merveille, mon cher confrère, lui écrivait le vieux Cailhava, partisan déclaré de Molière et de l’ancienne comédie, et qui ne parlait qu’avec sourire de ce qu’il nommait la nouvelle école, devenue bien vieille pour nous aujourd’hui ; — à merveille ! vous avez traité on ne peut mieux l’assemblée, votre sujet et le saint qui partageait avec vous les honneurs de la fête.
D’abord, vous vous êtes débarrassé en maître de la plus pénible des corvées, celle de parler de soi…
Ensuite, digne ami d’Horace, vous avez décomposé l’art dramatique avec une profondeur qui m’a fait frémir pour l’intéressant Collin ; mais bientôt le peintre habile, en ne ménageant aux curieux que le jour favorable à son modèle, a glissé adroitement sur la sévérité de l’ancienne école pour ne nous peindre que le brillant de la nouvelle. Par là vous avez mis à l’aise nombre d’amateurs de l’un et de l’autre sexe, et l’Ombre même de Collin. Combien de fois ne m’a-t-il pas dit : « Hélas ! en sortant du collège et nourri de mon Plaute, j’aurais été plautéien comme un autre ; mais les comédiens m’auraient-ils joué ? » Naïveté bien précieuse ! Cependant je crois, entre nous, qu’il aurait été moins docile avec un peu plus de ce qui prononce les athlètes. Mais vous avez comblé le déficit en couronnant le héros des pompons de la sensibilité, de la délicatesse, des grâces, et tout le monde s’est écrié : C’est bien lui !
Dans les années suivantes, les lettres de ses amis de l’Académie, ou de ceux qui n’étaient encore que de la réunion des dimanches, allaient chercher M. Daru en Allemagne. M. Roger, qui avait de l’esprit, de l’empressement, du tour, et des qualités qui durent plaire dans la jeunesse avant que l’activité et la passion politique les eussent privées de leur premier agrément, M. Roger, qui, à la recommandation de ses puissants amis, venait d’être nommé membre du Corps législatif, était de ceux qui tenaient M. Daru au courant des travaux littéraires de chacun :
Picard, lui écrivait-il en mai 1807, fait une comédie qui me paraît une belle conception (Les Capitulations de conscience). Andrieux nous a relu ses Deux Vieillards : le style en est parfait ; l’intrigue laisse à désirer. Quel bon poète comique on ferait de Picard et d’Andrieux !… Nos déjeuners sont souvent interrompus, mais ils n’ont jamais lieu sans qu’on boive à la santé de Petrus Horatius Daru.
M. Campenon fait de même : cet homme de lettres, qui resta jusqu’à la fin parfaitement doux et gracieux, écrivait à M. Daru ; il lui envoyait à Vienne, dans la campagne de 1809, son poème de La Maison des champs.
Mon cher convive, lui répondait de Munich M. Daru (25 novembre), il a fallu que je quittasse Vienne pour trouver le temps de vous écrire. Il faut toujours que j’attende la paix pour payer mes dettes. Je laisse les lettres de mes amis s’accumuler pendant la guerre qui ne me permet pas un instant de loisir, et c’est lorsque les traités sont signés que je me mets en règle avec eux.
Et la lettre de M. Daru se terminait par de jolis vers dans le goût de ceux de son correspondant99. Puisque j’ai nommé Campenon, je rappellerai de lui des Stances à M. Desarps et une Promenade d’automne au bois d’Autel, dans lesquelles il y a quelques accents d’Horace. Le groupe de littérateurs dont je parle était instruit sans être savant ; mais tous connaissaient Horace et le citaient sans cesse, c’était leur bréviaire ; il était, à lui seul, toute leur Antiquité. D’honnêtes gens pouvaient se contenter de cet abrégé-là.
Je trouve encore Alexandre Duval écrivant à
M. Daru alors en Allemagne, en Westphalie (août 1808), et lui apprenant que
« les bons Parisiens sont menacés de quatre grandes, comédies en
vers »
, d’Andrieux (Les Deux Vieillards), de
Picard (Les Capitulations), de Lemercier (Le Faux Bonhomme), et de lui-même Duval qui se met à lui citer des
vers de son Aventurière, et qui regrette de ne le pouvoir
consulter plus en détail : « Je me rappelle vos observations sur Le Tyran domestique, ajoute-t-il ; elles
m’ont contrarié sans doute, mais j’en ai profité. »
D’un caractère à part dans ce groupe des amis d’alors ; ombrageux, jaloux,
très sensible à la critique, mais doué d’une certaine force de conception
dramatique et de la faculté d’intéresser, Alexandre Duval, Breton de
naissance, se pliait malaisément au ton de la petite société des dimanches ;
il dépassait un peu par sa chaleur et sa poussée d’imagination l’ordre de
critiques de style et d’observations de détail si goûtées d’Andrieux et de
ses dociles émules. En reconnaissant des défauts de goût et peut-être de
caractère chez Alexandre Duval, il faut pourtant honorer en lui le
producteur courageux et fécond qui, au milieu des hasards de sa veine, a
trouvé des inspirations heureuses dans des genres différents (Maison à vendre, Édouard en Écosse, Le Tyran domestique, La Fille
d’honneur).
Mais c’est avec Picard, le facile, le bon et spirituel comique, que M. Daru
entretint la correspondance la plus suivie, la plus détaillée et, je dirai
presque, touchante, à force de confraternité et d’affectueuse confiance
(1806-1808). Picard, à cette date, se trouvait à un moment critique et
décisif pour son talent ; il était dans sa meilleure veine : par Monsieur Musard, un petit chef-d’œuvre, par Les Marionnettes, par Les Ricochets, il
atteignait à toute la vérité de ce talent gai, vif, léger et naturel. Il
voulait plus encore : il avait trente-sept
ans ;
il voulait faire une grande comédie en cinq actes et en vers, se surpasser,
livrer sa grande bataille comme tout talent doit essayer, une fois au moins
dans sa vie, de la livrer avec toutes ses forces. Aimable Picard ! il
tentait plus qu’il ne put obtenir : il était écrit qu’il ne réussirait qu’en
prose et dans ce qui était « gai, leste, court, amusant »
.
Mais que son effort est respectable ! quelle conscience, quelle attention
donnée à ses œuvres ! quel désir de faire mieux et de s’élever ! Grands
auteurs, écoutez et instruisez-vous.
J’ai fini mes Ricochets, écrivait-il à M. Daru, alors à Posen ou à Varsovie (24 décembre 1806). Nos amis en sont fort contents : je le suis aussi ; mais, hélas ! c’est encore de la vile prose. Les besoins de mon théâtre (Picard était alors directeur du théâtre Louvois) ne me permettent pas encore de faire mes essais en vers. Ah ! que j’aspire de bon cœur au moment où je serai débarrassé de toutes ces entraves ! Depuis Les Marionnettes, je suis possédé d’un amour de travail qui m’enchante : je crois, soit dit sans vanité ou avec vanité, que je peux faire de bonnes comédies. Je roule dans ma tête un sujet qui, suivant l’usage, me paraît le plus beau qui se soit présenté à moi. Tandis que vous faites capituler les villes, moi je médite une comédie que j’appelle jusqu’ici Les Capitulations de conscience : ce titre est un peu long ; mais, comme il exprime bien ce que je veux peindre, je vous le livre. Je crois que vous verrez d’un coup d’œil combien ce sujet est vrai, riche et varié. Vous me le disiez quelques jours avant votre départ, pour faire une bonne comédie, il faut une idée unique et féconde. Je crois que j’ai bien cela ici… J’espère ne pas mériter dans cet ouvrage le reproche de n’être qu’un peintre de portraits de la rue Saint-Denis.
Et, à partir de ce moment, ce sont des lettres de quatre et huit pages d’une écriture serrée, dans lesquelles Picard expose à M. Daru ses idées, ses plans successifs de la même pièce, les modifications qu’il y fait d’après ses conseils. M. Daru était de ceux qui conseillaient à Picard les vers, estimant que cette forme était la seule qui consacrât tout à fait une renommée au théâtre et qui pût lui imprimer un cachet littéraire durable : mais il ne suffisait pas de mettre en rimes après coup ce qu’on avait d’abord écrit et conçu en prose. M. Daru de loin, comme Andrieux de près, redisait à Picard les conseils de l’Art poétique d’Horace, conseils éternels et de bon sens, mais qui étaient peut-être d’une vérité trop générale et qui ne s’appropriaient pas assez au cas particulier. Peu importe ; la docilité de Picard est charmante :
C’est d’un bien bon augure pour moi, écrivait-il à M. Daru le 1er février 1807, que, sur mon simple aperçu, vous ayez aussi bien senti, approuvé et deviné mon sujet ; il semble à votre lettre que nous avons longtemps causé ensemble. Vous me fortifiez dans l’idée que j’ai là de quoi fonder ma réputation. N’ayez pas peur, je n’irai pas trop vite : j’ai conçu l’idée le 15 octobre, le lendemain de la bataille d’Iéna, et je suis encore bien loin de commencer à écrire. Vous voyez que la conquête des royaumes va plus vite que la composition des comédies.
Dans la préface qu’il a mise à sa comédie des Capitulations dans le recueil de ses Œuvres,
Picard raconte comment il a recommencé sa pièce jusqu’à trois fois, à de
nouveaux frais et sur un nouveau plan ; il aurait pu dire qu’il l’avait
recommencée cinq et six fois, j’en ai les preuves sous les yeux ; et chaque
fois, en lisant la pièce à ses amis, il a le regret de sentir que l’ouvrage
(il se l’avoue) reste pâle, toujours grave et sérieux, et
incomplet. Il en a la fièvre ; il a des intermittences d’ardeur et
de découragement : « Mais j’en sortirai et je m’y obstine, écrit-il à
M. Daru (17 août 1807) ; je ferai une bonne comédie. Par exemple, vous
pourrez bien vous en dire le père nourricier. Vos deux lettres m’ont
encouragé, m’ont éclairé, m’ont affermi. Donc, vous aurez nourri
l’enfant. »
Ces longues lettres que M. Daru écrivait à Picard
sur sa comédie et dans lesquelles il lui faisait les vraies objections dont
l’auteur, malgré son effort, n’a pu triompher, ont à mes yeux une valeur
morale et plus que littéraire, si l’on songe qu’elles sont du même homme
qui, vers le même temps, disait dans une
lettre
de Berlin adressée à Mme Daru : « Je t’écris
d’une main fatiguée de vingt-sept heures de travail. »
On le comprend, c’est moins le détail des conseils et ce qu’ils pouvaient avoir de plus ou moins motivé, que le sentiment même qui les inspire, cet amour et ce culte des lettres, tendre, délicat, fidèle, élevé, que je me plais à observer et à poursuivre en M. Daru pendant ces années d’administration et de guerre ; et en réunissant ainsi autour de lui tous les noms de ses amis, les littérateurs distingués de son époque, je voudrais, pour adoucir cette sévérité qu’on suppose à son front, lui en composer une couronne.
Et pour terminer ce petit épisode de Picard que j’ai introduit ici avec plaisir : on le voit donc, l’effort qu’au milieu de sa carrière tenta ce spirituel auteur pour atteindre à la haute comédie, fut manqué ; il livra sa grande bataille en cinq actes et en vers, comme je l’ai appelée, et il la perdit. Devenu directeur de l’Opéra après l’avoir été du théâtre Louvois, il concevait encore le vague espoir de faire quelque œuvre considérable avant la fatigue et le déclin du talent :
J’ai dans la tête, écrivait-il en septembre 1812 à M. Daru, alors engagé dans la campagne de Russie et à peine arrivé à Moscou, j’ai dans la tête de grands sujets de comédies, et si je pouvais vous devoir un peu de liberté d’esprit et de loisir, je les entreprendrais ; mais que voulez-vous ? au moment où je vais commencer une scène, une danseuse vient me demander un pantalon, des souliers brodés ou une jupe de crêpe, quoique nos règlements proscrivent le crêpe ; un chanteur me fait dire qu’il est enrhumé, et il faut aller le flatter ou le menacer, si je ne veux pas que Paris manque d’opéra. Ah ! mon cher et digne ami, qu’il y a loin de là à la comédie ! que je regrette mon petit théâtre !…
De tout cet effort pourtant et de ces regrets où nous voilà initiés, il devra rester dans l’esprit de chacun une idée de Picard, non moins agréable qu’auparavant, mais plus sérieuse et plus haute.
Pendant que M. Daru avait sur les bras
l’administration de la Grande Armée et d’une partie notable de l’Europe, ses
amis de France le choisissaient ainsi volontiers pour confident de leurs
ennuis et de leurs peines. L’un d’eux, homme de lettres peu connu
aujourd’hui et même de son temps, mais d’un certain mérite et d’assez de
goût, qui avait fourni à Picard plus d’un trait pour sa Petite
Ville, M. de Larnac, du Languedoc, vieil ami de M. Daru, lui
écrivit un jour une lettre désespérée. M. de Larnac avait quelque emploi qui
ne convenait point à ses goûts, et qu’il ne pouvait concilier avec son
ambition littéraire ; il en souffrait, et il l’exprimait vivement, oubliant
trop que celui à qui il s’adressait aurait pu simplement lui répondre par le
mot de Guatimozin : « Et moi donc ! suis-je sur des roses ? »
M. Daru lui fit une réponse moins brève, pleine de bonté, de sens et
d’élévation, qui serait applicable encore aux plaintes et aux révoltes de
bien des Gilbert et des Chatterton modernes :
Puisque vous me le permettez, lui écrivait-il de Königsberg (24 juillet 1807), nous allons causer de vos affaires. Vous me dites que vous avez du noir dans l’âme, parce que vous avez langui dans les horreurs d’une vocation forcée. Quelqu’un qui vous lirait sans vous connaître croirait, à cette expression, que vous avez été fait capucin ou trappiste malgré vous : car enfin votre emploi n’est pas celui que vous auriez voulu choisir, mais cette histoire est celle de presque tous les hommes ; j’en vois bien peu qui eussent fait par plaisir ce qu’ils sont obligés de faire par devoir. Il n’en est point qui n’aiment l’indépendance, il en est peu qui n’aient embrassé quelques illusions de gloire ; et presque tous se trouvent cependant obligés de se contenter de ces illusions, et de s’astreindre à des occupations qui ne sont point selon leurs goûts. C’est l’inconvénient qui dérive de l’insuffisance réelle des fortunes, ou des besoins que nous nous sommes faits, ou de notre ambition. Tout cela prouve une seule chose, que le besoin de faire admirer nos talents n’est pas le seul besoin de notre amour-propre, qu’il nous faut encore, outre les applaudissements, de la considération ou de l’autorité, ou de l’éclat, etc. Ces fantaisies sont plus ou moins déraisonnables, mais elles sont aussi naturelles les unes que les autres, et c’est parce qu’elles nous tiraillent en sens contraire que nous nous débattons dans l’impuissance de les satisfaire toutes à la fois.
Sages paroles, et qui peuvent se lire dans le même moment qu’on a entre les mains les Épîtres d’Horace.
Une production académique remarquable de M. Daru en ces années, fut le
rapport qu’il rédigea en 1811 sur le Génie du
christianisme de Chateaubriand. Ce dernier ouvrage, qui avait fait
époque au commencement du siècle, n’avait point été compris dans la
désignation pour les prix décennaux, et l’Empereur avait paru s’en étonner.
Il désira que l’Académie française (la classe de l’Institut qui y répondait)
fît un examen particulier du livre, énonçât à ce sujet une opinion motivée,
et M. Daru fut chargé du rapport. Ce travail est ce qu’on pouvait attendre
d’un esprit droit, ferme, solide, qui ne se paie point de prestiges
brillants, de feux d’artifice, mais qui n’est point fermé non plus aux
inspirations élevées et éloquentes, fussent-elles nouvelles et imprévues. On
ne saurait donc considérer le rapport de M. Daru comme une critique hostile
à l’œuvre et au talent de M. de Chateaubriand, mais il faut y voir plutôt
une pièce d’analyse exacte, de modération et d’impartialité, un compromis
judicieux destiné à ménager l’entrée de l’auteur au sein même de l’Institut.
Le seul défaut que j’y relèverai, c’est que le sage rapporteur n’y marque
pas assez ce qui fut le charme et l’enchantement dans la manière du nouvel
écrivain, ce par quoi il a fait avènement à son heure, et qu’il ne nous dit
pas assez nettement ce qu’il faut toujours dire et proclamer à la vue des
génies, même incomplets et mélangés : « La veille, il y avait un être
de moins au monde ; le lendemain, il y a une création de
plus. »
De tout ce qu’on vient de lire il résulte, ce me semble, que si l’on veut
considérer la littérature dite de l’Empire dans ses
productions les plus saines, les plus honorables,
on ne court aucun risque de s’attacher à M. Daru comme guide et comme
président du groupe : « His dantem jura
Catonem »
. Sa modestie n’en prit point le rôle, mais
l’amitié et la confiance de tous le lui eussent volontiers déféré. En dehors
de lui et de ses amis, et dans une certaine opposition de goût et de
doctrines, je trouve un autre groupe, celui de Fontanes, de Joubert, de
Chênedollé, le monde même de Chateaubriand. Fontanes, qui en est le coryphée
comme critique et comme juge, lié d’ailleurs avec M. Daru pour qui il avait
la plus grande estime, différait de lui par plus d’un point essentiel : il
était plus réellement poète, et il se montrait tel dans ses vers trop rares,
surtout dans sa conversation pleine de feu et dans toute sa personne : il
avait de l’imagination en causant, et de la paresse dans le cabinet. Il
était d’un goût fin, bien autrement impatient et dédaigneux ; il tranchait
dès qu’un ouvrage lui déplaisait et lui semblait médiocre. Littérairement,
Fontanes fut le critique accepté et autorisé de l’Empire : c’était lui que
l’Empereur aimait à faire causer et à entendre sur ces questions délicates
et dans ces discussions animées où son actif génie se délassait. Mais les
amis de M. Daru, ceux que j’ai montrés rassemblés autour de lui, et qui
étaient proprement de son cercle, avaient sur Fontanes un avantage : ils
étaient productifs et assez féconds, ils payaient de leur personne ; leurs
œuvres inégales laissaient à désirer, mais elles occupaient et intéressaient
le public à leur moment. Quoique ces auteurs, même les plus classiques comme
Andrieux, n’eussent point à beaucoup près, autant que Fontanes, le culte et
la vive intelligence de la langue du xviie
siècle, ils ne laissaient pas dans leurs principaux membres
(et le nom de Daru nous les résume et nous les garantit) de composer une
bonne école, somme toute, une bonne race en littérature. Pour être complet,
je me contenterai
d’indiquer du doigt un
troisième groupe encore, celui qui se rattachait plus particulièrement à la
société d’Auteuil et au monde philosophique, les littérateurs plus ou moins
républicains de l’époque du Directoire, les Ginguené, les Chénier, les
Daunou, les Tracy. M. Daru leur donnait la main par plus d’un côté, mais il
s’en distinguait pourtant par des idées moins absolues et plus pratiques,
par des goûts littéraires moins tranchés, moins exclusifs et d’une
continuité plus modérée : entre eux et les amis de Fontanes, il tenait en
quelque sorte la voie du milieu.