Catinat.
La figure du maréchal de Catinat, même en la dégageant de l’espèce de légende philosophique dont on l’avait un peu obscurcie, en ne se gardant pas moins de l’admiration routinière qui arrondit les traits et ôte à la physionomie son accent, est et restera une des plus belles, des plus pures et des plus originales du xviie siècle. De tout temps je me suis senti attiré par elle ; mais la publication des deux derniers volumes de l’ouvrage de M. Camille Rousset sur Louvois74 est venue raviver et satisfaire à la fois ce désir. Catinat y est montré au vrai, au naturel, en action, d’après ses œuvres et ses paroles ; il n’y a guère qu’à l’y découper pour le dessiner aux yeux et le faire saillir avec plus de relief et de singularité qu’on ne se le permettait autrefois dans les plus beaux Éloges académiques. Des notes manuscrites, puisées aux sources, et dont je dois communication à l’obligeance de M. C. Rousset, m’aideront aussi moi-même à renouveler le portrait et à le continuer dans les parties que l’historien n’a pas traitées.
Un principe bien simple me dirige dans ces reprises d’études déjà faites tant de fois par des écrivains de talent, et qu’il peut sembler inutile de recommencer. Notre siècle, un peu revenu depuis quelque temps du goût des révolutions en politique, a reporté cette passion assez innocemment dans l’histoire littéraire : il n’aime rien tant en ce genre que de défaire et de refaire, de détruire ou de créer ; il a un goût décidé pour déterrer ou réhabiliter des inconnus de la veille, et pour renverser de grands noms, des noms consacrés. Parce qu’on a réussi dans quelques exemples notables à ce jeu d’élévation et de rabaissement, voilà qu’il prend à chacun les idées et les fantaisies les plus singulières à propos des personnages célèbres du passé : ceux-ci, on se contente de les diminuer, de les amoindrir ; ceux-là, on veut les dégrader à tout prix, les abîmer et les abattre ; quelques autres, au contraire, en petit nombre, on n’est occupé qu’à les grandir et à les transfigurer, c’est-à-dire encore à défigurer leur caractère. À la moindre découverte d’un papier, d’un document nouveau, on se récrie, on est transporté : il semble que jusqu’ici on n’y avait rien entendu et que c’est d’à présent que la lumière se fait. Au lieu d’introduire, en l’interprétant, le renseignement nouveau, de le combiner avec les anciens et de rectifier les erreurs, s’il y a lieu, de réparer ou de combler les lacunes, on aime mieux jeter à bas et reprendre à neuf dès la base la statue, le monument. On entre dans son sujet comme dans une place prise d’assaut, avec le nouveau document déployé en guise de drapeau, et l’on chante tout d’abord victoire. Je crois cette méthode fort hasarde,, et injuste pour le passé : c’est, me dira-t-on, celle du génie qui procède volontiers en maître et en conquérant ; mais, comme le génie est rare, c’est aussi celle de la prétention et de l’effort ambitieux, bruyant, une méthode tapageuse et qui prête fort au charlatanisme. Dans la plupart des cas, à mon sens, il y a mieux à faire : c’est de profiter de l’accroissement de connaissances et des nouvelles lumières en chaque chose, sans mettre à néant ce qui nous a été transmis de longue main et qui a ses raisons de subsister, ses racines cachées et qu’on ne sait plus bien toujours. Pour mon compte, je respecte la tradition, et j’aime aussi la nouveauté : je ne suis jamais plus heureux que quand je parviens à les accorder et réconcilier ensemble. Si votre nouveauté vient me faire brèche dans la tradition et me trouer la muraille, la faire sauter par places, j’examine, je fais la part de la nécessité, de la vérité neuve ; et quand vous croyez avoir tout gagné et n’avoir plus qu’à raser le reste, holà ! j’ai rebâti une nouvelle muraille derrière la première, et je tâche que cette seconde soit plus solide et inattaquable. Quand je dis je, veuillez supposer tout autre à ma place et pratiquant avec supériorité la même méthode. C’est de cette façon, du moins, et en ce sens que j’entends et je conçois la défense de la tradition en matière littéraire, — moyennant une vigilance de chaque jour et une réparation infatigable. Ainsi pour Pascal, ainsi pour Boileau, ainsi pour Louis XIV ; nous obligeons ceux qui se croyaient vainqueurs à compter avec nous et à composer. Il suffit pour cela de rafraîchir la défense, de la mieux revêtir, en raison des récents et plus puissants moyens d’attaque, et de l’étayer en partie sur de nouveaux fondements, en partie sur les anciens, là où ils ont droit de subsister. Et dans le cas présent encore, qu’y a-t-il à faire au sujet de Catinat, à ce point de vue de précaution raisonnable et en prévision de quelque prochain paradoxe ? Précisément ce qui était à faire et ce que nous faisions, pas plus tard qu’hier encore, au sujet de Marie-Antoinette, au sujet de Mme Roland. Y avait-il lieu à une révolution dans l’idée qu’on doit se former dorénavant de ces illustres personnes, à un bouleversement d’opinion du tout au tout ? Pas le moins du monde ; il ne s’agissait, comme il ne s’agit encore ici, que d’une prise sérieuse en considération, d’un renouvellement d’étude, d’une révision attentive et courageuse ; je dis courageuse : il faut du courage en effet pour se remettre sans cesse à l’œuvre et pour contrôler ses premiers jugements, pour les réformer. Faire dans nos jugements des réformes continuelles, si besoin est, mais des réformes seulement et non des révolutions, voilà le plus sûr résultat de la critique littéraire, telle que je l’entends.
Ne vous attendez donc pas à trouver dans ce qui suit un Catinat nouveau, étonnant, le
contraire de ce que chacun sait. Tout considéré, et sauf quelques ombres, quelques grains
plus marqués çà et là dans la physionomie, nous verrons le même Catinat, le vrai Catinat
déjà connu, le plus vertueux des hommes de guerre de son temps, obéissant pourtant à sa
consigne, et docile de point en point à Louis XIV, à Louvois ; puis, le guerrier une fois
quitte de son service, nous aurons le philosophe et le sage, non pas absolument celui
qu’on a arrangé au xviiie
siècle, et sur lequel on avait
répandu une légère teinte de liberté de pensée, mais enfin un modèle de modestie, de
raison, de piété morale, et un bon citoyen, celui qui disait ; « J’aime mon maître
et j’aime ma patrie. ».
I. Naissance. — Famille et race. — Apprentissage. — Qualités. — Premiers emplois.
Ce guerrier, si véritablement guerrier par le courage, par l’esprit de discipline, par
l’entente des opérations et la science consommée du détail, n’était pas nécessairement
destiné à l’être. Né (1637) d’une famille de robe originaire du Perche, qui se
rattachait depuis deux générations au Parlement de Paris, l’un des cadets de seize
enfants, il avait commencé, dit-on, par l’étude du droit et le barreau. Une première
cause qu’il perdit l’aurait dégoûté de la profession d’avocat et rejeté du côté des
armes. Deux de ses frères y étaient déjà. Il reste beaucoup à faire pour établir avec
sûreté et précision les premières années de Catinat : une Vie critique
de ce guerrier de tant de mérite n’est pas écrite encore. Les Mémoires et
Correspondances qu’on a donnés de lui, excellents par le fond, ne sont que des
matériaux75. Des deux frères qui étaient dans l’armée en même temps que lui,
l’un mourut au siège de Lille en 1667 ; l’autre appelé Croisilles, avec qui il resta lié
de tout temps d’une étroite tendresse, était capitaine au régiment des gardes ; retiré
du métier des armes pour cause de santé et à la suite de blessures, il devint le tendre
ami de Fénelon et paraît avoir été doué de toutes les délicatesses morales ; il refusa
d’être sous-gouverneur du duc de Bourgogne. Le célèbre abbé Pucelle, conseiller clerc au
Parlement de Paris, une des hautes vertus, une vertu proverbiale de son temps, et le
modèle des magistrats parlementaires, que les Jansénites ont appelé cet homme incomparable, était par sa mère un propre neveu de Catinat. La probité, la
droiture, le désintéressement, la modération dans les désirs, la prudhommie faisaient
comme partie de leur fonds domestique héréditaire. Massillon, dans ce magnifique
Discours pour la bénédiction des drapeaux, rendait à Catinat cette justice entre tous
les guerriers que « la sagesse était comme née avec lui. ».
Catinat,
enfant de Paris, élevé dans une obscure maison de la rue de Sorbonne, aimait sa ville
natale, son quartier, l’approbation de ses voisins et proches ; nourri dans ces besoins
et ces habitudes d’estime, il porta au milieu des camps un principe d’honnêteté, de
rectitude et de scrupule que rien n’altéra jamais. Il y en a qui s’amollissent en
avançant dans la vie et se corrompent par le repos ou par les honneurs : lui, il resta
intègre jusqu’au dernier jour, et si la sagesse était née avec lui, on peut dire que sa
vertu ne parut jamais plus pure qu’au sortir de l’action et dans ces années de retraite
où il se disposait à mourir.
Sa carrière militaire s’était faite de bonne heure sous les yeux du roi, jeune alors,
avide de gloire et attentif aux excellents sujets76. Il eut
d’abord des emplois de cavalerie ; il était fait lieutenant dans les chevau-légers en
1665. Il se distingua au siège de Lille (1667) dans les attaques de la contrescarpe et
de la demi-lune ; Louis XIV, présent au siège, le nomma lieutenant au régiment des
gardes ; puis, trois ans après, capitaine d’une compagnie au même régiment (1670). Il
rendit d’importants services dans les trois premières campagnes de la guerre qui
commença en 1672, et principalement en 1673 à l’attaque de l’ouvrage à corne de
Maëstricht. Dans la conquête de Franche-Comté (1674), il ne se distingua pas moins à la
prise du fort Saint-Étienne et des dehors de la citadelle de Besançon que le régiment
des gardes emporta l’épée à la main. Catinat, même plus tard devenu général, se montra
toujours d’une rare intrépidité personnelle, d’une bravoure presque excessive dans un
chef ; cet homme si prudent et concerté dans ses mouvements et sa stratégie en tant que
commandant d’armée, se retrouvait sur le terrain, en un jour de bataille, le capitaine
du régiment des gardes, et s’exposait comme un simple grenadier jusqu’à se faire plus
d’une fois réprimander par Louis XIV. Ceux qui l’ont vu en ces sortes d’action, et qui
étaient disposés, d’ailleurs, à blâmer son trop de circonspection dans l’ensemble,
disaient que personne n’était plus fier que lui l’épée à la main77.
Louis XIV lui donna, en 1676, l’emploi de major général de l’infanterie dans son armée
de Flandre. On rapporte que M. de la Feuillade voulant empêcher Catinat d’être major
dans le régiment des gardes, idée première qu’avait eue le roi, lui avait dit pour l’en
détourner : « On peut faire de lui un général, un ministre, un ambassadeur, un
chancelier, mais non pas un major du régiment des gardes. ».
Si l’on cherche le sens précis de cette épigramme tournée en éloge, il me semble y voir
quelque chose de la même intention d’ironie qu’un inspecteur général employait un jour à
l’égard d’un officier distingué qui a percé depuis, et de qui il disait en note :
« Ferait un excellent préfet. ».
On tournait contre Catinat ses mérites
mêmes, ses qualités d’ordre, de régularité ; on ne lui trouvait peut-être pas le ton
assez soldat, ni sans doute assez de facilité et de souplesse pour ce régiment des
gardes, un corps privilégié et si délicat à manier.
Catinat savait mieux que personne tout ce qu’exige de qualités cet emploi de major et, qui plus est, de major général d’une armée, et, interrogé un jour par le duc de Savoie sur le détail et les prérogatives de la charge, il répondait avec esprit :
« Monseigneur, le major général est un distributeur d’ordres, le porte-voix du général, sans aucune autorité que celle qu’il emprunte de son estime ou de son amitié ; mais ces sentiments changent sa place. Il ordonne alors souvent ce qu’il juge à propos, et les troupes supposent qu’il en a reçu l’ordre. Si le major général est réduit à sa charge, et que l’estime, l’amitié, l’amour de la patrie et de la gloire ne l’unissent point avec le général, la machine ne se meut que lourdement, et la présence d’une seule personne étant impossible en tous lieux dans le même instant, on ne peut remédier aux accidents parce qu’on ignore l’intention du général.
Les officiers généraux sont les supérieurs du major général ; mais il devient en effet leur supérieur lorsqu’il est l’ami du général. S’ils demandent des détachements, il doit les fournir sans autres ordres, sauf à lui d’en rendre compte au général ; mais pas un ne lui en demandera s’il possède sa confiance78… »
Cette définition que nous donne Catinat, me fait revenir encore sur le mot du duc de la
Feuillade à son sujet, et elle achève pour moi de l’éclairer d’une manière plus
particulière. S’il fallait que le major ou major général, pour avoir action, fût
tellement en rapport d’esprit et de bonne intelligence avec son chef, comme M. de La
Feuillade était colonel du régiment des gardes, il s’ensuit de son refus qu’il jugeait
que Catinat, devenu son major, ne serait point du tout à l’unisson avec lui ; et pour
peu qu’on y songe et qu’on se rappelle le caractère connu de M. de La Feuillade, rien ne
paraît alors plus naturel que ce refus de prendre Catinat pour son canal habituel et son
porte-voix. Qu’était-ce que M. de La Feuillade, en effet, à ne le voir que par les
contrastes évidents qu’il nous offre avec Catinat ? Un homme vain, fastueux, un roué
habile, un ambitieux toujours aux aguets, allant à ses fins sous des airs
d’extravagance, tout occupé de faire sa cour, à se trouver sur le passage du roi, à le
lasser de son assiduité jusqu’au moment où il enleva la faveur ; à la guerre, un homme
qui n’était pas embarrassé à se donner les honneurs des services d’autrui et à leur
ravir leur part de récompense, comme il le fit pour Coligny dans cette croisade de 1664
en Hongrie ; pendant la paix, le plus effronté des courtisans et un somptueux flatteur
en plein soleil et en place publique ; mais que dis-je et de quoi me mêlé-je avec mes
couleurs délayées ? laissons Saint Simon parler et peindre : « De l’esprit,
dit-il, dans son admirable et brûlant croquis de La Feuillade, une grande valeur, une
plus grande audace, une pointe de folie gouvernée toutefois par l’ambition, et la
probité et son contraire fort à la main, avec une flatterie et une bassesse insignes
pour le roi, firent sa fortune et le rendirent un personnage à la Cour, craint des
ministres et surtout aux couteaux continuels avec M. de Louvois. ».
Quoi de
plus naturel alors que La Feuillade ait flairé Catinat, encore simple officier des
gardes, et qu’il se soit dit : « Ce n’est pas mon homme ? ».
Quoi de plus
logique et de plus nécessaire qu’il n’ait pas voulu de lui pour son major et son alter ego ? Son mot de tout à l’heure revient à ceci : « Catinat
m’est antipathique ».
Il en devait être ainsi. Catinat, le probe, l’homme de
la régie et du devoir, l’ennemi des passe-droits et des exactions, était son contraire ;
on le savait de reste, mais on aurait pu l’oublier : le propos cité nous le rappelle. Un
tel mot n’est pas une bonne note pour M. de La Feuillade.
Louis XIV, satisfait des services de Catinat comme major général dans l’armée de Flandre pendant la campagne de 1676, l’employa encore en cette qualité l’année suivante, sous ses ordres, aux sièges de Valenciennes, Cambrai et Saint-Omer ; il l’avait fait brigadier dès le mois de février 1677. Lorsqu’on eut pris Saint-Ghislain en décembre, il lui en confia le gouvernement, comme, à la fin de l’année précédente, il lui avait donné le commandement des troupes de Cateau-Cambrésis, pour tenir Cambrai bloqué pendant l’hiver. Ce gouvernement de Saint-Ghislain était un poste de grande confiance, une guérite de sentinelle avancée : il ne s’agissait pas d’être un simple commandant de place ; il fallait avoir l’œil au vis-à-vis et s’opposer aux courses de la garnison de Mons qui était considérable, la tenir constamment en respect et en échec. Une lettre de Louvois nous montre le genre et le degré de confiance qu’on avait en Catinat ; on lui avait donné pour collègue à Saint-Ghislain M. de Quincy, chargé du commandement de la cavalerie, un caractère épineux, un homme difficile à vivre :
« M. de Quincy, lui écrivait Louvois (îfi décembre 1677), est chargé du commandement de la cavalerie et des dragons de Saint-Ghislain, et des autres villes des environs. Il a les intentions tout à fait bonnes pour le service du roi ; mais comme ses manières ne sont pas tout à fait polies, Sa Majesté vous recommande de bien vivre avec lui et de ne pas relever de petites choses dont un homme moins sage que vous aurait peine à s’accommoder. »
Catinat devait se concerter avec M. de Quincy pour tout ce qui pourrait incommoder Mons, et pour empêcher qu’il n’y entrât rien ; il dut démolir des moulins à eau qui étaient dans les dehors et qui servaient à alimenter la place de farines. Quant à la défensive même, tant qu’il n’y avait pas de gelée, Saint-Ghislain était à l’abri d’une approche ; mais en temps de gelée, Catinat était autorisé à requérir des garnisons voisines jusqu’à mille mousquetaires, afin d’aider à casser la glace ; tout était prévu :
« Vous pouvez même, dans le temps des fortes gelées, faire venir deux ou trois cents paysans des environs pour aider aux troupes à casser la glace. Sa Majesté ne donnerait pas cette liberté à un autre qu’à vous, mais elle est bien persuadée que vous ne souffrirez pas qu’on en abuse. »
Il importait aussi de favoriser la désertion dans les troupes de la garnison de Mons,
de faire semer des billets aux environs et, s’il était possible, jusqu’à l’intérieur de
la ville, pour assurer aux déserteurs, s’ils voulaient venir à Saint-Ghislain, une prime
de cinq écus qu’ils toucheraient argent comptant : « que ceux qui voudraient
prendre parti trouveraient emploi, et que ceux qui voudraient retourner dans leur pays
auraient des passe-ports pour y aller librement. ».
On estimait que c’était un
moyen sûr de réduire bientôt cette garnison, à laquelle d’ailleurs on s’appliquait à
couper les vivres.
« Vous jugez bien, lui écrivait Louvois, que pour que le projet de Sa Majesté réussisse, il faut que les déserteurs de Mons soient effectivement payés des quinze livres qu’on leur promettra, qu’ils aient la liberté de se retirer chez eux, s’ils ne voulaient pas prendre parti. Sa Majesté s’attend que vous satisferez au premier, en leur donnant vous-même, sans vous en rapporter à personne, les susdits cinq écus, et en interrogeant si bien ceux qui se diront déserteurs de Mons, que vous ne soyez pas pris pour dupe, et ne donniez pas d’argent à ceux qui n’en viendront pas…
Je ne vous dis point que Sa Majesté ne confierait point son argent à un autre que vous, étant fort persuadée que vous l’administrerez de manière qu’elle aura tout sujet de s’en louer : je lui en répondrais bien, s’il en était besoin… »
Ainsi sa sagesse, son égalité d’humeur et son ménagement des hommes (dans ses rapports avec M. de Quincy), sa probité et son intégrité dans le maniement et l’emploi rigoureux des fonds, étaient reconnus autant que ses talents militaires ; il avait l’entière confiance du ministre et du maître.
Ces détails semblent minutieux ; ne les négligeons point pourtant ; il est heureux qu’on les ait. S’ils faisaient défaut, quelque historien à imagination ardente et prompt à la réaction pourrait venir un jour, qui traiterait ces premiers débuts à la légère et les sacrifierait d’un trait de plume, ennuyé d’entendre appeler Aristide le Juste. N’oublions jamais de combien d’éléments nombreux, multiples, continus, et qui ne sauraient être remis en question (même quand on n’en a pas toujours les preuves comme ici), se forment et se composent ces sortes de réputations solides et assises, du genre de celle qui constituait le renom universel et avéré de Catinat. Pourquoi un maréchal de Luxembourg, même au milieu de ses victoires et tout en tapissant Notre-Dame des drapeaux conquis, emporte-t-il avec soi, attaché à son nom, je ne sais quel vernis opiniâtre de déconsidération et de mésestime ? Pourquoi Catinat est-il tant estimé et vénéré, même après ses disgrâces ? Il y a à cela des raisons sans nombre et de tous les instants, que sentent les contemporains, qu’on respire dans l’air, dont l’impression se communique dans la tradition immédiate, et que rien ne peut suppléer. C’est le résumé moral et, comme on disait autrefois, la bonne ou la mauvaise odeur qui émane de toute une vie. Commençons donc avec un tel homme que Catinat par le respect total et souverain, avant d’essayer sur quelques points la restriction et la réserve. C’est au sein du respect même, pour ainsi parler, que plus tard notre critique, si elle a lieu, s’exercera.
II. Mission de confiance. — Gouvernement de Casal. — Négociation à Mantoue.
De gouverneur de Saint-Ghislain, Catinat redevint en 1678 major général dans l’armée du roi aux sièges de Gand et d’Ypres ; puis il fut nommé gouverneur de Dunkerque, mais pour peu de temps. Ici commence une nouvelle série de fonctions et de services qui décideront de la carrière future de Catinat. Le roi l’ayant vu à l’œuvre de longues années sous ses yeux, a l’idée de l’émanciper et de s’en servir au loin. Et d’abord, il jugea à propos de l’envoyer à Pignerol, à la frontière du Piémont, sur la fin de cette année 1678, pour une mission très-secrète, mystérieuse même, et des plus importantes. Quelle était-elle ? L’ouvrage de M. Camille Rousset nous édifie à ce sujet complètement.
On voulait s’assurer du Piémont et, à cet effet, le brider et le tenir entre deux places fortes, d’un côté Pignerol, et Casal à l’autre bout, dans le Montferrat ; cette dernière place appartenait au duc de Mantoue, prince dépensier, endetté, homme de plaisir, et l’on crut en avoir bon marché moyennant finance. On s’adressa dès 1677 à l’un de ses ministres, le comte Mattioli, qui se prêta aux ouvertures, promit beaucoup au nom du duc et parut donner entièrement les mains au projet. Mattioli se rendit lui-même en France au mois de décembre 1678 : introduit à Versailles avec les précautions les plus mystérieuses, il remit à Louis XIV en personne une lettre du duc de Mantoue, reçut la réponse du roi ; et la cession de Casal, pour laquelle M. de Pomponne, ministre des affaires étrangères, déjà bien voisin d’une disgrâce, n’intervint que pour les formalités de signature, fut arrangée directement avec Louvois, vrai ministre, fut ordonnée et réglée par lui dans le dernier détail. La prise de possession devait avoir lieu vers le milieu de février 1679.
Ce n’était qu’une fourberie : les plus habiles y furent trompés. Croyant à la prochaine livraison de Casal, Louvois fit partir secrètement Catinat sur la fin de décembre 1678 ou dès les premiers jours de janvier suivant. Catinat dut arriver à Pignerol sous un nom supposé, y rester caché comme un prisonnier d’État et attendre l’effet des engagements contractés par Mattioli. Il était dès lors désigné pour être gouverneur de Casal. Mais tout d’un coup on apprend à Versailles, par un avis venu de la Cour même de Savoie, que Mattioli trompe tout le monde, qu’il s’est avancé sans y être autorisé, qu’il a menti impudemment, et il n’est plus question pour le moment que d’étouffer l’affaire. L’abbé d’Estrades, ambassadeur du roi à Turin, trouve moyen d’attirer Mattioli hors de cette ville, où il était imprudemment venu ; faisant semblant de croire à ses excuses et à ses mensonges, lui promettant le payement d’une somme que Catinat, disait-il, avait entre les mains, il l’emmène dans son carrosse vers une hôtellerie, à la frontière, sur le territoire français. Arrivés en ce lieu, ils y trouvèrent Catinat, comme c’était convenu avec celui-ci. Mattioli le croyait seul ; on s’enferma à trois dans une chambre ; on parut traiter sérieusement de l’affaire, et, à un moment, l’abbé d’Estrades étant sorti sans affectation, donna le signal : des dragons qui étaient apostés entrèrent brusquement, se saisirent de Mattioli, le bâillonnèrent, le garrottèrent, et une demi-heure après il était dans la citadelle de Pignerol. Il disparut du monde, et l’on a même dit que le fameux masque de fer n’était autre que ce petit ministre du duc de Mantoue, qu’on avait eu grand intérêt pour lors à supprimer. Il est possible qu’il ait été, en effet, à un moment l’un des masques de fer, car il est probable qu’il y en eut plus d’un. On sourit de voir Catinat dans cette auberge, dans ce conciliabule à trois et ce guet-apens, — un guet-apens pour le bon motif, — jouer si bien le rôle qu’on supposerait chez un personnage d’un de nos mélodrames modernes.
L’affaire manquée, Catinat revint vite à son métier de guerre ; il fut nommé gouverneur de Longwy, puis de Condé, puis de Tournai. Cependant la négociation ayant été renouée avec le duc de Mantoue au sujet de cette reddition de Casal, Catinat reçut une nouvelle mission pour l’Italie. Bien des précautions furent prises encore, comme la première fois, pour dérober son voyage, de peur de donner l’éveil et de démasquer avant l’heure la présence d’un officier aussi considérable à la frontière. Louvois lui écrivait à Tournai, ou il commandait alors, le 22 juillet 1681 :
« Monsieur, le service du roi désirant que vous fassiez incessamment un voyage pareil à celui du commencement de l’année passée79, je vous en donne avis, afin que, prétextant quelque affaire de famille, vous mandiez à vos amis en Flandre que M. votre père vous a obtenu votre congé pour deux mois, et qu’en effet vous partiez pour vous rendre entre ci et douze ou quinze jours, sous mystère, à Fontainebleau, où je vous entretiendrai et vous remettrai les ordres du roi de ce que vous aurez à faire. Je vous dirai cependant que j’espère que vous réussirez mieux au voyage que vous ferez ensuite, que vous n’avez fait au précédent. »
Pour mieux déguiser son arrivée à Pignerol, Catinat en approchant, avertit M. de Saint-Mars, qui en était gouverneur, de le faire arrêter la nuit par la compagnie franche de la place et conduire incontinent à la citadelle. Il rendait compte assez gaiement de ces circonstances à Louvois, dans une lettre du 6 septembre :
« Je suis arrivé ici le 3e du mois, et j’y serais même arrivé le 2e, sans les mesures que j’ai prises avec M. de Saint-Mars pour y entrer secrètement. Je m’y fais appeler Guibert, et j’y suis comme ingénieur qui a été arrêté par ordre du roi, parce que je me retirais avec quantité de plans des places de la frontière de Flandre. M. de Saint-Mars me tient ici prisonnier dans toutes les formes, néanmoins avec une profusion de figues d’une grosseur et d’une bonté admirables. Cela joint à la porte par où il a plu à Sa Majesté de me faire voir que j’en sortirai, me fait souffrir ma détention avec une bien facile patience. »
La porte dont il parle était son brevet de maréchal de camp, déjà signé depuis quelques jours, et ce gouvernement d’importance.
Cependant le marquis de Boufflers était chargé du commandement des troupes qui devaient prendre possession de Casal, dont Catinat allait devenir à l’instant gouverneur. Le jeu joué était celui-ci. Le duc de Mantoue désirait, en cédant la citadelle de Casal, non la ville ni le château, que l’on crût qu’il avait la main forcée, et à cette fin, pour lui servir d’excuse envers ses voisins, Espagnols ou Italiens, il était nécessaire qu’on fît montre de rassembler en Dauphiné un corps de troupes fort supérieur à celui qu’on réunissait effectivement. On envoya donc en Dauphiné, au commandant de la province et à l’intendant, avec ordre de donner passage et logement, des contrôles fort enflés et uniquement destinés à faire au-dehors tout le bruit que le duc de Mantoue désirait pour paraître céder à la menace. La marche de la petite armée de Boufflers était réglée de point en point et d’étape en étape par M. de Louvois ; le jour de l’arrivée de son infanterie sous Pignerol était marqué pour le 27 septembre, et Catinat, qui était dans cette place, après trois semaines d’une prison simulée, jetant le masque et rentrant dans son rôle actif de guerre, devait lui donner toutes les munitions et les vivres pour quatre ou cinq jours.
Boufflers suivit exactement ses instructions, et, sans rencontrer d’obstacles, il entra
le 30 septembre, jour indiqué, dans la citadelle de Casal. C’était le jour même où
Louvois entrait, pour en prendre possession, dans Strasbourg. Casal et
Strasbourg en un même jour et presque à la même heure ! c’est ce que chacun
bientôt se répéta et qui retentit en tous lieux et tout d’un cri comme dans un écho ;
c’est ce que Bonfflers et Catinat lui-même, dans leurs lettres à Louvois, ne purent
s’empêcher de relever avec admiration comme pour un coup de théâtre où ils avaient joué
leur rôle sans en sentir d’abord tout l’étonnant et toute la grandeur. « Quel
jour pour l’Europe que le 20 septembre 1681, et quel point de gloire pour le roi et
pour vous ! »
écrivait Boufflers.
Quel jour pour l’Europe, et non pas « quelle joie ! » comme un éditeur irréfléchi et maladroit lui a longtemps fait dire.
Catinat, averti aussitôt par M. de Boufflers du succès de l’entreprise, se hâta de le rejoindre ; il conduisait lui-même un corps de troupes, et en traversant les terres de Madame de Savoie, il s’attacha, selon son habitude, à réparer les désordres inévitables qu’on avait causés en pays ami, mais qui cette fois étaient bien légers. Sa lettre à Louvois du 2 octobre, porte la marque de cette sollicitude, et en même temps il plaisante du peu que cela lui a coûté :
« Les troupes que j’ai conduites ont passé, dit-il, sans aucun désordre. J’ai réparé généralement toutes les plaintes pour six écus. Je vous avoue que, passant dans un pays si plein de toutes choses, j’ai été surpris que cette grande obéissance ait subsisté pendant quatre jours sans châtiment exemplaire… »
Sans « châtiment exemplaire », notez ce mot. Alors on ne maintenait guère la discipline
qu’à ce prix. Catinat, pour son compte, était sévère ; il en avait la réputation. Je ne
sais plus qui a dit : « On pendait beaucoup dans l’armée de Catinat. »
Ce
renom de sévérité dispensait ensuite du trop de rigueur.
Arrivé à Casal, Catinat avait à se concerter avec M. de Boufflers pour la fin de l’entreprise. La possession de la citadelle n’était pas tout en effet ; c’était la seule chose qui eût été stipulée avec le duc de Mantoue et à laquelle il avait consenti ; mais pour Louis XIV et pour Louvois, ce n’était qu’une partie du plan : il était sous-entendu par eux qu’une fois maître de la citadelle on en trouverait les fortifications insuffisantes, en trop mauvais état, et que ce serait prétexte pour demeurer et prendre ses quartiers d’hiver dans le pays, et pour occuper la ville ainsi que le château attenant. À peine avait-on un pied dans la maison d’autrui qu’on voulait avoir les deux. Il fallait obtenir du duc cette nouvelle concession, cette aggravation non mentionnée au traité, et l’on comptait bien, en dépêchant un officier entendu à la petite Cour de Mantoue, avoir bon marché d’elle et la faire consentir à la raison du plus fort. Ici Catinat va devenir négociateur ; on le charge d’une assez vilaine besogne et d’obtenir, d’arracher d’une manière ou d’une autre, et bon gré, mal gré, ce qui n’était pas dû en parfaite bonne foi.
Je crois volontiers que la politique s’est fort épurée de nos jours, ou du moins que partout où pénètre vite la lumière, la publicité, on n’ose plus se permettre de telles fourberies. Mais alors c’était chose avouée et censée permise ; la diplomatie vivait là-dessus : c’était une guerre de ruses et de mensonges. Il y avait auprès du duc de Mantoue un chargé d’affaires de Louis XIV, fort sage, fort entendu, l’abbé Morel, un « parfaitement bon esprit » ; pourtant on ne se fia pas à lui d’abord pour traiter et trancher des questions plus militaires que politiques ; Catinat eut ordre d’aller en personne à Mantoue pour forcer la main le plus doucement possible au duc et tirer de lui plus qu’il n’avait été convenu.
C’est ce que j’appelle un mauvais rôle pour Catinat : il est obligé de mentir, au moins à demi ; il fait semblant de n’avoir point reçu d’ordre récent de Louis XIV, de n’obéir dans ses exigences et dans celles de M. de Boufflers qu’à la nécessité du service du roi ; il emploie tous les moyens de persuasion, même de corruption, auprès des ministres du duc : il échoué. On ne se laisse point payer de mots, ni même d’espèces ; on a des restes d’honneur ; on ne veut voir qu’abus de la force dans cette première et si prompte inexécution du traité ; on ne peut croire à un pareil oubli de générosité chez Louis XIV, un si puissant roi ! on en appelle à lui-même, à sa loyauté, et, comme disait le duc, à sa « sacro-sainte » parole ; on ne pourrait que se résigner sans doute à la soumission, étant le plus faible, mais on se refuse à ratifier. Il est permis de penser qu’en plaidant cette mauvaise cause Catinat sentait le côté juste des raisons qu’on lui opposait ; il a des expressions d’estime, et presque des éloges pour la partie adverse :
« J’ai trouvé, disait-il dans sa lettre à Louvois (15 octobre 1681), ces gens-ci tout autrement que je n’avais pensé ; j’espérais beaucoup de la permission d’offrir de l’argent ; à quoi ils m’ont paru fort insensibles, et toutes les offres qui ont tendu à cela ont été très-mal reçues. Il y a de l’esprit et de la fermeté dans leurs sentiments. Us se sont regardés comme des hommes perdus et déshonorés, s’ils paraissaient si promptement consentir à une entière dépouille de leur maître. Il faut que ce soit le temps qui fournisse les occasions d’obtenir ce que Sa Majesté désire. Ces raisons si subtiles et si pressantes sans leur donner de relâche, n’ont pu leur paraître qu’un prétexte pour les opprimer. »
Pour adoucir et remettre un peu ces gens-là, dit-il, qu’on a fort effarouchés, Catinat fait proposer au roi de les désavouer officiellement, M. de Boufflers et lui, et de faire dire par l’abbé Morel qu’ils ont trop pris sur eux et dépassé leurs instructions par trop de zèle. On suit ce conseil : pourtant l’affaire se continue avec instance, et l’on désire à Versailles que, nonobstant tous les désaveux, et coupant court à toutes les négociations reprises, Catinat aille de l’avant, fasse son métier de soldat, et s’empare le plus honnêtement qu’il pourra de la ville et du château que le traité laissait au duc. Mais faire honnêtement une chose peu honnête n’est pas si aisé qu’on croit. Le gouverneur et commandant des troupes du duc, le marquis de Gonzague, est un homme d’esprit et qui ne se laisse pas jouer. Comme Catinat diffère, hésite, demande et attend de nouveaux ordres pour consommer cette petite iniquité, Louvois s’impatiente et lui répond (2 janvier 1682) :
« J’avais toujours espéré qu’après avoir lu la lettre de l’abbé Moréi, par laquelle il vous a dû apprendre que c’est par commandement exprès de Sa Majesté qu’il a sollicité M. de Mantoue d’envoyer ordre au marquis de Gonzague de vous remettre le château ; vous n’auriez pas hésité à lui en demander l’exécution. Cependant je vois avec beaucoup de surprise que vous attendiez les ordres de Sa Majesté, sur quoi vous êtes d’autant moins excusable que, si vous aviez cru avoir besoin desdits ordres, vous n’auriez pas dû manquer de l’écrire par un courrier exprès, qui vous en aurait apporté la réponse en huit ou neuf jours… Quoique j’espère que les dépêches qui vous ont été remises par le courrier La Neuville, il y a plus de quatre jours, vous auront porté à demander audit marquis l’entrée dudit château, je ne laisse pas de vous dépêcher ce courrier exprès pour vous témoigner la mauvaise satisfaction que le roi a du retardement que vous avez apporté, etc… »
Louis XIV, pas plus que Napoléon, n’aimait qu’on se le fît dire deux fois ni qu’on lui
fît répéter un ordre. Malgré cette rude semonce d’un ministre ami et ces gronderies
passagères, qui n’étaient qu’un coup d’éperon, on était, d’ailleurs, fort satisfait de
Catinat. Il sut, dans le cas présent, exécuter les volontés impérieuses du maître sans
faire d’éclat, et s’accommoder encore avec le marquis de Gonzague, de manière à sauver
quelque apparence et à ménager sa délicatesse. Dans une mission de ce genre, où il
fallait des coups de main improvisés et peu corrects, on éprouvait sans doute, à
Versailles, l’inconvénient d’avoir pour instrument un homme à scrupules ; mais on avait
aussi les avantages d’avoir dans un guerrier ferme un bon esprit, sage, respectant les
mœurs et les usages des populations, ménageant les amours-propres, équitable, soigneux
d’alléger les charges et de tempérer les rigueurs d’une occupation étrangère, sachant
maintenir la discipline dans ses troupes, leur procurer des occupations, des
divertissements même, sans licence et sans ennui ; assez habile pour aller, suivi de
tous ses officiers, demander à l’évêque de Casal la permission de faire gras en carême,
ce qui fut fort goûté des habitants, mais résistant d’autre part à toute ingérence
ultramontaine au sein de sa garnison, et disant : « Je veux rester autant qu’il
est possible dans nos mœurs. »
J’en ai dit assez pour montrer déjà la réunion
de qualités précieuses et rares qui firent de Catinat le plus admirable officier de
guerre, si elles n’en devaient pas faire précisément un grand général.