(1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »
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(1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

Histoire de la littérature anglaise
par M. Taine
(suite)

I.

L’Histoire de la Littérature anglaise est un livre qui se tient d’un bout à l’autre : il a été conçu, construit, exécuté d’ensemble ; les premiers et les derniers chapitres se répondent. Cette barbarie, cette demi-civilisation saxonne, croisée d’habileté et de finesse normande, le tout enfermé, tassé dans son île, travaillé, trituré, pétri et mûri durant des siècles, selon ce que l’auteur nous a si bien fait voir, se retrouve, dans la conclusion, à l’état de la plus forte, de la plus solide, de la plus sensée, de la mieux tenue, de la mieux pondérée, de la plus positive et de la plus poétique des nations libres. Tous les grands monuments littéraires, toutes les œuvres significatives qui témoignent des diverses étapes et des progrès de cette civilisation, ont été interrogés et décrits dans l’intervalle depuis le premier chantre barbare et déjà biblique, le joueur de harpe Cœdmon, jusqu’à lord Byron.

On n’a que des témoignages abrupts et fragmentaires jusqu’après la conquête normande et jusqu’à l’époque de formation de la nouvelle langue. La conquête de l’Angleterre par les Normands (1066) est la dernière en date des grandes invasions territoriales qui ont précédé partout le Moyen-Age, et le Moyen-Age était déjà commencé partout ailleurs quand elle eut lieu ; la langue, et partant la littérature anglaise qui en devait sortir, se trouva ainsi en retard sur les autres littératures du continent, particulièrement sur la française : elle s’inspira, elle s’imprégna d’abord de celle-ci, et elle n’acquit qu’avec le temps son juste tempérament, sa saveur propre. Chaucer, le premier en date des poètes et conteurs anglais, est un disciple des trouvères et auteurs de fabliaux : il y joint pourtant, dans le tour et la façon, quelque chose de bien à lui ; il a déjà de ce qu’on appellera l'humour et une grande vivacité naturelle de description : on l’a heureusement comparé à une riante et précoce matinée de printemps. Ce qui est à remarquer de bonne heure dans les plus anciennes productions de nos voisins, c’est comme le caractère saxon tient ferme et résiste en matière de langue et de littérature, de même que pour la Constitution politique ; il conserve ses goûts, ses traditions, son accent et son vocabulaire sous les couches brillantes superficielles. Comparant les ballades de Robin Hood à nos fabliaux et les opposant à ce qui est d’origine française, M. Taine fait bien sentir la différence des deux esprits, des deux races que la conquête normande n’a nullement confondues :

« Qu’est-ce qui amuse le peuple en France ? Les fabliaux, les malins tours de Renart, l’art de duper le seigneur Ysengrin, de lui prendre sa femme, de lui escroquer son dîner, de le faire rosser sans danger pour soi et par autrui, bref le triomphe de la pauvreté jointe à l’esprit, sur la puissance jointe à ta sottise ; le héros populaire est déjà le plébéien rusé, gouailleur et gai, qui s’achèvera plus tard dans Panurge et Figaro… »

Au lieu de cela, au lieu de ces tours d’écoliers qui remontent si haut, de ces friponneries de Villon et de Patelin, qui font tant rire chez nous le vilain et le populaire, qu’est-ce qui réjouit le peuple anglais et le distrait de tout, même du sermon ? C’est le joyeux forestier en révolte et le roi des braconniers Robin Hood, le vaillant compère, qui n’est jamais plus en gaieté, ni plus d’humeur à jouer de l’épée ou du bâton que quand le taillis est brillant et que l’herbe est haute :

« Robin Hood, c’est le héros national ; saxon d’abord et armé en guerre contre les gens de loi, « contre les évêques et archevêques » ;… généreux de plus, et donnant à un pauvre chevalier ruiné des habits, un cheval et de l’argent pour racheter sa terre engagée à un abbé rapace ; compatissant d’ailleurs et bon envers le pauvre monde, recommandant à ses gens de ne pas faire de mal aux yeomen ni aux laboureurs ; mais par-dessus tout hasardeux, hardi, fier, allant tirer de l’arc sous les yeux du shérif et à sa barbe, et prompt, aux coups, soit pour les embourser, soit pour les rendre. »

Partout, d’un bout à l’autre, dans tout ce livre de M. Taine respire le sentiment de ce qu’il y a là-bas de robuste, de solide, de gaillard, de gai, de succulent, de loyal et d’honnête jusque dans la violence et l’excès de la force. Cela est et sera vrai en Angleterre depuis Robin Hood jusqu’à lord Chatham, jusqu’à Junius, et même lorsqu’il y aura élégance et belles manières de salon au xviiie  siècle, quand il y aura assaut, de nous à eux, de conversations et de mots piquants, nos beaux esprits en renom, nos Nivernais, nos Boufflers leur paraîtront bien minces, bien émoussés, éreintés et fades, auprès de leurs joyeux vivants à saillies éclatantes et à haute verve (high spirits) : demandez plutôt à ce juge équitable et qui savait si bien les deux sociétés, à Horace Walpole.

Pope, que je goûte plus que ne fait M. Taine, parce que je ne l’étudie pas simplement au point de vue de la race, distinguait les diverses époques de la poésie anglaise par quatre noms, quatre fanaux lumineux : Chaucer, Spenser, Milton et Dryden. Entre Spenser et Milton, il faut placer Shakespeare à la tête de sa puissante pléiade dramatique. Pope lui-même mériterait de donner le nom à une sixième époque, et la septième, l’époque moderne, proclame Byron le premier entre tant d’autres par l’éclat et par l’essor. Mais ce n’est plus avec des noms et des individus qu’on écrit maintenant l’histoire des poésies et des littératures ; l’individu brillant et de génie n’est que le porte-étendard et le porte-voix, l’assembleur d’une quantité de sentiments et de pensées qui flottaient et circulaient vaguement autour de lui. Je ne dirai pas avec un poète de nos jours et des plus originaux : « Qu’est-ce qu’un grand poète ? C’est un corridor où le vent passe. » Non, le poète n’est pas une chose si simple, ce n’est pas une résultante ni même un simple foyer réflecteur : il a son miroir à lui, sa monade individuelle unique. Il a son nœud et son organe à travers lequel tout ce qui passe se transforme et qui, en renvoyant, combine et crée ; mais le poète ne crée qu’avec ce qu’il reçoit. C’est en ce point, je pense, que je redeviens tout à fait d’accord avec M. Taine.

Son livre, dans sa composition, a l’avantage de mettre surtout en lumière les parties les plus difficiles et les plus ardues, les hautes époques antérieures de la littérature anglaise : la Renaissance y est admirablement traitée. La Renaissance, en Angleterre, ne se comporta point comme chez nous ; elle ne mit pas fin brusquement au Moyen-Age ; elle ne produisit point un sens-dessus-dessous dans l’art, dans la poésie, dans le drame, une inondation destructive ; elle trouva un fonds riche, solide, résistant comme toujours : elle le recouvrit par places et s’y mêla en se combinant. M. Taine nous fait comprendre et presque aimer, à la façon éprise et enivrée dont il en parle, les premiers moteurs et les héros de cette Renaissance littéraire anglaise : en prose, Philippe Sidney, ce d’Urfé antérieur au nôtre ; en poésie, Spenser, le féerique, qu’il admire au-delà de tout. À le décrire et à le dépeindre comme il fait, il semble nager en plein lac et voguer comme un cygne dans son élément. Il aime, en effet, la force jusque dans la grâce ; il ne hait pas la surabondance et l’excès. Il pourra étonner les Anglais eux-mêmes par cette vivacité d’impression qui se confie résolument en sa propre lecture. M. Taine a tout le courage de ses jugements. Il n’élude rien, il ne se soucie de rien que de son objet. Il se porte à l’auteur qu’il lit, directement, avec toute sa vigueur d’esprit, et y puise une impression nette et ferme, de première main, de première vue (facie ad faciem) ; il en tire une conclusion qui jaillit de source, qui bouillonne et déborde. Cela le mène en certains cas à dépasser les jugements convenus, à en briser de consacrés ou à en introduire de neufs, au risque de surprendre et de heurter ; peu lui importe ! il va son droit chemin et ne prend pas garde. Il abaisse ou il élève, selon ce qu’il a senti : il méprisera Butler pour son Hudibras si vanté ; il exaltera Bunyan le fanatique pour son Voyage du pèlerin. Quand je dis qu’il l’exalte, je vais trop loin : il le décrit lui et son œuvre, mais il les décrit de telle sorte que sa parole rend le tableau à vous en faire venir l’impression au vif et jusqu’à la peau.

Dans ses descriptions ou analyses pittoresques, son style serré, pressé, procédant par séries, par rangées et enfilades, à coups denses et répétés, par phrases et comme par hachures courtes, aiguës, qui récidivent, a fait dire à un critique de l’ancienne école qu’il lui semblait entendre la grêle rude et drue tombant et sautant sur les toits :

Tam multa in tectis crepitans salit horrida grando.

Ce style produit sur l’esprit, à la longue, une impression certaine, inévitable, qui va quelquefois jusqu’aux nerfs. Ici, l’homme de science et l’homme de verve ont à se garder de donner quelque fatigue à l’homme de goût.

Je le sais, la doctrine du trop, de l’exagération dite légitime, de la monstruosité même, prise pour marque du génie, est à l’ordre du jour : je demande à n’en être que sous toute réserve ; j’habite volontiers en deçà, et j’ai gardé de mes vieilles habitudes littéraires le besoin de ne pas me fatiguer et même le désir de me plaire à ce que j’admire.

Lui, la force et la grandeur lui vont, et il s’y attache avec une visible complaisance. Il a excellé à nous rendre le théâtre anglais du xvie  siècle, cette scène et cet auditoire tumultueux, mélangés, faits l’un pour l’autre, cette pléiade de vigoureux dramaturges dont Shakespeare n’a été que le plus grand et qui compte les Marlowe, les Massinger, les Ford, les Webster et autres. Objet de récentes études chez nous et d’une louable émulation de travaux19, ils n’ont nulle part été expliqués et exprimés aussi énergiquement que chez M. Taine : il les remet sur pied et comme vivants, en pleine action. Ses traductions qui font corps avec son texte sont le suc même des originaux, la chair et le sang de leurs drames.

Je livre aux admirateurs-connaisseurs de Shakespeare son explication particulière de ce génie et de la faculté maîtresse qu’il lui reconnaît, « l’imagination ou la passion pure ». Pour moi, je l’avouerai, ces sortes d’explications sur de grands génies pris dorénavant comme types absolus et symboles, non pas précisément surfaits, mais généralisés de plus en plus et comme élevés en idée au-dessus de leur œuvre, si forte et si grande déjà qu’elle soit en elle-même, ces considérations chères à la haute critique moderne restent à mes yeux nécessairement conjecturales ; ce sont d’éternels problèmes qui demeurent au concours et où l’on revient s’essayer de temps à autre : chacun, à son tour, y brise une lance. Il est bon, en effet, que chaque critique qui s’applique de près à l’un de ces maîtres-génies et qui aspire à l’étreindre dise son mot en toute franchise, se juge lui-même en jugeant, et que toute explication sorte et s’épanouisse. À vrai dire, ce sont moins encore des explications que des épreuves : c’est du moins la plus noble et la plus généreuse des disputes pour la race future, un tournoi perpétuel autour des grands esprits.

Les prosateurs de la Renaissance, dont Bacon est le plus célèbre, mais dont quelques autres ont repris depuis peu faveur et ont obtenu un riche regain de renommée, trouvent une juste place dans le livre de M. Taine et s’y encadrent avec saillie. Robert Burtonr auteur de l’Anatomie de la Mélancolie, Thomas Browne, un érudit non moins bizarre, chercheur encyclopédique et poétique, nous sont définis de manière à ne plus être oubliés. Ce dernier, Browne, en même temps qu’il est moderne et encourageant par certaines de ses vues, a des retours d’une belle tristesse et d’un profond scepticisme sur les naufrages du passé :

« L’injuste oubli, dit-il, secoue à l’aveugle ses pavots, et traite la mémoire des hommes sans distinguer entre leurs droits à l’immortalité. Qui n’a pitié du fondateur des Pyramides ? Érostrate vit pour avoir détruit le temple de Delphes, et celui-là qui l’a bâti est presque perdu. Le temps a épargné l’épitaphe du cheval d’Adrien, et anéanti la sienne… Tout est folie, vanité nourrie de vent. Les momies égyptiennes, que Cambyse et le temps ont épargnées, sont maintenant la proie de mains rapaces. Mizraïm guérit les blessures, et Pharaon est vendu pour fabriquer du baume… Le plus grand nombre doit se contenter d’être comme s’il n’avait pas été et de subsister dans le livre de Dieu, non dans la mémoire des hommes. Vingt-sept noms font toute l’histoire des temps avant le Déluge, et tous les noms conservés jusqu’aujourd’hui ne font pas ensemble un seul siècle de vivants… »

Pensée mémorable et qu’il faut répéter, même en présence du légitime orgueil de la science, reconquérant par lambeaux le passé, mais par lambeaux seulement. Oui, même en sortant de lire, hier encore, l’intéressant et lumineux rapport de M. de Rougé sur les antiquités égyptiennes et sur ces quelques noms de plus arrachés à l’oubli, je ne pouvais m’empêcher de me redire cette parole. Que de lacunes, en effet, hors de toute proportion avec ce qu’on sait et ce qu’on saura jamais ! que de trouées immenses, irréparables ! Hasard, Hasard, si l’on veut rester vrai, on ne fera jamais ta part assez grande, ni l’on ne donnera jamais les coups de canif assez profonds dans toute philosophie de l’histoire.

II.

Le plus beau et le plus compliqué génie poétique de l’Angleterre, Milton, est apprécié et développé par M. Taine comme, à ma connaissance, il ne l’avait pas été encore : il n’apparaît qu’à son moment et après un tableau caractérisé de la Renaissance chrétienne, de ce puritanisme dont il est la fleur suave et douce et la couronne sublime, bien qu’un peu bizarre. Sa complexité morale, son unité, les contradictions qu’il assemble et qu’il coordonne en lui, sa stabilité d’âme et de génie, tout cela est peint, analysé, reproduit en plus de cent pages qui sont des plus belles par la pensée comme par le ton, et tout à fait à la hauteur de leur objet ; j’en détache quelques traits décisifs :

« La science immense, la logique serrée et la passion grandiose, voilà son fond. Il a l’esprit lucide et l’imagination limitée. Il est incapable de trouble, et il est incapable de métamorphoses. Il conçoit la plus haute des beautés idéales, mais il n’en conçoit qu’une. Il n’est pas né pour le drame, mais pour l’ode. Il ne crée pas des âmes, mais il construit des raisonnements et ressent des émotions. Émotions et raisonnements, toutes les forces et toutes les actions de son âme se rassemblent et s’ordonnent sous un sentiment unique, celui du sublime, et l’ample fleuve de la poésie lyrique coule hors de lui, impétueux, uni, splendide comme une nappe d’or…

« Il a été nourri dans la lecture de Spenser, de Drayton, de Shakespeare, de Beaumont, de tous les plus éclatants poëtes, et le flot d’or de l’âge précédent, quoique appauvri tout alentour et ralenti en lui-même, s’est élargi comme un lac en s’arrêtant dans son cœur…

« Tout jeune encore et au sortir de Cambridge il se portait vers le magnifique et le grandiose ; il avait besoin du grand vers roulant, de la strophe ample et sonnante, des périodes immenses de quatorze et de vingt-quatre vers. Il ne considérait point les objets face à face, et de plain-pied, en mortel, mais de haut comme les archanges… Ce n’était point la vie qu’il sentait, comme les maîtres de la Renaissance, mais la grandeur, à la façon d’Eschyle et des prophètes hébreux, esprits virils et lyriques comme le sien, qui, nourris comme lui dans les émotions religieuses et dans l’enthousiasme continu, ont étalé comme lui la pompe et la majesté sacerdotales. Pour exprimer un pareil sentiment, ce n’était pas assez des images et de la poésie qui ne s’adresse qu’aux yeux ; il fallait encore des sons, et cette poésie plus intime qui, purgée de représentations corporelles, va toucher l’âme : il était musicien et artiste ; ses hymnes s’avançaient avec la lenteur d’une mélopée et la gravité d’une déclamation…

« Il fait comprendre ce mot de Platon, son maître, que les mélodies vertueuses enseignent la vertu… »

Et ce mot encore : « Les paysages de Milton sont une école de vertu. »

La vertu de Milton s’était accommodée de Cromwell. On se demande comment ? Je tâcherai d’y répondre.

C’est que Cromwell n’était pas, ne fut d’abord ni jamais ce que nous sommes habitués à le voir à travers Bossuet et d’après nos pensées de réaction monarchique, que nous gardons pour les autres, lors même que nous les avons secouées pour nous. Cromwell fut longtemps le rempart de tout ce qu’il y avait d’énergique, de vertueux, de religieux, d’intègre, de radicalement anglais dans la nation.

Milton, qui de loin nous paraît isolé, ne fut pas le seul poète de son bord qui le célébra, et en y regardant bien, on verrait aussi que, s’il n’y eut pas pléiade autour de Milton comme autour de Shakespeare, à cause de l’orage des temps, il y eut pourtant d’autres poètes énergiques, ses émules et ses rivaux.

Il existe une ode d’Andrew Marwell20 qui appartient au même mouvement de renaissance chrétienne et patriotique. Elle est dans la forme et presque dans le rythme des odes d’Horace lorsqu’il célèbre Auguste au retour de quelque victoire : elle a pour sujet et pour thème le retour de Cromwell de son expédition d’Irlande en cette mémorable année 1649, qui fut le 93 de l’Angleterre ; elle prédit les exploits de l’année suivante et nous montre Cromwell empressé d’accomplir son destin, bien qu’encore soumis aux lois. Jamais le feu de l’enthousiasme pour la chose publique, jamais la grandeur et la terreur qu’inspirent ces grands sauveurs révolutionnaires, hommes de glaive et d’épée, ne trouvèrent de plus vibrants et de plus vrais accents s’échappant à flots pressés d’une poitrine sincère :

« C’est folie, s’écrie le poète, de braver ou d’accuser l’éclair et la foudre du Ciel irrité : et, à parler franc, beaucoup est dû à cet homme qui, de l’enclos de ses vergers domestiques, où il vivait retiré et austère comme si son plus profond dessein eût été de planter ses poiriers et de greffer sa bergamote, a su par son industrieuse valeur gravir et s’élever jusqu’à ruiner l’œuvre antique des temps et à jeter ces vieux royaumes dans un nouveau moule. »

On sent ici comme la réalité anglaise et la franchise du ton se contiennent mal sous l’imitation classique, comme elles percent et crèvent en quelque sorte l’enveloppe d’Horace.

Le poète compare Cromwell encore modeste, selon lui, et fier seulement d’obéir à la République et aux Communes, au généreux oiseau de proie, docile au chasseur, et qui n’ensanglante les airs que pour lui : « Ainsi, quand le faucon s’abat pesamment des hauteurs du ciel, une fois sa proie mise à mort, il ne pense plus qu’à percher sur la branche verte voisine où, au premier appel, le fauconnier est sûr de le trouver. » Ainsi la République est sûre de son Cromwell. — Rapprochez cette ode du généreux et fervent sonnet que Milton adressait à Cromwell vers le même temps :

« Cromwell, notre chef d’hommes, qui, à travers un nuage non seulement de guerre, mais de détractions violentes et de calomnies, guidé par la foi et par une fortitude incomparable, as enfoncé ton glorieux sillon vers la paix et la vérité !… de nouveaux ennemis s’élèvent, menaçant de lier nos âmes avec des chaînes séculaires ; aide-nous à sauver notre libre conscience des ongles des loups mercenaires qui pour tout Évangile ont leur panse. »

C’est le même sentiment que chez Marwell, plus héroïque et plus martial chez celui-ci, plus purement chrétien chez Milton. Cromwell, je le répète, était, en effet, le boulevard et le bouclier de tous les hommes de conscience et de libre foi. On ne juge pas incidemment un tel homme : c’est un des plus compliqués et des plus complets en son genre, le plus complet peut-être et le plus carré par la base qu’il y ait eu. Chateaubriand a dit de lui « qu’il avait du prêtre, du tyran, du grand homme » : il ajoute « qu’il ruina les institutions qu’il rencontra ou qu’il voulut donner, comme Michel-Ange brisait le marbre sous son ciseau ». Cromwell ne brisa pas le caractère de la nation ; il le pétrit, il le cimenta et le consolida. C’est encore mieux qu’un code et qu’une législation qu’on lui dut ; il a fondé une politique. Il a préparé les éléments d’une révolution glorieuse et définitive (1688) ; seul il a rendu possible, à l’heure dite, le triomphe régulier des patriotes de cette époque. Plus qu’aucun roi de ce royaume, Mylord protecteur a contribué à faire passer le caractère hautain de la nation dans sa politique extérieure, à faire d’elle ce qu’elle se vanta d’être si longtemps, l’arbitre et la modératrice des tempêtes, la souveraine des mers (celsa sedet Æolus arce). Il a porté le défi au monde, non seulement comme régicide, mais comme Anglais. Son caractère sombre, triste ou grossièrement gai, la teinte de fanatique et de visionnaire dont il s’est revêtu et qui recouvre le noyau solide, qui dissimule à des yeux superficiels le bon sens le plus sain et le mieux équilibré, tout le sépare des figures héroïques qui sont de nature à séduire le génie français : il n’en est que plus foncièrement d’accord avec le génie de sa race ; il en est comme l’incarnation énergique. Nul ne s’est incrusté plus profondément dans la grandeur anglaise. C’est assez et trop parler de lui pour le moment, mais Milton est mon excuse ; Milton fut son poète.

Après Milton, Dryden, le multiple, le fécond, le flexible, l’inégal, l’homme de transition et d’entre-deux, le premier en date des classiques, mais large encore et puissant, n’a pas trop à se plaindre de M. Taine : le critique nous fait bien comprendre cette vie mélangée, besogneuse, et ce talent qui va un peu au hasard comme la vie, mais ample, abondant, imaginatif, et qu’une sève vigoureuse anime, qu’une veine de copieuse poésie nourrit et arrose.

C’est plutôt le grand poète de l’âge suivant, c’est le classique dans toute sa correction et sa concise élégance, c’est Pope qui n’a pas à se louer de M. Taine ; et puisqu’il faut bien, sous peine de monotonie, varier la louange par quelque chicane, je me permettrai de venir le contrarier un peu sur ce point.

III.

Non pas que ce soit l’élégance même et la politesse qui déplaisent à M. Taine dans la personne et dans le talent de Pope ; car nul n’apprécie mieux que lui Addison, le premier type de l’urbanité anglaise, en tant qu’il y a urbanité : il juge excellemment Addison et son genre moyen, discret, moral, bienséant, ce Quod decet que le premier il enseigna à ses compatriotes ; il rend toute justice aux divers personnages si bien esquissés dans son Spectateur, et qui sont si anglais toujours de physionomie. Mais, en ce qui est de Pope, M. Taine ne fait pas cet effort qu’il convient à l’historien littéraire d’exercer au besoin sur lui-même et contre lui-même, et il nous présente, avec une défaveur et une déplaisance marquées, ce poète réputé si longtemps le plus parfait de sa nation et que Byron saluait comme tel encore.

Il n’y a rien de plus aisé que de faire de Pope une caricature ; mais rien n’est plus injuste que de prendre d’excellents esprits par leurs défauts uniquement et par les petits côtés ou les côtés faibles de leur nature. Ne faut-il voir d’abord dans Pope « qu’un nabot, haut de quatre pieds, tortu, bossu, maigre, valétudinaire, et qui, arrivé à l’âge mûr, ne semble plus capable de vivre ? » Convient-il d’abuser tout aussitôt contre son esprit charmant de ses infirmités corporelles et de dire : « Il ne peut se lever ; c’est une femme qui l’habille ; on lui enfile trois paires de bas les unes par-dessus les autres, tant ses jambes sont grêles ; puis on lui lace la taille dans un corset de toile roide, afin qu’il puisse se tenir droit, et par-dessus on lui fait endosser un gilet de flanelle… » Ce n’est pas moi qui blâmerai un critique de nous indiquer, même avec détail, la physiologie de son auteur et son degré de bonne ou mauvaise santé, influant certainement sur son moral et sur son talent ; le fait est que Pope n’écrivait point avec ses muscles et ne se servait que de son pur esprit. Je ne suis choqué, dans la description que j’ai citée et que j’abrège, que du choix des mots, de la façon rude, désobligeante, dont on le traite, et qui tend à le ridiculiser dans l’esprit du lecteur. Laissons cette manière à ceux qui ne tiennent qu’à amuser en écrivant ou qui se livrent à leurs antipathies sans y prendre garde. Si l’on avait connu Horace, il eût été possible, je le crois, de faire de lui quelque caricature ; car il était très-petit de taille, et, vers la fin, replet à outrance. Encore une fois, revenons au vrai, et à ce vrai littéraire qui n’oublie jamais l’humanité, et qui implique une sorte de sympathie pour tout ce qui en est digne ; si nous sommes justes pour l’ex-chaudronnier Bunyan qui, dans ses visions fanatiques, a fait preuve de force et d’imagination, n’écrasons point d’autre part cette gentille et spirituelle créature, cette quintessence d’âme, cette goutte de vif esprit dans du coton, Pope. Ne le rudoyons pas et, en le prenant par la main pour le faire asseoir dans notre fauteuil médical et quasi anatomique, ayons attention (s’il vivait encore) à ne pas le faire crier. J’aimerais en littérature à proportionner toujours notre méthode à notre sujet et à entourer de soins tout particuliers celui qui les appelle et qui les mérite.

L’histoire naturelle de Pope est bien simple : les délicats, a-t-on dit, sont malheureux, et lui il était deux fois délicat, délicat d’esprit, délicat et infirme de corps ; il était deux fois irritable. Mais que de grâce, que de goût, quelle promptitude à sentir, quelle justesse et quelle perfection en exprimant !

Il est vrai qu’il fut précoce : est-ce un crime ? Tout enfant, doué d’un doux regard, doué surtout de la plus douce voix, on l’appelait « le petit rossignol ». Ses premiers maîtres furent insignifiants ; ce fut lui qui s’éleva lui-même ; à douze ans il apprenait le latin et le grec, concurremment, et presque sans maître ; à quinze, il résolut d’aller à Londres, d’y apprendre le français et l’italien, de manière à lire les auteurs. Sa famille, retirée du commerce et catholique, habitait, à ce moment, une propriété dans la forêt de Windsor. On prit cette envie de sa part pour un caprice bizarre, car sa santé dès lors ne lui permettait guère de se déplacer. Il persista et il vint à bout de son projet ; il apprit presque tout ainsi de lui-même, allant à son gré à travers les auteurs, se faisant tout seul sa grammaire, et son plaisir était de traduire en vers les plus beaux passages qu’il rencontrait chez les poètes grecs ou latins. Vers l’âge de seize ans son goût était formé, disait-il, autant qu’il le fut plus tard.

Je ne vois rien à tout cela de ridicule ni qui ne fasse honneur à ce jeune et fertile esprit. S’il existe telle chose que le tempérament littéraire, il ne se dessina jamais chez personne d’une manière plus caractérisée et plus nettement définie que chez Pope. On est ordinairement classique par le fait de la discipline et de l’éducation : lui, il le fut par vocation, pour ainsi dire, et par une naturelle originalité. En même temps que les poètes, il lisait les meilleurs d’entre les critiques et se préparait à dire son mot après eux. Il eut de bonne heure du goût pour Homère et le lisait dans l’original ; après Virgile, c’était Stace entre les Latins qu’il aimait le mieux. Il préférait dès lors le Tasse à l’Arioste, préférence qu’il garda toujours.

Il dut à sa condition de papiste de n’être point élevé dans les universités et de ne point passer par la voie commune et par les méthodes ordinaires.

Sa précocité comme auteur le mit en rapport dès l’adolescence avec des poètes et des personnages en renom. Il ne fit pourtant que voir Dryden : celui-ci mourut en mai 1701, quand Pope allait avoir douze ans. Mais le merveilleux enfant avait pris de lui, en le lisant, une si haute et si chère idée, qu’il obtint de quelques amis qu’on le menât dans le café que fréquentait Dryden, et il revint tout heureux de l’avoir vu. Il put se dire comme Ovide : Virgilium vidi tantum… Il ne parlait jamais de cet illustre devancier, sans une entière révérence et en se défendant de toute idée de rivalité. « J’ai appris, disait-il, tout l’art des vers de la seule lecture des œuvres de Dryden, et, lui-même, il eût sans doute mené cet art à sa dernière perfection, s’il avait été moins commandé par la nécessité. » Pope avait ce signe caractéristique des natures littéraires, le culte fidèle du génie.

S’il haïssait trop les sots auteurs et les méchants poètes, il n’en admirait que mieux les bons et les grands. Il avait du Malherbe et du Boileau réunis en lui ; importation hardie, transplantation toute nouvelle en si libre terre.

Exposé à bien des périls dans son enfance et plus d’une fois en danger de mort par accident ou par suite de sa fragilité de complexion et de nature, on a conservé des preuves touchantes de sa tendre et durable reconnaissance pour ceux qui lui avaient porté intérêt ou qui avaient contribué à le sauver. Quoi qu’on ait pu dire de son irritabilité de critique et des excès regrettables où elle le porta, il avait une âme humaine et faite pour l’amitié. Quelques faits qu’on a essayé de produire après sa mort, pour le noircir, ont été depuis expliqués à son honneur : l’ensemble de son œuvre parle pour lui.

Averti de bonne heure par un ami, le poète Walsh, qu’il connut vers l’âge de quinze ans, il se dit qu’après tout ce qui avait été fait en poésie il n’y avait plus qu’une voie qui lui était laissée pour exceller. « Il y a eu plusieurs grands génies jusqu’ici, lui disait Walsh, mais nous n’avons pas eu encore un grand poète qui fût à la fois correct ! soyez ce poète-là. » Pope suivit le conseil, et toute sa vie, qui dura cinquante-six ans, fut consacrée à cette étude et à ce noble but qu’il sut atteindre et remplir.

Les soins qu’il prenait pour cela et pour se rendre capable, avec sa santé chétive, de cette tâche difficile et immortelle, peut-on lui en faire un reproche et un tort ? Oui, il était attentif à tout, même dans la conversation ; oui, quand une pensée, une expression heureuse, délicate ou vive, passait devant lui ou lui venait à l’esprit, il était empressé à la recueillir : toujours inquiet du mieux et de l’excellent, il l’amassait goutte à goutte et n’en laissait volontairement distraire aucune parcelle ; il s’y consumait, il se relevait la nuit quand il le fallait, et, comme il ne pouvait se servir seul, il faisait relever son monde, même en hiver, pour écrire une pensée qu’il craignait de perdre, et qui lui aurait échappé au réveil ; car plus d’une de nos pensées, et des meilleures, sont souvent noyées et englouties à jamais entre deux sommeils, comme les Égyptiens dans la mer Rouge. Sourions, je le veux bien, de ces soins excessifs, de cette curiosité fébrile et parcimonieuse, mais sourions-en avec indulgence et comme il sied à des esprits humanisés aux Lettres et qui en ont connu eux-mêmes la douce manie. N’ayons pas deux poids et deux mesures.

Vous admirez Balzac ; vous le citez plus d’une fois, vous l’introduisez volontiers au milieu de ces auteurs anglais, et même là où il n’a que faire : je le prends donc comme un exemple, à vous familier. Je me rappelle d’intéressantes révélations que j’entendais faire un jour sur sa préoccupation étrange et son égoïsme d’auteur en composant. Combien de fois, au milieu de la nuit, Balzac n’arriva-t-il pas au lit de Jules Sandeau endormi et qui vivait alors sous le même toit ! Il le réveillait sans pitié, en sursaut, pour lui montrer et lui lire dare dare ce qu’il venait de produire tout chaud encore et tout fumant. Car il habitait dans son œuvre comme dans un antre de Vulcain, où il forgeait et frappait à coups redoublés sur l’enclume ; et, durant tout ce temps-là, le monde extérieur n’existait pas pour lui. Vous lui parliez de votre mère, de votre sœur, de votre maîtresse : « Allons, disait-il, c’est très-bien, mais revenons à la réalité… Que ferons-nous de Nucingen, de la duchesse de Langeais ?… » Il avait retourné la vie ; la réalité pour lui était le rêve. Un jour que Jules Sandeau revenait de son pays natal où il avait assisté à une perte cruelle, à la mort d’une sœur, Balzac le revoyant et après les premières questions sur sa famille, lui dit tout à coup comme en se ravisant : « Allons, assez de raisonnement comme cela, revenons aux choses sérieuses. » Il s’agissait de se remettre au travail et, je le crois, au Père Goriot.

On trouvera cela beau peut-être au point de vue de l’inspiration et de la verve ; c’est original du moins, et on y doit admirer une faculté de transposition singulière et puissante. Eh bien ! en sortant de l’ordre de création, de cette création aveugle et un peu fumeuse, en daignant entrer dans la sphère sereine et tempérée des idées morales, des pensées justes, lucides, des réflexions élevées ou fines qui sont proprement l’objet et, comme dirait Montaigne, le gibier des philosophes et des sages, ne raillons pas trop ce curieux et aimable Pope d’avoir écouté si soigneusement la voix de son démon à lui et de son génie, d’avoir prêté l’oreille aux inspirations purement abstraites et spirituelles qui s’élèvent dans la solitude du cabinet ou dans l’entretien à deux quand on se promène en quelque allée de Tibur ou de Tusculum ; et quand l’esprit, tout en restant calme, se sent excité par l’émulation ou la douce contradiction d’un ami, ne nous scandalisons pas si lui-même, venant avec une sorte d’ingénuité nous initier à sa préoccupation littéraire constante, il nous fait la confidence que voici :

« Une fois que Swift et moi nous étions ensemble à la campagne pour quelque temps, il m’arriva un jour de lui dire que si l’on prenait note des pensées qui viennent à l’esprit, à l’improviste, quand on se promène dans les champs ou qu’on flâne dans son cabinet, il y en aurait peut-être quelques-unes qui vaudraient bien celles qui ont été le plus méditées. Et là-dessus, ajoute-t-il, nous convînmes de jeter sur le papier toutes les réflexions spontanées qui nous passeraient ainsi par la tête, tout le temps que nous serions ensemble. Nous le fîmes, et c’est ce qui donna matière aux maximes publiées ensuite dans nos mélanges ; celles de la fin d’un des volumes sont de moi, celles de l’autre volume sont du docteur Swift. »

Ce sont là des passe-temps ingénieux, des jeux de gens d’esprit et de gens de lettres ; on est loin de Shakespeare sans doute et même de Milton ; mais je ne vois rien en tout cela qui prête si fort au ridicule, et dans une Histoire de la littérature, la partie littéraire proprement dite, même en ce qu’elle offre d’un peu calculé et d’artificiel, a droit, ce semble, de trouver place et grâce. C’est ainsi, à la rigueur, que Pline le Jeune et Tacite, se trouvant pour quelque temps ensemble dans la villa du lac de Côme ou en cette maison de Laurentinum qui nous a été si bien décrite, auraient pu, pendant quelques semaines, faire assaut et gageure de philosophie et de morale. La grande époque d’inspiration est passée ; l’époque rassise et de déclin laisse lieu à bien des agréments encore, et même (Tacite et Swift l’ont prouvé) à de la véritable éloquence.

J’ai encore plus d’une chose à dire, et que je crois utile, à propos de Pope. Ce nom qui représente la poésie morale, la poésie correcte et ornée dans tout son fini et dans tout son charme de diction, est pour moi un prétexte et une occasion favorable, on le sent bien, pour maintenir un certain côté trop menacé et qu’on méprise trop aujourd’hui, après lui avoir tout accordé autrefois. La vue historique a tout envahi dans les Lettres : elle domine désormais toute étude, elle préside à toute lecture. Le livre de M. Taine n’est point en ceci combattu par moi : c’est plutôt un supplément que je lui demande et quelques correctifs pour l’avenir. Ce livre d’une critique originale et hardie est comme un arbre venu en pleine terre et qui pousse tous ses rameaux dans le sens et au profit de la sève anglo-saxonne. À ce point de vue, il est sûr que la poésie de Pope doit paraître comme un rameau avorté : c’est la moins anglo-saxonne des poésies anglaises. Ce n’est pas une raison pour la sacrifier en elle-même.

Et en général je dirai : combinons nos efforts, ne les opposons pas et ne détruisons rien, Vous nous invitez, vous nous obligez, à force de talent, à marcher avec vous vers le grand, le fort, le difficile, vers ce que nous n’aurions pas abordé à ce degré sans vous ; mais aussi ne nous supprimez pas nos points de vue habituels et agréables, nos paysages de Windsor et nos jardins de Twickenham. Agrandissons-nous du côté des hautes vallées et des hautes terres, mais gardons aussi nos riants domaines.

En un mot, n’allez pas donner raison à ce pessimiste qui me disait pas plus tard qu’hier encore : « Le moment n’est pas bon pour Pope, et il commence à devenir mauvais pour Horace. »