(1761) Salon de 1761 « Peinture —  Amédée Van Loo  » pp. 139-140
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(1761) Salon de 1761 « Peinture —  Amédée Van Loo  » pp. 139-140

Amédée Van Loo

Baptême de J. C. Il est de 11 pieds, 5 pouces de haut, sur 7 pieds, 4 pouces de large.

Le Baptême de J. C. La Guérison miraculeuse de St Roch ; et les Satyres sont quatre tableaux d’Amedée Vanloo. Les deux de la mythologie chrétienne mauvais ; les deux de la mythologie païenne excellents. Je dirai du Baptême, comme j’ai dit du Sommeil de Joseph ; que l’un est un baptême, comme l’autre est un sommeil. Je vois ici un homme qui dort, là un homme à qui l’on verse de l’eau sur la tête. Toute composition dont on s’en tient à nommer le sujet, sans ajouter ni éloge ni critique, est médiocre. Du même. Guérison miraculeuse de St Roch. Il est de 8 pieds de haut, sur 5 de large.C’est bien pis, quand on cherche le sujet, et qu’après l’avoir appris ou deviné, on s’en tient à dire, comme de la Guérison miraculeuse de St Roch ; c’est un pauvre assis à terre, vis-à-vis d’un ange qui lui dit je ne sais quoi.

Les Familles de satyres. Elles ont chacune 4 pieds, 6 pouces de haut, sur 3 pieds, 6 pouces de large.

En revanche, les deux Familles de satyres me font un vrai plaisir. J’aime ce satyre à moitié ivre, qui semble avec ses lèvres humer et savourer encore le vin ; j’aime ses tréteaux rustiques ; ses enfants ; sa femme qui sourit et se plaît à l’achever. Il y a là-dedans de la poésie, de la passion, des chairs, du caractère.

Est-ce que l’idée de ce tonneau percé par l’autre satyre ; ces jets de vin qui tombent dans la bouche de ses petits enfants étendus à terre sur la paille ; ces enfants gras et potelés ; cette femme qui se tient les côtés de rire de la manière dont son mari allaite ses enfants pendant son absence, ne vous plaît pas [?] Et puis voyez comme cela est peint. Est-ce que ces chairs-là ne sont pas bien vraies [?] Est-ce que tous ces êtres bizarres là n’ont pas bien la physionomie de leur espèce capripède [?]

Il me semble que nos peintres sont devenus coloristes. Les années passées, le Salon avait, s’il m’en souvient, un air sombre, terne et grisâtre. Son coup d’œil, a ce me semble un autre effet. Il approche davantage de celui d’une foire qui se tiendrait en pleine campagne, où il y aurait des prés, des bois, des arbres, des champs, et une foule d’habitants de la ville et de la campagne diversement vêtus et mêlés les uns avec les autres ; comme à la foire de Bezon. Ma comparaison est singulière, mais elle est juste, et je vous jure que nos peintres n’en seraient pas mécontents.

La couleur est dans un tableau, ce que le style est dans un morceau de littérature. Il y a des auteurs qui pensent ; il y a des peintres qui ont de l’idée. Il y a des auteurs qui savent distribuer leur matière ; il y a des peintres qui savent ordonner un sujet. Il y a des auteurs qui ont de l’exactitude et de la justesse. Il y a des peintres qui connaissent la nature et qui savent dessiner. Mais de tous les temps le style et la couleur ont été des choses précieuses et rares. C’est le style qui assure l’immortalité à un ouvrage de littérature ; c’est cette qualité qui charme les contemporains de l’auteur, et qui charmera les siècles à venir. La couleur d’un morceau de peinture passe, et la réputation d’un grand peintre ne se transmet à la postérité que par les qualités que la gravure peut conserver ; et quelquefois la gravure ôte des défauts à un tableau et quelquefois aussi elle lui en donne. S’il y a des statues, par exemple, dans un tableau ; vous ne prendrez jamais ces statues pour des personnages vivants. Elles ne sont jamais équivoques en peinture, sur la toile. Il n’en est pas de même sur le cuivre. Voyez le tableau d’Esther et d’Assuerus peint par le Poussin, et le même morceau gravé par Poilly.