Chapitre VII.
Philippe de Commines et Rollin.
Un chrétien a éminemment les qualités qu’un ancien demande de l’historien…
un bon sens pour les choses du monde et une agréable expression
173.
Comme écrivain de Vie, Philippe de Commines ressemble singulièrement à Plutarque ; sa simplicité est même plus franche que celle du biographe antique : Plutarque n’a souvent que le bon esprit d’être simple ; il court volontiers après la pensée : ce n’est qu’un agréable imposteur en tours naïfs.
À la vérité il est plus instruit que Commines, et néanmoins le vieux seigneur gaulois, avec l’Évangile, et sa foi dans les ermites, a laissé, tout ignorant qu’il était, des mémoires pleins d’enseignement. Chez les anciens, il fallait être docte pour écrire ; parmi nous, un simple chrétien, livré, pour seule étude, à l’amour de Dieu, a souvent composé un admirable volume ; c’est ce qui a fait dire à saint Paul : « Celui qui, dépourvu de la charité, s’imagine être éclairé, ne sait rien. »
Rollin est le Fénélon de l’histoire, et, comme lui, il a embelli l’Égypte et la Grèce. Les premiers volumes de l’Histoire ancienne respirent le génie de l’antiquité : la narration du vertueux recteur est pleine, simple et tranquille ; et le christianisme, attendrissant sa plume, lui a donné quelque chose qui remue les entrailles. Ses écrits décèlent
cet homme de bien dont le cœur est une fête continuelle
174, selon l’expression merveilleuse de l’Écriture. Nous ne connaissons point d’ouvrages qui reposent plus doucement l’âme. Rollin a répandu sur les crimes des hommes le calme d’une conscience sans reproche, et l’onctueuse charité d’un apôtre de Jésus-Christ. Ne verrons-nous jamais renaître ces temps où l’éducation de la jeunesse et l’espérance de la postérité étaient confiées à de pareilles mains !