(1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre V. Sculpture. »
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(1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre V. Sculpture. »

Chapitre V.
Sculpture.

À quelques différences près, qui tiennent à la partie technique de l’art, ce que nous avons dit de la peinture s’applique également à la sculpture.

La statue de Moïse, par Michel-Ange, à Rome ; Adam et Ève, par Baccio, à Florence ; le groupe du vœu de Louis XIII, par Coustou, à Paris ; le saint Denis, du même ; le tombeau du cardinal de Richelieu, ouvrage du double génie de Lebrun et de Girardon ; le monument de Colbert, exécuté d’après le dessin de Lebrun, par Coyzevox et Tuby ; le Christ, la Mère de Pitié, les huit Apôtres de Bouchardon, et plusieurs autres statues du genre pieux, montrent que le christianisme ne saurait pas moins animer le marbre que la toile.

Cependant, il est à désirer que les sculpteurs bannissent à l’avenir de leurs compositions funèbres ces squelettes qu’ils ont placés au monument ; ce n’est point là le génie du christianisme, qui peint le trépas si beau pour le juste.

Il faut également éviter de représenter des cadavres136 (quel que soit d’ailleurs le mérite de l’exécution), ou l’humanité succombant sous de longues infirmités137. Un guerrier expirant au champ d’honneur, dans la force de l’âge, peut être superbe, mais un corps usé de maladies est une image que les arts repoussent, à moins qu’il ne s’y mêle un miracle, comme dans le tableau de saint Charles Borromée138. Qu’on place donc au monument d’un chrétien, d’un côté, les pleurs de la famille et les regrets des hommes ; de l’autre, le sourire de l’espérance et les joies célestes : un tel sépulcre, des deux bords duquel on verrait ainsi les scènes du temps et de l’éternité, serait admirable. La mort pourrait y paraître, mais sous les traits d’un ange à la fois doux et sévère ; car le tombeau du juste doit toujours faire s’écrier avec saint Paul : Ô mort ! où est ta victoire ? qu’as-tu fait de ton aiguillon 139 ?