(1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre IX. Caractères sociaux. — Le Prêtre. »
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(1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre IX. Caractères sociaux. — Le Prêtre. »

Chapitre IX.
Caractères sociaux. — Le Prêtre.

Ces caractères, que nous avons nommés sociaux, se réduisent à deux pour le poète, ceux du prêtre et du guerrier.

Si nous n’avions pas consacré à l’histoire du clergé et de ses bienfaits la quatrième partie de notre ouvrage, il nous serait aisé de faire voir à présent combien le caractère du prêtre, dans notre religion, offre plus de variété et de grandeur que le même caractère dans le polythéisme. Que de tableaux à tracer depuis le pasteur du hameau, jusqu’au pontife qui ceint la triple couronne pastorale ; depuis le curé de ville, jusqu’à l’anachorète du rocher ; depuis le Chartreux et le Trappiste, jusqu’au docte Bénédictin ; depuis le missionnaire et cette foule de religieux consacrés aux maux de l’humanité, jusqu’au prophète de l’antique Sion ! L’ordre des vierges n’est ni moins varié ni moins nombreux : ces filles hospitalières qui consument leur jeunesse et leurs grâces au service de nos douleurs ; ces habitantes du cloître, qui élèvent à l’abri des autels les épouses futures des hommes, en se félicitant de porter elles-mêmes les chaînes du plus doux des époux, toute cette innocente famille sourit agréablement aux Neuf Sœurs de la Fable. Un grand prêtre, un devin, une vestale, une sibylle, voilà tout ce que l’antiquité fournissait au poète ; encore ces personnages n’étaient-ils mêlés qu’accidentellement au sujet, tandis que le prêtre chrétien peut jouer un des rôles les plus importants de l’Épopée.

M. de La Harpe a montré, dans sa Mélanie, ce que peut devenir le caractère d’un simple curé, traité par un habile écrivain. Shakespeare, Richardson, Goldsmith, ont mis le prêtre en scène avec plus ou moins de bonheur. Quant aux pompes extérieures, nulle religion n’en offrit jamais de plus magnifiques que les nôtres. La Fête-Dieu, Noël, Pâques, la Semaine-Sainte, la fête des Morts, les Funérailles, la Messe, et mille autres cérémonies, fournissent un sujet inépuisable de descriptions26. Certes, les Muses modernes qui se plaignent du christianisme n’en connaissent pas les richesses. Le Tasse a décrit une procession dans la Jérusalem, et c’est un des plus beaux tableaux de son poème. Enfin, le sacrifice antique n’est pas même banni du sujet chrétien ; car il n’y a rien de plus facile, au moyen d’un épisode, d’une comparaison ou d’un souvenir, de rappeler un sacrifice de l’ancienne loi.