PETIS DE LA CROIX, [François] Secrétaire Interprete du Roi pour les Langues Orientales, Professeur en Arabe au Collége Royal, mort à Paris en 1713.
Un de ces hommes dont la réputation n’est pas aussi étendue qu’elle devroit l’être, parce que la multitude n’est pas à portée d’apprécier tout leur mérite. Privés des suffrages du vulgaire, ils n’en ont pas moins de droits à la reconnoissance publique.
L’étude des Langues Orientales fut la principale occupation de M. Petis. Il les entendoit parfaitement toutes. Les Idiomes Arabe, Persan, Turc, Tartare, Ethiopien, Arménien, lui étoient aussi familiers que sa propre Langue, & le rendirent capable d’être employé utilement par Louis XIV dans plusieurs négociations. On ne doit pas oublier, à ce sujet, un trait qui fait autant d’honneur à son désintéressement qu’à son habileté. Pressé par les Tripolitains d’interpréter à leur avantage une condition du Traité d’Alger, par laquelle ils étoient obligés à payer deux cent mille écus au profit du Roi de France ; malgré des offres considérables, il soutint que la stipulation portoit que la somme seroit payée en écus de France, & non en écus de Tripoli, ce qui eût causé une diminution très-considérable. Une conduite aussi ferme fait d’autant plus d’honneur à sa mémoire, qu’elle ne fut suivie d’aucune récompense, & que son infidélité, si elle avoït eu lieu, pouvoit être plus difficilement découverte.
Ses travaux littéraires consistent dans des Traductions ; 1°. d’une Histoire de Maroc depuis le septieme Siecle jusqu’au quatorzieme ; 2°. d’une Histoire de toutes les Monarchies Mahométanes, composée par Hussein Effendi Hezarsen, Turc moderne ; 3°. d’un Etat général de l’Empire Ottoman, depuis sa fondation jusqu’au dix-huitieme Siecle, avec l’Abrégé des Vies des Empereurs, d’après un Manuscrit Turc ; enfin, dans celle des Mille & un Jours, Contes Arabes, & c.
On a aussi publié, après sa mort, l’Histoire de Timur-Bec, connu sous le nom du grand Tamerlan, Empereur des Mogols & Tartares. Ce dernier Ouvrage, qu’il a traduit du Persan, a beaucoup contribué à faire connoître dans l’Europe ce fameux Conquérant, sur lequel on n’avoit jusqu’alors que des Mémoires incertains ; mais ce en quoi M. Petis a plus servi à étendre l’honneur du nom François, c’est par une Histoire de Louis XIV, écrite en Arabe, & par la Traduction en Langue Persane, de l’Histoire de ce même Prince par les Médailles. Ces deux Ouvrages, entrepris par le seul motif du zele patriotique, sont estimés des Orientaux.
Son fils, qui succéda à ses Places & à ses connoissances, nous a donné son Eloge historique, très-bien écrit. On a aussi de lui des Lettres critiques, sur les Mémoires du Chevalier d’Arvieux, publiées sous le nom d’un Secrétaire de Mehemet Effendi, qui prouvent qu’il étoit très-digne de le remplacer ; avantage peu ordinaire aux enfans, qui n’ont pas toujours le bonheur d’hériter des talens de leur pere.