(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 483-484
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 483-484

PELLEGRIN, [Simon-Joseph de] Abbé, né à Marseille en 1663, mort à Paris en 1745 ; Poëte dont le nom est devenu ridicule de nos jours, comme celui de l’Abbé Cotin, dans le Siecle de Louis XIV ; mais on doit reconnoître, à l’égard de l’un & de l’autre, plus de fatalité que de justice dans le mépris qu’ils ont éprouvé de la part de leurs Contemporains. Le blâme & la louange, dans tous les temps, n’ont pas été équitablement distribués ; & cette injustice est encore plus particuliere à notre Siecle.

L’Abbé Pellegrin n’étoit pas sans mérite. On a de lui la Tragédie de Pélopée, la Comédie du Nouveau Monde, l’Opéra de Jephté, qui feroient honneur aux petits Ecrivains qui prennent la liberté de rire à son sujet. Il faut cependant convenir qu’il abusoit de sa facilité à faire des Vers ; mais c’est à son peu de fortune qu’on doit attribuer la négligence de son style & les autres défauts qu’on lui reproche. Quand la nécessité inspire les talens, elle ne leur donne pas le temps de se perfectionner. Le besoin exténue les Muses. Un Poëte qui travaille pour souper, n’a jamais des inspirations aussi vives & aussi fortes qu’Horace, qui, comme dit Despréaux, a bu tout son soûl quand il voit les Ménades. Ce cas est le seul où l’on puisse dire que la nécessité ne donne point d’esprit.