PELISSON, [Paul] de l’Académie Françoise, né à Beziers en 1624, mort à Paris en 1693.
Avant de s’attacher à l’Eloquence, dont on peut le regarder comme un des restaurateurs, il s’étoit appliqué à l’étude du Droit. Sa Paraphrase du premier Livre des Instituts de Justinien, ne se ressent, en aucune maniere, de la jeunesse de l’Auteur, qui n’avoit alors que dix-neuf ans. On remarque dans cet Ouvrage cet esprit clair, méthodique, & nerveux, qu’il développa dans la suite avec plus d’éclat dans un autre genre.
Son Histoire de l’Académie Françoise a servi de modele pour le style à ceux qui l’ont écrite après lui, & doit en servir à ceux qui l’écriront dans la suite. La lecture de cet Ouvrage, qui n’étoit encore que manuscrit, enleva les suffrages de tous les Académiciens, parmi lesquels M. Pelisson n’étoit pas encore admis. Ils déciderent d’une voix unanime, que la premiere place vacante lui seroit réservée. En attendant, on lui donna le droit d’assister aux séances, avec cette distinction glorieuse, que la même grace ne pourroit être accordée à personne pour quelque considération que ce fût. Une gloire bien supérieure à celle que M. Pelisson a méritée par ses talens, est la grandeur d’ame avec laquelle il se déclara le Défenseur du Surintendant Fouquet, après sa disgrace. Les Discours qu’il composa pour la justification de ce Ministre, sont les chef-d’œuvres d’une Eloquence mâle, rapide, attachante, & portent l’empreinte d’une ame pleine de noblesse & de sentiment ; aussi tout ce qu’il y avoit alors de plus respectable s’empressa de lui rendre hommage.
Le fameux M. le Fevre, pere de Madame Dacier, lui dédia, pendant qu’il étoit à la Bastille, son Lucrece & sa Traduction du Traité de Plutarque sur la superstition. Un Mécene dans les fers est peut-être un exemple unique dans la Littérature. Messieurs les Ducs de Montausier, de S. Aignan, & plusieurs autres Seigneurs de la Cour, allerent le voir dans sa prison, dès les premiers instans où il eut permission de recevoir des visites : tant il est vrai que les qualités de l’ame font le véritable prix des talens, qui sans elles ne font que de simples Auteurs, & souvent des hommes très-peu estimables ! Une si louable émulation s’étendit plus loin. Louis XIV se réunit lui-même aux Admirateurs, &, qui plus est, aux amis de M. Pelisson. Après lui avoir rendu sa liberté, il l’emmena avec lui dans ses Campagnes, & lui accorda souvent l’honneur de coucher dans sa chambre. Cet Ecrivain méritoit les distinctions du Monarque autant par le bon usage qu’il avoit fait de ses talens, que par la sincérité avec laquelle il avoit abjuré les erreurs de la Religion prétendue réformée, dans laquelle il avoit été élevé.
Depuis ce temps, il ne s’occupa qu’à répondre à la confiance du Roi, non en achetant des conversions, comme l’a prétendu l’Auteur du Siecle de Louis XIV, mais en les procurant par son zele, par ses écrits, plus encore par une vie édifiante, qui ne se démentit jamais. Les Protestans qui ont osé assurer qu’il est mort dans des sentiments suspects, ne l’ont pas connu : une ame aussi élevée que la sienne, étoit incapable de dissimulation. Si sa derniere maladie ne lui laissa pas le temps de recevoir les Sacremens, la vie qu’il avoit menée, son exactitude à remplir les devoirs d’un vrai Catholique, doivent placer cet événement au rang de ceux que la prudence ne sauroit prévoir, & il n’en peut résulter aucun soupçon au préjudice de l’intégrité de sa foi. On a de lui un Livre de prieres à réciter pendant la Messe, qui n’est pas son meilleur Ouvrage, mais une nouvelle preuve de sa piété sincere.