(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 459-462
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 459-462

PASCAL, [Blaise] né à Clermont en Auvergne, en 1623, mort à Paris en 1662, Génie qui a su allier l’énergie des pensées avec l’élégance & la pureté du langage, ce qui le place, sans contredit, parmi les meilleurs Ecrivains du Siecle de Louis XIV.

Ce n’est pas pour avoir appris les Mathématiques sans Maître, qu’on doit le regarder comme un homme extraordinaire : le P. Magnan, M. Parent, M. Sauveur, plusieurs autres, & de nos jours un simple Berger, ont rendu ce phénomene moins étonnant. Sa plus grande célébrité vient de sa maniere de penser & d’écrire. Les Lettres provinciales seront toujours regardées comme un des chef-d’œuvres de notre langue. Tous les genres d’éloquence y sont employés tour-à-tour. La force, la vivacité, la chaleur, la plaisanterie, le raisonnement, y jettent une variété & un intérêt qui soutient l’attention du Lecteur, malgré la longueur & la fréquence des citations. La quatorzieme, sur-tout, peut le disputer à ce que l’antiquité a le plus admiré en fait d’éloquence. « Il est vrai, devons-nous ajouter par un esprit d’impartialité, avec l’Auteur du Siecle de Louis XIV, il est vrai, que tout le Livre portoit sur un fondement faux. On attribuoit adroitement, à toute la Société, des opinions extravagantes de quelques Jésuites Espagnols & Flamands. On les auroit déterrées aussi bien chez les Casuistes Dominicains & Franciscains ; mais c’étoit aux seuls Jésuites qu’on en vouloit. On tâchoit, dans ces Lettres, de prouver qu’ils avoient un dessein formé de corrompre les hommes, dessein qu’aucune Société n’a jamais eu & ne peut avoir ».

Le même Ecrivain n’a pas été aussi judicieux à l’egard des Pensées de Pascal sur la Religion. Pouvoit-il oublier que ces Pensées ne sont que des éruptions intermittentes d’un esprit accoutumé à réfléchir profondément, & auxquelles les infirmités continuelles de l’Auteur n’ont pas permis de donner de la liaison & de la suite, comme il en avoit l’intention ? Malgré le peu d’ordre qui y regne, il est impossible de n’y pas reconnoître une sublimité, une profondeur, une force & une vérité qui éclairent, saisissent, enlevent le Lecteur. La Critique du Philosophe n’a ainsi servi qu’à faire sentir la supériorité du Génie, qu’il vouloit ravaler. La Philosophie ne cessera-t-elle jamais de travailler à sa honte, en s’obstinant, par une pitoyable maladresse, à décrier tant d’hommes supérieurs qui ont écrit en faveur de la Religion ? L’impiété seroit-elle plus excusable & mieux fondée, quand il seroit vrai que les Défenseurs du Christianisme se sont trompés quelquefois ? Tout au plus on peut reprocher aux Pensées de Pascal, de trop se ressentir du caractere caustique & de la mélancolie habituelle de leur Auteur. Peintre vigoureux & facile, son coloris, il est vrai, est sec & rembruni ; mais ce défaut n’empêche pas qu’il ne l’emporte de beaucoup sur le commun des Moralistes, & ne s’éleve même au rang des plus éloquens & des plus substantiels. Ses Pensées, nous le répétons, étonnent l’imagination & remuent le cœur. Il est impossible de renfermer en moins de mots plus de raison, plus de cette éloquence qui nait du sentiment vif des objets. Bayle avoit raison de dire que des lumieres & une conduite semblables à celle de Pascal, mortifient plus les Libertins, que si on leur lâchoit une douzaine de Missionnaires. Dans un autre endroit, il ajoute : Ils ne pourront plus dire qu’il n’y a que de petits esprits qui aient de la piété ; car on leur en fait voir de la mieux poussée dans un des plus grands Géometres, des plus subtils Métaphysiciens, & des plus pénétrans esprits qui aient jamais été au monde. Si cette réflexion n’est pas bien écrite, elle est au moins très-concluante.