(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — O. — article » pp. 430-432
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — O. — article » pp. 430-432

ORLÉANS, [Pierre-Joseph d’] Jésuite, né à Bourges en 1641, mort à Paris en 1698 ; un des Ecrivains du Siecle dernier, qui ont montré le plus de talent pour écrire l’Histoire.

Avec une imagination vive & élevée, un esprit plein de finesse & de pénétration, il avoit acquis, par l’étude des bons Modeles, les qualités nécessaires à un bon Ecrivain. Tout le monde connoît son Histoire des Révolutions d’Angleterre ; on ne peut la lire sans éprouver le plaisir qui naît de la surprise & de l’intérêt. L’Auteur y développe, y discute, avec autant de sagacité que de justesse, tous les événemens, toutes les intrigues, toutes les manœuvres, tous les motifs, toutes les ressources, toutes les passions qui ont produit tant de vicissitudes dans cette Isle célebre, & dont le Gouvernement a fourni tant de tableaux différens. Malgré l’embarras des matieres, la narration marche toujours d’un pas égal, ou, pour mieux dire, elle a constamment & sans effort un cours noble & rapide, semblable à celui d’un fleuve, dont les eaux roulent avec autant de vîtesse que de majesté. Si l’Historien semble quelquefois s’écarter de son sujet, ce n’est que pour y répandre un jour plus lumineux, en rappelant des objets qui tendent à l’éclaircissement du sujet principal. Ses écarts sont comme les débordemens du Nil, qui répandent la fertilité dans tous les lieux où ils passent.

L’Histoire des Révolutions d’Espagne, quoique moins connue que la précédente, est également digne de sa plume : toujours la même élégance, la même rapidité, la même abondance ; toujours des réflexions frappantes, naturelles, & sans prétention ; toujours des portraits d’un coloris brillant, qui n’ôtent rien à la ressemblance & à la vérité.

Ce qui éleve principalement le P. d’Orléans au dessus des Historiens ordinaires, est un discernement exquis & soutenu, qui n’admet dans ses récits que les traits capables de piquer la curiosité du Lecteur, & de la satisfaire. Un des plus grands défauts de ceux qui ont écrit l’Histoire, est de tout raconter sans aucun choix ; par-là, ils surchargent la mémoire & dégoûtent l’esprit. Il est tant de petits incidens dévoués par leur peu de valeur au silence, qu’on ne peut trop savoir de gré aux Ecrivains substanciels & judicieux, dont la plume rejette tout ce qui ne tend point à développer, à faire saisir & à constater les faits essentiels. Or, personne n’a mieux réussi que le P. d’Orléans dans cette partie.

On a encore de lui plusieurs autres Ouvrages historiques, tels que l’Histoire des deux Conquérans Tartares, Chunchi & Chamghi. Il n’est pas, jusqu’aux Vies particulieres, qu’il n’ait su rendre intéressantes, par une touche vive, lumineuse, délicate, & remplie d’onction. Les Vies des bienheureux Louis de Gonsague, Stanislas Kostka, & celle du Pere Cotton, seront toujours des Modeles à proposer à quiconque voudra s’exercer dans ce genre de Biographie.