NIV**, [N. Duc de] Chevalier des Ordres du Roi, de l’Académie Françoise, &c. né en 17..
Apollon dit, dans une Epigramme de l’Anthologie :
Je chantois, Homere écrivoit.
On pourroit appliquer ces mêmes paroles à tout ce qui est sorti de la plume de ce Duc Littérateur. Jusqu’à présent ses Ouvrages connus se réduisent à un très-petit Volume ; mais ce Volume rassemble tout ce que le goût, la finesse & les graces ont de plus piquant. La postérité aura peine à croire que le même génie qui a brillé dans tant de négociations importantes, ait pu se pénétrer assez de tous les genres de Littérature, pour prononcer avec tant de justesse sur les meilleurs Poëtes anciens & modernes. Les Réflexions sur le génie d’Horace, de Despréaux, & de Rousseau, sont un prodige de sagacité, comme un modèle de critique. On peut les regarder comme un jugement prononcé par Apollon lui-même, de l’avis des Muses & des Graces. Après avoir analysé le génie du Poëte d’Auguste, M. le Duc de Niv** prend sa lyre, & en tire des sons qu’Horace lui-même n’eût point désavoués ; on ne s’apperçoit pas que cet instrument ait changé de main, en passant dans les siennes. C’est dans ces morceaux que le Traducteur, si on peut se servir de ce terme, déploie les richesses de notre Poésie, & fait de vrais Originaux de ses imitations.
C’est donc un nouveau degré de gloire pour les Héros du Parnasse Latin & François, d’avoir exercé les talens d’un homme dont les Ecrits seuls immortaliseroient le nom, si ses lumieres supérieures, ses vertus sociales ne le destinoient déjà à l’immortalité.
Il est fâcheux pour Rousseau, de n’avoir pu se concilier la plénitude d’un suffrage si propre à en imposer à tous les Esprits. Les Réflexions ne paroissent pas le traiter assez favorablement, en le mettant trop au dessous du Favori de Mécene, & pour les talens & pour le cœur. Qu’il nous soit permis d’observer que Rousseau, quoiqu’inférieur à Horace, à bien des égards, nous paroît lui être supérieur à bien d’autres ; ce que le parallele ne fait pas assez sentir, à notre avis. L’Horace François a des Odes, des Cantates, des Epîtres qui feroient honneur à celui des Romains. Il est vrai qu’il a composé des Epigrammes où la malignité & la licence lui font oublier les égards ; mais ces sortes de Productions ne peuvent-elles pas être regardées comme des éclipses de la raison & de l’honnêteté, réparées par tant d’Ecrits postérieurs aux égaremens de sa plume ? Telle est du moins notre opinion, & M. le Duc de Niv*** nous le pardonnera d’autant plus volontiers, qu’il a la modestie d’abandonner les siennes au jugement de la critique, & que cette opinion tend à l’indulgence, le vrai caractere de sa philosophie.
On connoît encore de cet illustre Académicien, des Fables pleines de poésie, de délicatesse, & de morale, qui ne sont point imprimées, mais qui ont honoré autant qu’égayé les séances académiques, assez souvent dépourvues de ce double effet, quand les oracles de son portefeuille se taisent. S’il juge à propos d’en faire présent au Public, on y reconnoîtra Lafontaine avec un air de Cour, qui eût rendu sa naïveté encore plus piquante.