(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 368-371
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 368-371

MOREAU, [Jacob-Nicolas] Conseiller à la Cour des Comptes, Aides & Finances de Provence, premier Conseiller de Monsieur, Historiographe de France, Bibliothécaire de la Reine, né à Saint-Florentin le 20 Décembre 1717.

L’esprit & la raison se disputent la préférence dans tout ce qui est sorti de sa plume ; par-tout on y reconnoît l’Ecrivain judicieux, plein de finesse & de pénétration. L’Observateur Hollandois, espece de Journal Politique, composé de quarante-sept Lettres, n’eut pas plutôt paru, que tous les Connoisseurs applaudirent à la sagacité, aux connoissances profondes, à la méthode, à la netteté, avec lesquelles l’Auteur développe les intérêts & la situation des différentes Puissances de l’Europe. Le style sur-tout, par sa gravité & son élégance, caractérise éminemment le sage Penseur & l’habile Ecrivain.

La plume de M. Moreau a combattu tout à la fois les ennemis de la Nation & ceux de la raison. Le Mémoire pour servir à l’Histoire des Cacouacs, est une Production vraiment originale. Jamais on n’attaqua plus vivement les Philosophes de nos jours, & jamais on ne fit sentir plus finement le ridicule de leur orgueil & de leurs systêmes. Tout y respire la saine critique, la fine plaisanterie ; on y admire sur-tout la justesse & la vérité des tableaux.

De tels hommes peuvent se flatter d’éclairer vraiment leur Patrie, & de la servir par leurs talens. C’est ce même amour de la Patrie qui lui a dicté tous les Discours qu’il a composés pour l’instruction de M. le Dauphin, aujourd’hui sur le Trône, tels que les Leçons * de Morale, de Politique & de Droit public, les Devoirs des Princes, réduits à un seul principe, &c. Comme les Philosophes, toujours attentifs à décrier tout ce qui ne porte pas leur livrée, ont pris prétexte de ce dernier Ouvrage de M. Moreau, pour répandre, dans les Sociétés, qu’il favorisoit le despotisme ; nous croyons devoir en citer ici quelques morceaux, qui suffiront pour prouver l’injustice de cette imputation, & convaincre de plus en plus le Public que la calomnie est l’arme favorite des faux Apôtres de l’humanité.

« Gouverner les hommes, ce n’est point les asservir, c’est encore moins les écraser par la violence. Un tel usage du pouvoir est si contraire à l’idée du Gouvernement, que ce fut pour enchaîner ce pouvoir aveugle & féroce, que le Gouvernement fut institué : c’étoit pour que les hommes fussent libres, qu’il étoit nécessaire qu’ils fussent gouvernés : car le caractere de la multitude est de se laisser entraîner par la fougue des passions ; & ce fut pour nous soustraire à la tyrannie de la foule, que les Rois nous furent donnés. C’est donc par des loix générales, & non par des volontés particulieres, qu’ils doivent faire régner la justice sur leurs Sujets ; & l’unique objet des loix qu’ils sont obligés de donner à leurs Peuples, doit être de les faire jouir de tous les avantages qu’ils ont reçus de la Nature.

La raison suffit pour nous convaincre que les Souverains furent donnés aux Peuples, & non les Peuples aux Souverains. L’autorité suprême n’est que le droit de gouverner ; & gouverner ce n’est pas jouir, c’est faire jouir les autres, c’est assurer, c’est maintenir contre la licence de la multitude les droits qui appartiennent à chaque individu.

La Souveraineté est le plus grand de tous les pouvoirs, mais la moindre de toutes les propriétés ; & les Rois, comme Rois, n’ont rien à eux que le droit ou plutôt le devoir de tout conserver à la Société, dont ils sont les Tuteurs & les Chefs ».

Nous nous bornerons à ces citations, que nous pourrions pousser beaucoup plus loin. Nous renvoyons les Lecteurs de bonne foi à l’Ouvrage même : ils verront combien l’Auteur est éloigné de favoriser l’autorité arbitraire & le gouvernement despotique ; ils verront avec quelle force il défend les droits des Sujets, avec quel noble courage il présente au Prince, non seulement le tableau des devoirs de la Royauté, mais une infinité de principes & de vérités propres à écarter du cœur des Souverains, l’orgueil qui cherche sans cesse à les séduire & à leur faire oublier qu’ils ne sont sur le Trône, que pour rendre leurs Peuples heureux.