(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 361-363
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 361-363

MONTREUL ou MONTEREUL, [Mathieu de] Abbé, né à Paris en 1620, mort à Aix en Provence en 1692 ; Poëte assez agréable, qu’il ne faut pas confondre avec Jean Montereul, son frere, qui n’a rien fait imprimer, quoiqu’il fût de l’Académie Françoise. L’Abbé de Montreul avoit l’esprit orné, naturellement porté à la galanterie, & n’écrivoit pas mal en vers & en prose. On eût pu cependant se dispenser d’imprimer ses Lettres, dépourvues d’instructions & d’agrément ; il n’y a guere que celles qu’il écrivit sur le Voyage de la Cour, à Fontarabie, au sujet du mariage du Roi, qui vaillent la peine d’être lues. Ses Poésies sont plus intéressantes ; on y trouve de la finesse, du brillant, & du naturel. On estime principalement ses Madrigaux, qui tous approchent de l’Epigramme par la subtilité de la pensée, ce que nous nous gardons bien de donner pour un éloge. On peut en juger par ceux-ci :

Ne me demandez pas, Silvie,
Quel est le mal que je ressens ;
C’est un mal que j’aurai tout le temps de ma vie ;
Mais je ne l’aurai pas long-temps.

Le suivant fut fait aux Petites-Maisons.

Quand j’écoute ces Foux d’un air si sérieux,
Vous me raillez aussi bien qu’eux ;
Mais je leur porte envie, & je n’en saurois rire.
Ah ! Madame, qu’ils sont heureux !
Il leur est permis de tout dire.

L’Abbé de Montreul avoit une sœur qui cultiva la Poésie avec quelques succès. On ne sera peut-être pas fâché de trouver ici le Sonnet qu’elle adressa à son Amant, lorsqu’elle se retira dans un Couvent de Religieuses Ursulines.

En vous disant adieu, malgré moi je soupire,
On voit tomber mes pleurs en ce fâcheux moment ;
Je sens deux passions, quoiqu’inégalement,
Régner sur mon esprit avec beaucoup d’empire.
Je ne saurois penser au bonheur où j’aspire,
Sans témoigner l’excès de mon contentement ;
Mais, d’un autre côté, ce triste éloignement,
Lorsque je songe à vous, fait aussi que j’expire.
Pour vaincre mon amour, j’ai long-temps combattu ;
Et j’aurois vainement employé ma vertu,
Si Dieu, par ses bontés, n’eût aidé mes foiblesses.
C’est lui qui dans mon cœur vient combattre aujourd’hui
Votre humeur, vos discours, vos soins, & vos tendresses ;
Vous ne voudriez pas l’emporter dessus lui.

Si l’on fait attention que ce Sonnet fut composé vers l’an 1640, on sera plus porté à excuser ses défauts.