MONCRIF, [François-Augustin Paradis de] Lecteur de la Reine, de l’Académie Françoise, né à Paris en 1687, mort dans la même ville en 1770.
Quelques Poésies fugitives, pleines d’esprit, de délicatesse & de sentiment, à la tête desquelles il faut placer le Rajeunissement inutile, ont établi sa réputation pendant qu’il vivoit, & pourront même la soutenir encore après sa mort. Ses Ouvrages, en prose, ne nous paroissent pas devoir mériter le même succès. Un style maniéré, trop souvent inintelligible, n’est nullement propre à flatter la Postérité, si elle possede quelques étincelles de bon goût. Voici quelques phrases de cet Auteur, prises au hasard dans ses Œuvres mêlées.
Des Génies qui se manifestent, en s’emparant des Esprits qui contribuent aux progrès de l’Esprit même, qui sont animés d’une passion constante pour l’Esprit en général, sans presque aucun retour sur la portion d’Esprit qu’ils ont eux-mêmes.
Le sang l’attachoit * au Ministre **, dont la confiance & la faveur lui étoient nécessaires ; &, par un double engagement, ce digne Ministre animoit & favorisoit les productions de l’Esprit par ce goût que nous avons naturellement pour nos propres richesses.
Il en est souvent de l’imitation, comme de certaines adoptions qui regardent la figure.
L’usage, à le définir selon l’idée qu’on s’en forme communément, est une espece d’énigme, qui ressemble à un portrait des modes, au sujet des ajustemens, une sorte d’habitude dont l’objet est variable, &c.
Quand on s’exprime ainsi, il faut se borner à quelques Admirateurs pour le temps présent, & renoncer aux suffrages des Juges éclairés pour l’avenir.
Piron disoit plaisamment, au sujet du style de cet
Auteur : « Fontenelle a engendré Marivaux, Marivaux a engendré Moncrif, & Moncrif n’engendrera
personne »
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