MAURY, [Jean-Siffrein] Abbé, Prédicateur ordinaire du Roi, de l’Académie des Arcades de Rome, né en 1746.
Il a débuté dans les Lettres par des Eloges historiques, tels que ceux du Roi Stanislas, de Charles V, de Louis Dauphin, de Fénélon, qui annoncent des connoissances, de l’esprit, le talent de s’exprimer avec autant de noblesse que de clarté ; mais dont le style dépourvu en général de chaleur & de nerf, fait augurer que cet Auteur aura de la peine à parvenir à la véritable éloquence. Ce n’est pas qu’il en ignore les préceptes : les Réflexions qu’il a publiées à la tête de ses Discours choisis, prouvent qu’il les connoît & qu’il en sent la nécessité ; mais les Discours qui les suivent & les Sermons que nous lui avons entendu prêcher, ne prouvent pas qu’il possede les qualités & qu’il ait rempli les devoirs d’un Orateur Chrétien véritablement éloquent. Ils ne présentent, pour la plupart, qu’une pompeuse déclamation sans ordre ni méthode, sur des sujets également étrangers à la Religion & à l’Eloquence, & plus dignes du Fauteuil académique, que de la Chaire de vérité. Aussi le Carême qu’il a débité, cette année, à la Cour, a-t-il été regardé moins comme une suite d’Instructions évangéliques & chrétiennes, que comme un Cours d’éducation & de morale cent fois rebattue dans les Livres philosophiques de ce Siecle. Nulle onction, nuls mouvemens, nulle véhémence ; c’est à l’esprit & jamais au cœur qu’il parle. Plus ambitieux de plaire que de toucher, d’étaler des connoissances que de convertir, il n’a absolument rien d’énergique, rien qui soit senti : on croit entendre un Dissertateur bel-esprit, plutôt qu’un Orateur pénétré de son sujet, & jaloux d’en pénétrer les autres. De là, le défaut de liaison & de suite dans ses idées, d’assortiment dans l’ensemble, de caractere dans son style, tantôt philosophique, tantôt religieux, & toujours froid ; de là, ces figures étrangeres au sujet & préparées avec effort, ces tours étudiés, ces expressions symétriques qui supposent de l’esprit, mais qui décelent un cœur vide de sentimens, & par conséquent incapable de toucher les autres cœurs & de s’en rendre le maître. Si l’Eloquence consiste à faire passer dans l’ame d’autrui le sentiment dont on est soi-même pénétré, à s’emparer fortement d’un sujet, à en connoître toutes les ressources, & à les déployer avec autant de méthode que d’énergie, M. l’Abbé Maury ne sauroit figurer parmi les Orateurs vraiment éloquens. Il n’a ni le talent d’émouvoir le cœur, ni celui de l’intéresser. Tel est du moins le jugement qu’ont porté de cet Orateur les gens de goût & impartiaux, qui l’ont lu ou entendu. Nous n’ignorons pas que les Philosophes & leurs partisans en pensent ou en parlent bien différemment ; mais nous nous faisons gloire de manifester ce que nous pensons du mérite des Auteurs, & nous invitons celui-ci à ne point se laisser aveugler sur les qualités qui lui manquent, par les applaudissemens des Sectateurs d’une Morale ennemie de celle qu’il prêche : leur suffrage n’est propre qu’à humilier l’Orateur Evangélique & Chrétien. Avec de la modestie, le vrai talent se défie de la fausse gloire ; avec de la docilité, il profite des avis qui l’éclairent, & parvient, sans intrigue, à la véritable.