MAIRET, [Jean] né à Besançon, mort à Paris en 1660, dans un âge fort avancé.
Avant Corneille, il avoit la réputation du meilleur Poëte tragique ; il pouvoit la mériter alors. Ses Pieces seroient plus irréprochables, si elles n’étoient pas hérissées de pointes, reste de la barbarie de l’ancien goût. Sa Sophonisbe eut un succès qui se soutint plus de trente ans, & trouve encore aujourd’hui des approbateurs. Corneille même la vit préférer à celle qu’il donna dans la suite. La cause de cette préférence, selon M. de S. Evremont, vient de ce que Mairet s’étoit appliqué, dans cette Piece, à rendre les mœurs des personnages conformes à celles de son Siecle, ce qui ne pouvoit manquer de plaire aux Spectateurs : au lieu que Corneille, attaché au vrai goût de l’antiquité, n’avoit pas eu la complaisance de s’écarter de la nature, pour flatter les esprits frivoles. Il avoit conservé à Sophonisbe, fille d’Asdrubal, & Reine de Numidie, le caractere de sa Nation, & plus particuliérement celui de sa famille.
Dans un siecle où l’apparence même de l’esprit étoit toujours sûre d’être bien accueillie, on dut entendre avec plaisir ces quatre vers de la Sophonisbe de Mairet.
Ah, Philon ! souviens-toi que la Fortune est femmes,Et que, de quelque ardeur que Siphas la réclame,Elle est pour Messanisse, & qu’elle aimera mieuxSuivre un jeune Empereur, qu’un autre déjà vieux.
Arrêtez, mon soleil, dit encore un Amant à sa Maîtresse, dans une autre Piece du même Auteur : la Maîtresse répond :
Si je suis un Soleil, je dois aller toujours.
Ces pointes, que l’ignorance des Spectateurs applaudissoit, ont été proscrites par le bon goût ; mais on y substitue aujourd’hui des maximes de Morale & de Philosophie, qui ne sont pas moins ridicules, ni moins applaudies par les ignorans.