LAINEZ, [Alexandre] né à Chimai en Hainault en 1650, mort à Paris en 1710.
Ce n’est pas le grand nombre des Poésies de cet Auteur qui l’a rendu célebre. La singularité de ses mœurs & l’originalité de son talent ont fait sa réputation. Son caractere, aussi indépendant que son imagination étoit vive & féconde, ne lui a pas permis de s’appliquer constamment à un même Ouvrage, & l’amour de la gloire n’a jamais pu le porter à recueillir & à retoucher ce qu’il avoit composé en différentes occasions. Il nous reste un très-petit nombre de ses Poésies, encore a-t-il fallu que ses amis aient pris soin eux-mêmes de les garantir de l’oubli. Il seroit à souhaiter qu’ils eussent pu en recueillir davantage. Ses vers ont une tournure qui n’est qu’à lui seul. Sa maniere de peindre, l’agrément de son coloris, la vivacité de ses expressions, la chaleur de sa composition, le distinguent de tous ceux qui se sont exercés dans le genre de Poésies fugitives. Parmi ses Ouvrages perdus, ceux qu’on doit regretter davantage, sont une Epître à Bayle, qui, dit-on, étoit bien faite, & un Poëme de deux mille Vers sur les Campagnes de Charles XII, dont les fragmens qui nous restent donnent la plus haute idée. Son Madrigal à Madame de Martel fait connoître combien son esprit étoit facile, délicat, & orné.
Le tendre Appelle, un jour, dans ces jeux si vantés,Qu’Athenes autrefois consacroit à Neptune,Vit, au sortir de l’onde, éclater cent beautés ;Et, prenant un trait de chacune,Il fit de sa Venus un portrait immortel.Sans cette recherche importune,Hélas ! s’il avoit vu la divine Martel,Il n’en auroit employé qu’une.
Lafontaine, Boileau & Chapelle faisoient beaucoup de cas de Lainez & de ses Poésies. Chapelle sur-tout l’estima d’une façon particuliere. La ressemblance d’esprit, de caractere & de conduite, décide souvent les suffrages des hommes : ce fut par-là sans doute que Lainez se rendit si aimable aux yeux de son confrere, qui avoit les mêmes penchans.