(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » p. 535
/ 5837
(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » p. 535

JODELLE, [Etienne] né à Paris en 1532, mort dans la même ville en 1573.

Avant lui la Tragédie n’étoit chez nous que ce qu’elle fut d’abord chez les Grecs, c’est-à-dire, informe & grossiere. A peu près comme les Païens célébrerent leurs Divinités dans des chants ou dans quelque récit qu’ils exécutoient en leur honneur ; de même, parmi nous, les premiers Poëtes, prétendus Tragiques, s’attacherent à représenter des Mysteres, sans s’assujettir à aucune des Regles de l’Art Dramatique.

Jodelle a le premier distribué les Tragédies & les Comédies en actes, les actes en scènes, & rappelé les trois unités prescrites par Arioste. Voilà à peu près à quoi se réduit tout son mérite ; car sa Tragédie de Cléopatre, celle de Didon, & sa Comédie d’Eugene, ne peuvent être comparées même aux plus mauvaises Pieces d’à présent ; mais dans un siecle grossier, c’est beaucoup que d’imaginer quelque chose.

Jodelle fut regardé, pendant quelque temps, comme un génie supérieur. Henri II lui accorda une gratification de cinq cents écus après la représentation de Cleopatre ; &, pour renouveler les usages des Anciens, il fit conduire chez lui un bouc couronné de lierre, dont la barbe & les cornes étoient dorées. Ce triomphe fut passager. Cet Auteur, si bien fêté, eut peu après des Rivaux qui firent oublier ses Essais : son nom eût éprouvé le même sort, si ce Poëte ne faisoit époque dans l’Histoire de notre Théatre.