GRAFFIGNY, [Françoise d’Happoncourt de] née à Nancy en 1696, morte à Paris en 17 8.
Ses Lettres Péruviennes lui ont fait une grande réputation. Quoiqu’il regne dans ce Roman un ton de métaphysique contre nature, sur-tout dans une femme, & très-nuisible à l’intérêt ; quoiqu’on y trouve quelques expressions alambiquées ; quoique le dénouement en soit totalement manqué, on ne peut cependant se refuser, en le lisant, au charme séducteur qui en rend la lecture agréable & en fait oublier les defauts. Tout ce que la tendresse a de plus vif & de plus touchant, tout ce que la nature, animée par le sentiment, tout ce qu’une élégante naïveté, la richesse des détails, la variété des images, la chaleur du style, le pathétique des situations peuvent offrir à l’ame pour l’intéresser, la captiver & l’attendrir, se trouve dans cet Ouvrage, préférable à mille autres du même genre. On est seulement fâché que l’infidélité de Zilia, contre l’attente du Lecteur, vienne amortir la sensibilité qu’elle inspire. Son changement, dont les motifs, malgré l’adresse de l’Auteur, trouvent peu de grace dans un cœur delicat, change aussi les sentimens qu’on se plaisoit à éprouver en sa faveur. Elle a beau faire des tours de force pour justifier sa foiblesse, on n’y découvre plus que les prestiges d’une conscience qui veut s’étourdir sur ses fautes, mais qui n’en imposent point au Juge impartial qui doit les condamner.
Madame de Graffigny est Auteur du Drame de Célie, en cinq actes & en prose. Cette Piece eut beaucoup de succès dans sa nouveauté, & le Public se plaît à la voir représenter. Tel sera toujours le sort de ces Pieces où l’intérêt domine, quand elles seront réduites aux justes bornes que leur bon goût doit leur prescrire.