(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 397-399
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 397-399

2. GIBERT, [Baltazar] ancien Recteur de l’Université, Professeur de Rhétorique au Collég Mazarin, parent du précédent, né, comme lui, à Aix en 1662, mort en 1741.

Celui-ci est plus connu dans la Littérature, & a acquis plus de droit sur la reconnoissance des Gens de Lettres, pour avoir professé avec distinction les Humanités pendant plus d’un demi-siecle. Les Ouvrages qu’il a publiés ont été fort loués par les Journalistes, & sont encore très-vantés dans l’Université de Paris. Notre intention n’est pas de contredire de justes suffrages, mais de les modérer.

Les Auteurs du Nouveau Dictionnaire historique, où l’on a copié trop aveuglément les Journaux, auroient pu se dispenser de dire que la Rhétorique ou les Regles de l’Eloquence de M. Gibert, est peut-être le meilleur Livre que nous ayons sur le bel art de persuader & de convaincre. Pourquoi se laisser aller facilement à des éloges exclusifs ? Un Littérateur instruit qui lira l’Ouvrage de M. Gibert, n’y trouvera tout au plus qu’une compilation de la Rhétorique d’Aristote, de celle d’Hermogène, du Livre de l’Orateur de Ciceron, & de l’Institution oratoire de Quintilien. Il est vrai qu’il y regne beaucoup de méthode, beaucoup d’érudition, beaucoup de citations, beaucoup d’observations ; mais les Ouvrages didactiques, surtout de cette espece, exigent encore du goût, de la critique, des vûes bien présentées, & principalement une élocution soignée, propre à animer les préceptes que l’Auteur veut faire goûter. C’est précisément la partie foible de cette Rhétorique. Le style en est tantôt diffus, tantôt obscur, tantôt embrouillé, & toujours sans caractere.

M. Rollin, dans son Traité des Etudes, est bien autrement intéressant. Il y est peut-être moins érudit & moins profond, que le Professeur du Collége Mazarin dans sa Rhétorique ; mais il est plus élégant, plus moëlleux, plus piquant, plus instructif, plus didactique ; il a l’art d’insinuer ce qu’il enseigne. Ceux qui ont donné la préférence à l’Ouvrage de M. Gibert, sur tous les autres du même genre, ne connoissoient donc pas ce Traité estimable, ni tant d’autres Productions, telles que la Rhétorique du P. Lami, les principes pour la lecture des Orateurs de M. l’Abbé Mallet, le Cours de Belles-Lettres de M. l’Abbé Batteux, &c. &c., que nous ne citons ici, que pour faire sentir combien on doit être réservé sur ces excès d’approbations, qui induisent toujours la multitude en erreur ?

M. Gibert nous paroît, sans contredit, plus estimable, dans ses Jugemens des Savans sur les Auteurs qui ont traité de la Rhétorique. Cet Ouvrage, quoiqu’imité de celui de Baillet, est infiniment supérieur à son modele. Au mérite d’une compilation beaucoup mieux digérée, l’Auteur joint celui d’un style assorti à son objet. Il est aisé d’y remarquer encore un talent singulier pour l’analyse, des réflexions saines & judicieuses, ainsi que dans ses Observations sur le Traité des Etudes, où M. Gibert paroît capable de bien écrire, quand il est animé. Pourquoi ces deux Ouvrages sont-ils moins connus que le premier ? C’est un de ces problêmes que la bizarrerie du Public offre souvent à résoudre.