(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 371-373
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 371-373

GAMACHES, [Etienne-Simon] Chanoine Régulier de Sainte-Croix de la Bretonnerie, de l’Académie des Siences, né à Meulan en 1672, mort à Paris en 1756.

On peut lire avec fruit quelques-uns de ses Ouvrages de Physique, de Littérature & de Morale ; car il s’est également exercé dans les Sciences & dans les Belles Lettres. Ses Dissertations littéraires & philosophiques ont tout à la fois le merite de la réflexion, & celui d’être écrites avec clarté & précision, quoiqu’avec trop de subtilité quelquefois. Celle qui regarde les Agrémens du Langage, fait sur-tout honneur à sa sagacité & à son goût. Il est vrai qu’on n’y trouve rien, ou presque rien de neuf ; mais c’est beaucoup de s’attacher aux vérités connues, de les développer & de les mettre à la portée de tous les Esprits. On préférera toujours une raison sage & circonspecte, à cette folle raison qui s’égare en courant après la nouveauté, laquelle ne sauroit être qu’un travers, depuis que les notions du goût & de la langue sont fixées.

Nous aurions tort d’oublier que M. Gamaches a donné encore un autre Ouvrage peu connu aujourd’hui, & cependant très-digne de l’être. Cet Ouvrage, qui a pour titre, le Systême du Cœur, parut sous le faux nom de Clarigny, & est dédié à M. de Fontenelle, ami de l’Auteur. Il contient trois Discours remplis d’une métaphysique profonde, de raisonnemens solides, & écrits d’un style noble, facile, & nombreux. Le but qu’on s’y propose, est d’examiner l’origine, la marche & les excès des passions humaines. L’amour sur-tout, considéré comme affection de l’ame, naissant en nous d’elle-même, & précédant toute détermination à la volonté, y est développé dans tous ses mouvemens, & réduit à une théorie aussi lumineuse qu’utile. Il est aisé de voir que l’Auteur a beaucoup réfléchi sur les penchans de la Nature, qu’il a le talent d’en saisir & d’en peindre jusqu’aux moindres agitations & aux moindres signes. Ce seroit peu, s’il se bornoit à la simple spéculation. Il n’anatomise, pour ainsi dire, le cœur de l’homme, qu’afin de nous apprendre à en prévenir ou à en guérir les maladies. La sagesse de la conduite dépend presque entiérement de la connoissance de soi-même : il indique les moyens de parvenir à cette connoissance, d’en tirer des fruits, & de soustraire son ame à la tyrannie des passions ; il met sous les yeux de la raison, les principes qui les éveillent, les alimens qui les fortifient, & les contre-poids qui peuvent les arrêter. En sorte qu’il a l’avantage d’instruire non seulement chaque individu, mais d’avoir fourni des lumieres à plusieurs Métaphysiciens postérieurs, qui ne se sont pas vantés de l’avoir lu.