GALLOIS, [Jean] Professeur en Grec au Collége Royal, de l’Académie Françoise & de celle des Sciences, né à Paris en 1632, mort dans la même ville en 1707.
Le Journal des Savans, qu’il se chargea de continuer seul, après la mort de M. de Sallo, est un monument non équivoque de l’étendue de ses connoissances. Ce genre de travail en exigeoit un grand nombre, & de très-pénibles à acquérir. L’Abbé Gallois s’y étoit disposé par une étude opiniâtre, qui le mit à portée de remplir sa tâche avec succès. Il savoit le Grec, l’Hébreu, le Latin, l’Espagnol, l’Italien, l’Allemand, l’Anglois, & les Langues Orientales ; il étoit tout à la fois Géometre, Physicien, Littérateur, Théologien, versé dans l’Histoire, Philosophe, & excellent Critique. Vigneil-Marville, l’Abbé Bourzeis, l’Abbé Fraguier, Fontenelle, &c. ont rendu les plus grands hommages à son mérite. Le Journal passa dans ses mains en 1666, & il le poussa jusqu’en 1674. Les volumes qui sont de lui, offrent une variété si étonnante de matieres, qu’on a peine à se persuader qu’un seul homme ait pu y suffire. Les extraits qu’ils contiennent, sont d’un esprit consommé dans chaque Science. Les réflexions ; la critique, les discussions, l’art d’analyser les matieres, s’y montrent tour-à-tour, jamais hors de propos, & répandent la lumiere sur les objets les plus abstraits.
C’est ici le lieu de remarquer que le Journal des Savans, qu’on peut regarder comme le pere de tous les Journaux, n’a pas été, même dans sa naissance, aussi recherché qu’il le méritoit. On peut dire cependant que, depuis son origine jusqu’à nos jours, il a été composé par des Savans célebres & d’habiles Littérateurs. Peut-être la sécheresse qu’on lui a toujours reprochée, est-elle cause de cette indifférence. Peut-être les Sciences & les Arts, auxquels il s’attache plus particuliérement, en éloignent-ils le commun des Lecteurs. Ou plutôt n’est-il pas vraisemblable que sa forme analytique, & l’attention qu’il a eue pendant long-temps à ne porter aucun jugement sur les Ecrits, n’ont pas peu contribué à ce discrédit ? Ce n’est pas ainsi qu’il procéda dans son établissement : le mérite & les défauts des Ouvrages y étoient appréciés avec autant de lumieres que de courage & d’équité. Il est vrai que cette liberté de prononcer sur les Ecrivains, qui, en général, ne demandent que des Panégyristes, lui attira des disgraces, & en occasionna la suppression pour quelque temps : mais l’autorité comprit bientôt qu’il n’étoit pas moins essentiel de maintenir les loix de la Littérature, que celle de la subordination dans les autres ordres de l’Etat ; qu’il sera toujours avantageux aux Littérateurs d’être instruits, redressés, & contenus dans les bornes qu’ils ne doivent pas franchir ; que le bon usage des connoissances & des talens est un objet essentiel à l’intérêt & aux agrémens de la société ; que l’abus de ces deux puissans ressorts, dignes de toute l’attention de la Politique, entraîne toujours des suites dangereuses ; qu’un esprit éclairé, courageux, inflexible, mérite de l’encouragement, & ne doit point être livré à d’injustes persécutions. Alors l’Abbé Gallois se vit protégé par le Monarque, & soutenu par le Ministere. Sa critique n’eut plus d’autres entraves que celle de l’honnêteté, indispensable à tout homme qui écrit, & encore plus à celui qui juge. Ses Successeurs suivent aujourd’hui les mêmes traces, si l’on en excepte celui qu’on a chargé de la partie purement littéraire de ce Journal, qui semble avoir pris à tâche, depuis quelque temps, de ne louer que les Ouvrages des Auteurs Philosophes, & de critiquer avec amertume tout ce qui ne porte pas la livrée philosophique.