(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 337-339
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 337-339

3 FRANÇOIS, [Laurent] Abbé, né en Franche-Comté, vers le commencement de ce Siecle.

M. de Voltaire a bien pu dire dans une Epître* :

L’Abbé François écrit ; le Léthé, sur ses rives,
Reçoit avec plaisir ses Feuilles fugitives.

il a bien pu ajouter dans une note destinée à éclaircir ces Vers : « Il y a, en effet, un Abbé nommé François, des Ouvrages duquel le fleuvé Léthé s’est chargé entiérement. C’est un pauvre imbécille qui a fait un Livre en deux volumes contre les Philosophes ; Livre que personne ne connoît ni ne connoîtra ». La fadeur de ces plaisanteries n’a pas empêché & n’empêchera pas qu’on ne rende justice aux Ecrits de cet Auteur. Les Preuves de la Religion, ainsi que l’Examen des faits qui servent de fondement au Christianisme, seront toujours, aux yeux d’un Critique plus impartial, la réfutation de cet absurde badinage. Ces deux Ouvrages, sans avoir le mérite de l’élégance dont ils peuvent se passer, ont celui de l’intérêt, de la clarté, de la simplicité, de la facilité, & de l’onction, qui vaut bien la sécheresse, l’obscurité, l’enflure, l’entortillage & la morgue des Productions philosophiques.

Quel étrange délire que celui de s’acharner à déprécier des Auteurs estimables, en cherchant à les couvrir d’un ridicule qui n’attaque que le mauvais Plaisant ! Boileau, à qui la Philosophie fait un crime de la Satire, songea-t-il jamais à décrier ainsi un Ecrivain quelconque ? Trouve-t-on, par exemple, dans ses Epîtres des passages tels que celui-ci, au sujet de M. de la Beaumelle, ce vil croquant contre qui tout honnête homme éclate, en attendant qu’on lui ait appliqué les fleurs de lis sur la joue ou sur l’épaule ? A-t-il jamais dit de quelqu’un, qu’il réclamoit, dans son grenier,

La Loi qui prostitue & sa fille & sa femme * ?

Auroit-il traité d’Ecolier impudent, qui, mourant de honte & de faim, se fit Satirique pour avoir du pain **, un Critique estimable qui n’eût eu d’autre tort que d’éclairer la Littérature & de venger le bon goût ?

Telles sont cependant les précieuses saillies qui enrichissent l’Epître amicale de l’Auteur de Zaïre à M. d’Alembert.

Ecrire ainsi à ses amis, n’est-ce pas donner une étrange idée & de l’amitié qui écrit, & de l’amitié qui reçoit ? Et la Réponse la plus honnête à de pareils Epistoliers, ne devroit-elle pas se borner à ce demi-vers d’Ovide ? Nil mihi rescribas.