(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 294-295
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 294-295

FERRAND, [Antoine] Conseiller à la Cour des Aides de Paris, sa patrie, mort en 1719, âgé de 42 ans.

Le naturel & la délicatesse font l’agrément du petit Recueil de ses Poésies ; elles consistent en Chansons mises en musique par Couperin, en Madrigaux pleins de finesse, & en Epigrammes pleines d’enjouement & de sel. Si Ferrand n’a pas eu la force & l’énergie pittoresque de Rousseau, il avoit du moins autant de précision & de grace. L’Epigramme suivante suffira pour donner une idée de son talent.

D’amour & de mélancolie
Celemnus enfin consumé,
En fontaine fut transformé ;
Et qui boit de ses eaux, oublie
Jusqu’au nom de l’objet aimé.
Pour mieux oublier Egerie,
J’y courus hier vainement ;
A force de changer d’Amant,
L’infidelle l’avoit tarie.

FEUTRY, [Amé-Ambroise-Joseph] Avocat au Parlement de Douai, né à Lille en Flandres, en 1720.

Il est connu par de petits Poëmes, des Héroïdes, des Romances, & d’autres Poésies propres à justifier le succès qu’elles ont eu. Parmi ses Poëmes, on doit distinguer le Temple de la Mort, & les Tombeaux. Aucun homme de Lettres n’oubliera ce Vers si caractéristique, où, d’un seul trait, digne de Michel-Ange, il peint le Temple de la Mort,

Le Temps, qui détruit tout, en affermit les murs.

Avec une versification, en général, noble, forte & élégante, ce Poëte auroit dû s’attacher à y répandre un peu plus de cette douceur, de ce moëlleux, qui, sans nuire à l’énergie, donne, si l’on peut s’exprimer ainsi, de l’embonpoint aux Vers, & les fait paroître faciles.

M. Feutry s’est encore occupé de la Traduction de plusieurs Ouvrages Anglois, dont la plupart sont des Romans qui trouvent encore des Lecteurs. Il a refondu celui de Robinson Crusoé, & a su en écarter les longueurs & les inutilités d’une maniere si heureuse, qu’il en a fait un Livre aussi amusant qu’instructif, & qui nous paroît digne de figurer parmi le petit nombre de bons Ouvrages nécessaires à l’éducation.