FERRAND, [Antoine] Conseiller à la Cour des Aides de Paris, sa patrie, mort en 1719, âgé de 42 ans.
Le naturel & la délicatesse font l’agrément du petit Recueil de ses Poésies ; elles consistent en Chansons mises en musique par Couperin, en Madrigaux pleins de finesse, & en Epigrammes pleines d’enjouement & de sel. Si Ferrand n’a pas eu la force & l’énergie pittoresque de Rousseau, il avoit du moins autant de précision & de grace. L’Epigramme suivante suffira pour donner une idée de son talent.
D’amour & de mélancolieCelemnus enfin consumé,En fontaine fut transformé ;Et qui boit de ses eaux, oublieJusqu’au nom de l’objet aimé.Pour mieux oublier Egerie,J’y courus hier vainement ;A force de changer d’Amant,L’infidelle l’avoit tarie.
FEUTRY, [Amé-Ambroise-Joseph] Avocat au Parlement de Douai, né à Lille en Flandres, en 1720.
Il est connu par de petits Poëmes, des Héroïdes, des Romances, & d’autres Poésies propres à justifier le succès qu’elles ont eu. Parmi ses Poëmes, on doit distinguer le Temple de la Mort, & les Tombeaux. Aucun homme de Lettres n’oubliera ce Vers si caractéristique, où, d’un seul trait, digne de Michel-Ange, il peint le Temple de la Mort,
Le Temps, qui détruit tout, en affermit les murs.
Avec une versification, en général, noble, forte & élégante, ce Poëte auroit dû s’attacher à y répandre un peu plus de cette douceur, de ce moëlleux, qui, sans nuire à l’énergie, donne, si l’on peut s’exprimer ainsi, de l’embonpoint aux Vers, & les fait paroître faciles.
M. Feutry s’est encore occupé de la Traduction de plusieurs Ouvrages Anglois, dont la plupart sont des Romans qui trouvent encore des Lecteurs. Il a refondu celui de Robinson Crusoé, & a su en écarter les longueurs & les inutilités d’une maniere si heureuse, qu’il en a fait un Livre aussi amusant qu’instructif, & qui nous paroît digne de figurer parmi le petit nombre de bons Ouvrages nécessaires à l’éducation.