(1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LII » pp. 203-205
/ 5837
(1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LII » pp. 203-205

LII

rapport du duc de broglie sur la loi de l’enseignement secondaire. — lettre de m. dupanloup a m. de broglie. — m. de montalembert compromet sa cause par sa violence.

L'intérêt est en ce moment à la loi sur l’instruction secondaire. Le beau Rapport de M. de Broglie a été lu avidement malgré sa longueur, et il a excité des mécontentements en sens inverse malgré son impartialité : malgré ou à cause, et c’est bon signe que cette plainte à la fois des purs universitaires et des ultra-cléricaux. Au fond les gens sages du clergé en passeront par ce Rapport et seront trop heureux si les conclusions en sont adoptées. Leur droit y est reconnu, et ils se contenteront de cette part qui leur est faite en toute connaissance de cause. Les purs universitaires sont sérieusement blessés ; ils voulaient et ils veulent la domination pure et simple, et l’autre jour, par l’organe de M. Cousin, l’Université a paru devant la Chambre des pairs en robe presque de suppliante et d’accusée. Il faudrait que l’Université fût de bien chétive complexion pour qu’au premier petit échec (si c’en est un), au premier petit avertissement, elle tombât ainsi en défaillance.

Au reste le talent qui s’est déployé dans cette discussion et qui continue de s’y déployer est grand, et le discours de M. Cousin (son air d’oraison funèbre à part) est un très-beau morceau, très-instructif, une belle page de l’histoire de l’Université en France : en face de l’invective croissante, M. Cousin a cru devoir pencher au panégyrique.

Déjà à la Chambre des pairs, dans une discussion précédente à propos des fonds secrets, M. de Montalembert, de retour de l’île de Madère, avait incidemment soulevé cette question de liberté d’enseignement, et il l’avait fait avec tout le talent qu’on ne peut s’empêcher de reconnaître à cette parole arrogante et élégante. Le lendemain M. Rossi lui a répondu avec une justesse, une vérité, une finesse railleuse qui ont enlevé tous les suffrages ; on retrouvait dans le pair de France, devenu en ce moment l’organe de toute la Chambre, l’homme des États romains qui a vu de près l’Église et qui en a pratiqué l’histoire.

— Une lettre imprimée a été adressée à M. de Broglie par l’abbé Dupanloup, vicaire général de Paris et supérieur du petit séminaire : il y relève quelques expressions sévères du savant rapporteur sur les études des petits séminaires et leur peu de portée littéraire et classique. Cette lettre d’ailleurs est d’une grande modération de ton, tout à fait digne de celui à qui elle est adressée ; elle est, avec la brochure de M. de Ravignan, ce que le clergé a produit de plus recommandable et de plus honorable dans cette controverse.

— (26 avril.) M. de Montalembert continue par ses excès oratoires de compromettre une cause qui avait été habilement et vertement reprise en main par le comte Arthur Beugnot dans un discours plein de talent et tout politique.

Vous aurez par les journaux la clôture de cette discussion générale (à la Chambre des pairs) qui aura été pleine de lumières, de talent, de maturité (M. de Montalembert à part) et qui a vivement excité l’intérêt public. La discussion sur les articles se prolongera encore. Mais il est à croire que la loi ne sera pas votée cette année à la Chambre des députés : ainsi la lice est ouverte pour longtemps encore.