(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 74-75
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 74-75

COYER, [N.] Abbé, des Académies de Nancy, de Rome & de Londres, né à Baume-les-Nones, dans la Franche-Comté, en 17..

Ses Bagatelles Morales ont eu d’abord le plus grand succès, mais l’examen a bientôt fait connoître que ce n’étoient que des bagatelles. L’unique maniere de M. l’Abbé Coyer, pour traiter les sujets graves, est l’ironie, maniere toujours sûre de manquer son effet, si elle est trop continue & trop uniforme, comme dans ses Ouvrages. Il faut beaucoup de finesse & de variété pour ne point nuire à son sujet, quand on veut être toujours plaisant.

Cet Art veut, sur tout autre, un suprême mérite,

a dit la Fontaine. Nous pensons cependant que l’ironie n’est pas toujours le vrai moyen de corriger & d’instruire, & que ce seroit abuser de cette maxime d’Horace, ridiculum acri…. que de l’appliquer sans choix aux choses les plus respectables. Il y a bien loin du badinage à ce ridicule vif & tranchant, qui corrige sans énerver la morale. Il paroît du moins que M. l’Abbé Coyer a le mérite de la bonne intention. S’il n’a pas en partage la force & la solidité, il a du moins cette légéreté, cet agrément, qui le distinguent des Moralistes ennuyeux, sans le placer parmi les grands Moralistes.

Ce qu’on peut lui reprocher, à plus juste titre, c’est d’avoir écrit la Vie du grand Sobiesky, à-peu-près comme il a écrit ses Bagatelles. Ce n’est pas que cet Ouvrage ait le même ton de plaisanterie ; mais il n’a pas non plus celui qui convient à l’Histoire ; c’est-à-dire, l’ordre, la netteté, la dignité, & la critique. Dans son Livre, qui a pour titre, De la Prédication, il est encore, & plus hors de propos qu’ailleurs, l’homme aux bagatelles. Il n’a changé ni de style ni de caractere dans ses Voyages d’Italie & de Hollande, celui de ses Ouvrages qui a eu le moins de succès, quoique ce soit le plus amusant.

M. l’Abbé de Voisenon dit, en parlant de M. l’Abbé Coyer : Il a voyagé, est revenu, & seroit bien de repartir.