(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 60-61
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 60-61

COTIN, [Charles] Abbé, de l’Académie Françoise, né à Paris, mort dans la même ville en 1682.

Combien de Cotins aujourd’hui sont les premiers à applaudir au ridicule lancé contre lui ! Ce ne furent pas ses mauvais Vers qui lui attirerent les traits satiriques de Moliere & de Despréaux ; la médiocrité n’excite jamais l’indignation du Génie, quand elle est modeste, sans prétention, sans intrigue. Ce fut donc parce que Cotin se prévaloit un peu trop d’une réputation usurpée, qu’il cabaloit dans les petites Sociétés de son temps, qu’il s’étoit érigé en Président de quelques Bureaux d’esprit, qu’au milieu de ces Sénats ridicules, où il étoit écouté comme un Oracle, il insultoit au vrai mérite, en faveur du sien & de celui de ses amis ; ce fut enfin l’admiration indiscrete de l’Hôtel de Rambouillet, qui fit pleuvoir sur lui les anathêmes de l’Auteur du Lutrin, & de celui des Femmes Savantes.

Il en arrivera toujours de même à ces petits Oppresseurs du vrai mérite, & en même temps les Corrupteurs du goût de ceux qui les écoutent. Cotin aura même pardessus eux l’avantage d’avoir laissé quelques Productions, que l’impartialité sauvera toujours du mépris général, répandu sur ses autres Ouvrages. On a de lui des Madrigaux & d’autres petites Pieces très-ingénieuses, qu’on peut mettre au dessus de tant d’ouvrages à prétention, source de la célébrité chancelante d’un grand nombre de nos Auteurs. Un autre avantage qu’il a encore, c’est d’avoir soutenu d’assez bonne grace les traits de Satire lancés contre lui. Il ne songea jamais à repousser la plaisanterie que par la plaisanterie. Il est vrai qu’il ne fut point heureux dans ce genre d’escrime ; la partie étoit trop inégale : le goût & la raison assaisonnés du sel de l’Epigramme, seront toujours les fléaux du médiocre talent ; mais enfin il ne lui vint pas dans l’esprit d’employer le crédit de ses Mécenes, puissans & en grand nombre, pour opprimer ses Censeurs. Quand il l’eût fait, qu’en seroit-il arrivé ? Il étoit déjà un Cotin ridicule, il seroit devenu un Cotin odieux.