(1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLVI » pp. 183-185
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(1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLVI » pp. 183-185

XLVI

projet de loi sur l’instruction secondaire. — concession aux petits séminaires. — retour de la critique aux chefs-d’œuvre du xviie  siècle.

Le projet de loi sur l’instruction secondaire, présenté par M. Villemain, est précédé d’un très-bel et très-complet historique de ce genre d’enseignement sous l’ancienne monarchie. Quant au projet lui-même, il excite bien des réclamations en sens contraire. Il y a un certain article 17 (voyez-le, sur la concession, je crois, faite aux petits séminaires de fournir des sujets au baccalauréat) qui paraît aux purs universitaires très-compromettant pour l’Université et même destructif. On doute que cet article soit adopté sans modification. Le danger de cette concession en apparence si simple, et même si incomplète, montre à quel point le clergé, dans ce genre de lutte, a des ressources et peut redevenir puissant.

 — Depuis quelque temps, et surtout depuis les deux dernières années, il se fait dans la littérature française et dans la critique un mouvement curieux qui semble annoncer qu’on entre dans une phase et dans une vogue nouvelle. Les chefs-d’œuvre du xviie  siècle deviennent déjà assez anciens pour que la critique s’y applique, et non plus à la manière de La Harpe pour y chercher des modèles et des exemples à proposer aux continuateurs ou imitateurs, mais d’une méthode plus érudite et scientifique, pour y étudier la langue, le vocabulaire, le texte, relever les altérations que ces textes ont déjà subies depuis près de deux siècles qu’on les réimprime, pour y noter les variantes que les auteurs eux-mêmes avaient apportées dans les éditions premières. C'est en petit et avec plus de facilité le travail que les critiques et grammairiens d’Alexandrie exécutèrent sur les classiques grecs. Les classiques français du xviie  siècle sont déjà devenus des Anciens. La critique française entre décidément dans son époque alexandrine. Il suffit de se rappeler les récents travaux de M. Cousin sur le texte de Pascal, travaux qui doivent bientôt, on l’annonce, recevoir leur complément par une publication exacte et entière du manuscrit des Pensées. Le Journal des Savants contient des articles de M. Flourens sur les diverses éditions de Buffon. M. Walckenaër entreprend un travail sur les éditions de La Bruyère. M. Aimé Martin s’évertue sur Racine. Tout le mouvement de la librairie savante, de ce qu’on peut appeler encore de ce nom, est dans le même sens. M. Cousin, qui a tant fait pour donner l’impulsion philosophique d’il y a vingt-cinq ans, paraît être celui encore qui travaille le plus à imprimer aux études littéraires cette impulsion philologique nouvelle. Après tant d’essais fastueux plus ou moins avortés et tant de théories vaines, on conçoit que la littérature du xixe  siècle suscite cette critique tout historique et positive. Grâce à elle on admirera, on comprendra d’autant mieux les chefs-d’œuvre du grand siècle qu’on se les représentera plus franchement à distance, dans le lointain où ils sont, et à leur vrai jour.