Caveirac, [Jean Novi de] Abbé, né à Nîmes en 1713, une des victimes de la calomnie des Philosophes. Ils sont venus à bout de persuader aux Lecteurs, comme à ceux qui ne lisent pas, qu’il avoit fait dans ses Ouvrages l’apologie de la S. Barthelemi, tandis qu’il n’y a pas un mot dans tous ses Ecrits qui puisse même donner lieu à cette accusation. Son absence (car il est, dit-on, à Rome) les a enhardis à le poursuivre par leurs Libelles ; ce qui n’est guere honnête, mais très-conforme à leurs procédés ordinaires. Ils ont malicieusement confondu ce qu’il dit en politique dans son Apologie de Louis XIV & de son Conseil, avec ses sentimens en qualité de Citoyen ou de Théologien. M. de Voltaire, le premier qui l’a accusé d’être l’Apologiste de la S. Barthelemi, auroit dû citer l’Ouvrage, l’édition, le chapitre, la page, les expressions de M. l’Abbé de Caveirac, & ne pas se contenter d’une imputation vague, qui n’a d’autre fondement que son imagination, trop prompte à lui créer des fantômes, quand il en a besoin pour effrayer le Public. Ce Poëte, si jaloux de la vérité, a consacré dans ses Mélanges un chapitre pour réfuter les Mensonges imprimés, & n’a pas pensé qu’il fournissoit la matiere d’un volume, quand on voudroit recueillir ses propres mensonges. Voici ce qu’on dit de M. l’Abbé de Caveirac, dans la Réponse aux Docteurs modernes *, Ouvrage où l’éloquence se fait sentir, autant que le courage & la raison.
« Un cri universel s’est élevé, il y a quelques années, contre ce malheureux Abbé de Caveirac. Toute la Bassecour philosophique l’a hué avec indignité. On a dit, on a écrit, on a imprimé qu’il avoit fait tout exprès une Apologie de la S. Barthelemi. Vous verrez dans le monde des milliers de personnes qui en sont persuadées de bonne foi, & qui regarderoient comme le plus téméraire de tous les hommes, celui qui oseroit en douter. Cependant prenez la peine de chercher le Livre de cet Auteur si indignement & si injustement avili.
« Vous vous convaincrez d’abord que la S. Barthelemi n’étoit pas son principal objet. Il a fait un Ouvrage plein de force, de lumieres & de vérités sur l’expulsion des Protestans au siecle dernier, & sur les motifs qui y ont pu déterminer Louis XIV & son Conseil. Ce n’est qu’à la fin qu’il a joint une Dissertation de soixante-trois pages, sous le simple titre de Dissertation sur la Journée de la S. Barthelemi, à laquelle je ne vois pas trop qu’on ait répondu.
« Ensuite, si vous lisez ce petit Ouvrage, vous serez étonné de n’y trouver qu’un homme raisonnable, humain, philosophe même, qui combat un préjugé, qui pourroit avoir tort dans le fond, sans qu’il fût possible de lui faire le moindre reproche dans la forme ; enfin, qui n’a point cherché à justifier cette abominable catastrophe dont on le suppose le panégyriste, qui a tenu, à ce sujet, le langage d’un cœur compatissant & d’un esprit éclairé.
« On peut répandre , dit-il en commençant, des clartés & des motifs sur les effets de cet événement tragique, sans être l’Approbateur tacite des uns, ou le Contemplateur des autres. Quand on enleveroit à la Journée de la S. Barthelemi les trois quarts des horribles excès qui l’ont accompagnée, elle seroit encore assez affreuse pour être détestée de tous ceux en qui tout sentiment d’humanité n’est pas entiérement éteint. Et c’est l’homme qui parle ainsi, que l’on déclare l’Apologiste de la S. Barthelemi, que l’on flétrit sous ce prétexte, dont le nom peut-être ne sera transmis à la postérité qu’avec les qualifications affreuses & plus iniques encore dont on l’a accablé !
« Je ne connois point l’Abbé de Caveirac, ajoute M. Linguet dans une note ; je ne l’ai jamais vu ; je n’ai jamais eu avec lui de liaison d’aucune espece, & n’en aurai jamais vraisemblablement ; mais javoue que, sur la dénonciation authentique qui a été faite à l’Europe de ses opinions & de son Livre, j’ai été long-temps, comme beaucoup de ses ennemis sans doute, à le croire, sans l’avoir lu, un homme & un Ecrivain détestable. Le hasard a fait tomber il y a quelque temps son Ouvrage entre mes mains. J’ai frémi de mon injustice, & je saisis avec ardeur l’occasion de la réparer ».
Nous ajouterons que M. l’Abbé de Caveirac nous est aussi inconnu qu’à M. Linguet ; mais nous nous flattons de connoître les devoirs de la justice & de la vérité ; & c’est pour y satisfaire que nous nous empressons de confondre ceux qui n’ont connu ni l’une ni l’autre.