XLIII
suite de la polémique entre félix pyat et jules janin. — mademoiselle rachel dans bérénice.
Le numéro de la Réforme qui contient l’article de Félix Pyat sur le prince des critiques a été si vite épuisé qu’on vient de réimprimer l’article en brochure au prix de quinze centimes (trois sous), et il est à tous les étalages : c’est une exposition au pilori, c’est une exécution publique à laquelle chacun assiste en se disant : c’est bien fait, c’est bien vrai ! Félix Pyat a été autrefois très-lié avec Janin ; il a même écrit, dit-on, dans le roman de Barnave de celui-ci, le chapitre de Séjan, de même qu’Étienne Becquet avait écrit par complaisance la préface, ce que Janin a su très-bien dire lorsqu’il a voulu se disculper ensuite de cette philippique si injurieuse à la famille d’Orléans. En voilà bien assez de ces affreux dessous de cartes. — Félix Pyat est un écrivain de l’école démocratique ; il a fait quelques pièces de théâtre qui ont eu un demi-succès. Il a de la vigueur, de la verve, mais le trait un peu gros, le ton cru, une exaltation un peu confuse et désordonnée. Cette fois il a trouvé juste et il est tombé à belles dents sur sa proie.
Mademoiselle Rachel a joué, ce samedi 6, le rôle de Bérénice pour la première fois : elle a fort réussi. Elle a paru pleine de grâce, de vénusté, comme toujours ; dans ses airs de tête et dans sa coiffure, avec deux ou trois boucles modestes qui s’échappaient de chaque côté de dessous son diadème, on aurait dit d’un camée antique. La pièce n’a point paru trop froide, quoiqu’elle le soit, malgré tout, un peu ; mais il y a encore de la passion dans cette élégie à trois personnages qui exprime si bien le premier moment du Louis XIV amoureux de la Mancini ou de la Vallière. C'est un rôle de plus pour mademoiselle Rachel, qui se trouve assez embarrassée d’en conquérir de nouveaux, et ce sera un de ses bons.